À l’initiative de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), une vingtaine de responsables économiques, principalement des patrons de PME découvrant l’Iran, rencontrent du 22 au 26 mai à Téhéran des importateurs locaux dans des secteurs très divers allant de la filière agroalimentaire (saucisson hallal, machine de fabrication de berlingots…) au domaine des hydrocarbures (audit, contrôle…), en passant par l’intelligence économique. Le Moci y participe. Reportage exclusif sur ce premier contact entre les entrepreneurs tricolores de cette mission de la CGPME et leurs interlocuteurs iraniens qui fait tomber bien des idées reçues…
« Ici, ce n’est pas l’Arabie Saoudite »
Tous les dirigeants français, sans exception, nous ont avoué avoir été impressionnés par le degré d’ouverture des Iraniens et leur accueil chaleureux. « Ici, ce n’est pas l’Arabie Saoudite », revenait d’emblée dans leurs bouches. Et ce qu’ils ont découvert, au-delà des péripéties politiques, internes – très difficiles à appréhender pour un esprit occidental– et internationales, c’est la puissance de la société civile, qui exerce une pression forte, progressive, mais certaine sur la classe politique, jusqu’au Guide Suprême en personne, qui doit tenir compte à la fois de l’état de cette société civile et des différentes forces politiques en présence.
Cette société civile pousse doucement vers plus de liberté, ce qui, dans le fond, ne doit pas surprendre. Sur une population de 80 millions d’habitants, 65 % ont aujourd’hui moins de 30 ans et 20 % sont diplômés de l’enseignement supérieur, à l’instar de Mitra Afzal, ingénieure en construction et directrice générale de Nanosun Albroz, une petite société de nanotechnologies qui emploie 3 femmes et 3 hommes, installée sur le parc scientifique et technologique de l’Université libre de Téhéran.
Sa PME exposant au premier salon du Développement urbain dans la capitale, grâce au soutien financier du parc technologique, Mitra Afzal, tout sourire, a pu nous présenter ses ciments colorés anti-UV (donc qui ne perdent pas leurs couleurs) pour les façades et les plafonds des bâtiments, des produits que Nanosun Albroz commence juste à vendre après trois ans de recherche.
« Les jeunes sont éduqués et formés, ils veulent gagner de l’argent et accéder à de bonnes conditions de vie. Et les femmes sont de plus en plus nombreuses à l’université », nous a affirmé ainsi notre confrère Aria Mostofi, un membre de la rédaction-en-chef du quotidien économique Forsat Emfouz (L’occasion d’aujourd’hui), un journal privé fondé il y a deux ans.
« Les femmes ont besoin de se sentir belles »
D’après les témoignages de jeunes que nous avons recueillis, cette couche de la population est de moins en moins pratiquante en matière de religion, la prière est de moins en moins suivie. En outre, si des femmes portent encore le tchador par conviction religieuse, par habitude, par convenance, les plus jeunes n’hésitent pas à porter un simple voile, qui n’est pas attaché et ne cache que l’arrière de la tête. Ainsi, font-elles preuve de coquetterie, en laissant glisser leurs mèches de cheveux, en relevant rapidement leur voile pour laisser apparaître leurs chevelures soignées.
« Les femmes se maquillent beaucoup parce qu’elles ont besoin de se sentir belles, nous confiait ainsi un résident français en Iran. Comme la forme de leur poitrine est cachée par leur vêtement et qu’elles ont l’obligation de porter le voile, elle se mettent ainsi en valeur ». Depuis cinq à six ans, l’ancienne Perse est devenue l’un des premiers marchés mondiaux de la chirurgie esthétique. Selon notre interlocuteur, « 80 % des femmes se font refaire le nez. Mais pas seulement… également les lèvres, les pommettes, les arcades sourcilières ».
Pendant la mission de la CGPME, chaque membre de la délégation bénéficie des services d’une interprète. « Ce sont des boules d’énergie, de culture et d’ouverture », se félicite Pierre-Jean Baillot, directeur de mission International de la confédération. C’est ainsi que les hommes et les femmes d’affaires français ont pu apprendre que les femmes iraniennes pouvaient demeurer propriétaire de leurs biens et divorcer du moment que le contrat de mariage le prévoyait.
« De nombreux immigrés iraniens en Europe sont revenus »
« Ici, ce n’est pas l’Arabie Saoudite »… Les femmes conduisent également et, de façon aussi virile que les hommes, comme ont pu le constater les membres de la délégation française dans la circulation automobile dense de la capitale. Elles travaillent et sont aussi de fines négociatrices, à l’instar de Parisa Fathollahi, du département du Développement de Zar Research & Industrial Development Group (100 salariés), leader du marché des pâtes alimentaires, avec une part de 60 %, qui a récemment signé des mémorandums of understanding (MOU) pour des études pour la production de pain avec des Grecs, de pâtes alimentaires (avec une nouvelle technologie) avec des Italiens, d’enzymes alimentaires avec des Néerlandais. L’entreprise veut se diversifier.
La dirigeante iranienne, qui a rencontré plusieurs membres de la délégation de la CGPME, a indiqué à la LC que son entreprise était prête à lancer « une production en joint-venture de fromages ». Et d’insister sur le fait que « ce n’est pas le prix qui compte, mais le goût, la qualité et peut-être aussi la marque ». C’est « un chalenge, un pari », a-t-elle reconnu, mais, selon elle, « de nombreux immigrés iraniens en Europe sont revenus et ce retour à la terre natale va s’accélérer avec l’ouverture ».
Les évènements politiques de son pays n’inquiètent pas Parisa Fathollahi, qui nous a précisé que son entreprise « investirait pourvu que la société française apporte la technologie ». En quelque sorte, un « partenariat win-win », une expression qui revient souvent dans la bouche des dirigeants d’entreprises françaises, membres de la délégation de la CGPME, qui se montrent souvent ravis des rendez-vous et premiers contacts avec leurs homologues iraniens.
François Pargny,
envoyé spécial à Téhéran
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