La réouverture complète de la politique d’assurance-crédit export (PAC) sur l’Iran a été l’une des nouveautés annoncées le 16 février par les ministres qui se sont succédé à la tribune de la présentation Bercy Financements export*. Mais il n’est pas sûr que cela suffise à booster les exportations françaises vers ce pays. Car le principal obstacle demeure : la réticence des banques françaises, et plus généralement européennes, à rétablir les circuits du financement du commerce avec ce pays tant que les Américains n’auront pas définitivement levé leurs craintes d’éventuelles rétorsions depuis les amendes records que certaines d’entre elles se sont vu infliger, à commencer par BNP Paribas, pour avoir fait des opérations en dollar impliquant des pays sous sanctions…
Sur ce sujet, Marie Anne Barbat-Lavani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF) a été très claire : « Tant que le cadre juridique de la levée des sanctions primaires et secondaires aux Etats-Unis ne sera pas absolue, il sera difficile de demander aux banques françaises et même aux banques allemandes de revenir en Iran » a-t-elle notamment répondu à Nigel Taylor, Senior Vice-President Customers, Project and Structured Finance d’Airbus, lors d’une table ronde sur le thème «accès à la liquidité et nouvelles opportunités de financements export» où tout deux intervenaient.
Nigel Taylor aux banquiers : « n’ayez pas peur !»
Après s’être réjoui du Mémorandum of Understanding signé par Airbus avec Iran Air en janvier (118 moyens et longs courriers, dont 12 A 380, pour un montant global de l’ordre de 20 milliards d’euros**), à l’occasion de la visite à Paris du président Hassan Rohani, Nigel Taylor avait en effet interpelé les représentants du crédit export public présents sur le panel, dont Philippe Mills, P-dg de la Sfil et Christophe Viprey, directeur des garanties publiques Coface : « on va venir vous voir pour la garantie Iran ». Et, à l’adresse des représentants des banques françaises, il avait lancé un vibrant « n’ayez pas peur !».
Marie Anne Barbat-Lavani a quelque peu refroidi ses attentes, avançant que même si le contrat était libellé en euros, cela ne sécuriserait pas complètement les opérations vis-à-vis de l’OFAC américaine (Office of Foreign Assets Control) : « Nous, banques, nous avons besoin d’une sécurité, d’une clarté juridique sur ce que l’on peut faire » a-t-elle déclaré. Et la promesse du dirigeant d’Airbus de monter un dossier « très clair avec l’OPRAC et les États-Unis » n’a pas semblé réduire le scepticisme de la banquière. Du reste, le P-dg de la Sfil, société de refinancement des collectivités locales qui, depuis l’an dernier, est autorisée par l’Union européenne à refinancer des crédits export de gros montants (plus de 70 millions d’euros) et est surveillée par la Banque centrale européenne, n’a pas été plus enthousiaste : « Il n’y a pas que l’Iran qui est concerné, il y a aussi la Russie. C’est un sujet pour nous, et l’on ne peut que vous donner un confort oral ».
Maigre consolation, les opérateurs économiques français ne sont pas les seuls concernés par cette tétanie des banques. « C’est vraiment une question pour toute l’Europe, a indiqué Dr Hans Joachim Henckel, Deputy Director General Federal au ministère fédéral allemand des Affaires économiques et de l’énergie, qui intervenait dans le même panel. Car si, selon lui, « il est très clair que les États-Unis veulent que les Européens fassent vite la réouverture pour que ça paye pour le président iranien », il n’en demeure pas moins que l’Iran est encore en tête de la liste des pays pour le blanchiment d’argent avec la… Corée du Nord.
Christine Gilguy
*Financements export : Bercy muscle encore son arsenal de soutiens aux exportateurs
**Iran / France : Paris engrange les promesses de contrats