Le besoin de financement des infrastructures dans le monde est gigantesque, 3,7 trillons de dollars par an, dont seulement 2,7 trillions seraient actuellement couverts, les pays émergents et en développement étant les moins bien servis. Transition énergétique, haut débit, numérisation, transports… Les besoins, notamment liés aux engagements de la COP 21, sont multiples et les investisseurs privés devront donc prendre leur part, aux côtés des institutions financières et pouvoirs publics. C’est dans ce contexte mondial porteur que les acteurs de la place financière de Paris veulent jouer les premiers rôles.
Après avoir publié l’an dernier, à l’initiative de son président Gérard Mestrallet, un rapport inédit sur « marché mondial des infrastructures, consolider l’offre de la place financière de Paris », Paris Europlace a organisé, le 9 mars, au siège de Business France à Paris, son premier Forum international sur le financement des infrastructures / Paris International Infrastructure Forum, avec le concours du Trésor, mais aussi de grandes banques et investisseurs français. Un événement décidé peu avant Noël et organisé en moins de deux mois : le ’Brexit‘ rebat les cartes de la concurrence européenne entre places financières et manifestement, les Français ne veulent pas rater ce train…
Selon les organisateurs, le forum, qui s’est déroulée sur une journée, a enregistré 350 inscrits venus surtout de France mais aussi, pour 10 % environ, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de Suisse, d’Allemagne et du Luxembourg. Un score honorable pour un début, même si l’auditorium de 180 places de Business France n’a été plein que dans l’après-midi. « Sur 350 inscrits, environ 200 sont venus, précise Michel Cojean, en charge de la ‘finance infrastructure’ chez Paris Europlace. Pour lui, ce résultat, pour la première édition d’un événement sur un sujet aussi spécifique, est plus qu’honorable. « Le public d’experts concernés en France représente environ 500 personnes » estime-t-il.
La France, un concentré de savoir-faire dans le domaine des PPP
Une allusion au concentré de savoir-faire et d’expertise dans le domaine des partenariats public-privé (PPP) et de leur financement, dont la France est l’un des leaders mondiaux avec de grands constructeurs et opérateurs d’équipements et services collectifs comme Bouygues, Vinci, Eiffage ou Veolia, mais aussi chez les grandes banques françaises, investisseurs institutionnels, fonds d’investissement et sociétés d’ingénierie. Promouvoir ces savoir-faire, notamment à l’export, est d’ailleurs l’un des principaux objectifs de ce regain de dynamisme. « Nous essayons que Paris soit plus communicante sur le thème du financement des infrastructures » confirme encore Michel Cojean.
Outre la dynamique créée par la COP 21 et le ‘Brexit’, plusieurs autres facteurs y poussent : en France, le Trésor est très actif pour identifier les opportunités et constituer une sorte de pipeline de projets. Parallèlement, au niveau européen, le lancement du ‘Plan Junker’ de soutien à la croissance a fourni de multiples occasions de parler des problématiques de financement des infrastructures. Enfin, the last but not the least, les taux d’intérêt très bas ont poussé les grands investisseurs institutionnels à s’intéresser aux investissements dans les infrastructures, qui, historiquement, assurent des rendements réguliers et à long terme, et avec des taux de défaut très faibles… Un boulevard pour les spécialistes de l’ingénierie financière des projets d’infrastructures.
« Devenir la place de référence pour le financement des infrastructures vertes »
L’un des axes stratégiques des Français pourrait être à cet égard de se positionner d’entrée sur le financement des investissements liés à la COP 21, en surfant sur ce qu’un participant a appelé « the Paris spirit », référence à l’esprit de coopération qui a permis de parvenir à l’Accord de Paris sur le climat. « Paris doit devenir la place de référence pour le financement des infrastructures vertes » a notamment insisté Pierre Ducret, conseiller Climat du groupe Caisse des dépôts et président de l’Institut pour l’économie du climat I4CE, qui animait une table ronde consacrée, justement, au financement d’infrastructures résistantes et « bas carbone ». Les seuls investissements liés aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015 s’élèvent à quelque 3,5 trillions de dollars d’ici à 2020 : il faudra des capacités et des solutions innovantes pour parvenir à financer des projets…
Pour ce qui concerne le soutien des pouvoirs publics français, le changement de braquet semble en cours comme en témoigne la montée en puissance annoncée de l’Agence française de développement (AFD)** mais aussi le renforcement de l’arsenal de Bercy en matière de financements export. Paris pourrait ainsi se positionner comme la place financière numéro 1 pour le financement des investissements en infrastructures de l’après-COP 21.
Paris Europlace, pour sa part, compte poursuivre ses efforts de communication dès cette année. L’occasion lui est fourni par la tenue, mi-octobre à Paris, de l’European Infrastructure Summit, organisé les 17 et 18 octobre à Paris par la revue spécialisée Infranews, avec, la même semaine, un colloque de l’Institut de la gestion déléguée. « Nous organiserons sur une demie journée une suite allégée du Forum », explique Michel Cojean. Avec l’objectif d’attirer trois fois plus d’experts étrangers : « les participants étrangers ont représenté 10 % du public de notre premier forum, l’objectif est d’obtenir 30 % lors de l’événement d’octobre »…
Christine Gilguy
*Infrastructures / International : les recommandations de Paris Europlace pour faire gagner les offres françaises
** Financements / Infrastructures vertes : l’ AFD prépare trois nouveaux instruments pour stimuler les investisseurs privés