Avec 35 % du total de ses actifs aux mains d’entreprises étrangères, l’UE est sans conteste l’une des économies les plus ouvertes au monde. La part des investissements directs étrangers (IDE) n’a d’ailleurs pas cessé d’augmenter au cours de ces 10 dernières années avec un rythme de progression de +10 % – notamment dans les secteurs clés – souligne un rapport publié le 13 mars dernier par la Commission européenne. Des indicateurs qui « illustrent la nécessité d’une mise en œuvre effective du cadre de l’UE, récemment adopté, en faveur d’un meilleur filtrage des investissements étrangers », souligne un communiqué de l’institution.
Un changement de cap
Ce rapport est aussi un premier pas vers la mise en place de ce mécanisme de filtrage qui devrait être pleinement opérationnel fin 2020. En offrant un aperçu détaillé de l’origine des IDE, de leur répartition sectorielle et géographique ou des caractéristiques des entreprises détenues par des investisseurs étrangers, il pourrait en effet aboutir au filtrage de certains investissements, si ceux-ci devaient présenter un risque trop grand. « Nous ne sommes pas des naïfs du libre-échange », a insisté Jean-Claude Juncker, le président de la Commission.
Preuve que les politiques commerciales et industrielles de l’UE ont bel et bien amorcé un changement de cap vers une Europe ouverte mais plus protectrice. Car celle-ci « bénéficie grandement d’une politique d’investissement ouverte », a rappelé Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce. « Mais nous devons être prêts à agir lorsque notre sécurité et notre intérêt public sont menacés. Grâce au nouveau cadre sur le filtrage des investissements directs étrangers, nous sommes désormais mieux armés et mieux informés pour faire face à ces types de scénarios à l’avenir ».
Les IDE chinois ont triplé
Certains indicateurs, mis en exergue dans le rapport, ont objectivement de quoi susciter l’inquiétude des Européens. Plusieurs secteurs clés sont déjà largement dominés par des intérêts étrangers comme le raffinage du pétrole, ou la part des IDE atteint 67 %, les produits pharmaceutiques (56 %), les produits électroniques et optiques (54 %), les mines (54 %), les assurances (45 %), les équipements électriques (39 %) ou la finance (37 %).
Si le Canada et les États-Unis continuent à fournir la plus grosse part des IDE en Europe, les investissements en provenance de ces deux pays ont baissé de façon significative, passant de 41,9 % à 29 % entre 2007 et 2016. Les pays émergents sont quant à eux de plus en plus présents. La part des IDE en provenance de la Chine, de Macao ou de Hong-Kong a quasiment triplé sur la même période, passant de 2,5 % à 9,5 %.
Dans le détail, le rapport indique que les investissements chinois auraient particulièrement progressé dans la construction aéronautique et les machines spécialisées alors que les Indiens ont surtout visé le secteur pharmaceutique.
Boom des investissement offshore et des entreprises publiques
Autre tendance préoccupante : la montée en puissance des investisseurs « offshore » qui contrôlent aujourd’hui 11% des entreprises de l’UE aux mains d’investisseurs étrangers, soit 4 % du total des actifs détenus par des intérêts issus de pays tiers.
Sur une décennie, les IDE réalisés par des entreprises publiques ont également connu un boom. Ces sociétés, « qu’elles soient chinoises, russes ou émiraties, ont réalisé trois fois plus d’acquisitions dans l’UE en 2017 qu’en 2007 », indique le document.
Élément clé du mécanisme de surveillance des IDE, ce rapport sera désormais publié chaque année par la Commission européenne. Approuvé par le Parlement européen (PE) le 14 février et par le Conseil, le 5 mars, le dispositif de filtrage des IDE à l’échelle de l’UE comprend notamment le développement d’un système de coopération prévoyant l’échange d’information et de bonnes pratiques entre les États membres, ainsi que la possibilité pour la Commission européenne d’émettre des avis sur des investissements étrangers concernant plusieurs États membres ou susceptibles d’avoir des effets sur un projet ou programme présentant un intérêt pour l’ensemble de l’UE.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles