A peine 1 % : c’est la part de marché de la France au Vietnam, c’est-à-dire rien ou si peu, dans un pays qui se veut une porte d’entrée sur l’Asean* et qui a signé un accord de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne (UE) en décembre 2015. En invitant le 4 mai Nguyên Ngoc Son, l’ambassadeur de ce pays parfois qualifié de « petite Chine », l’Executive Club du Medef Ile-de-France souhaitait sans doute démontrer que cette nation asiatique doit être davantage considérée comme une plateforme régionale intéressante, compte tenu de ses multiples atouts : marché domestique important – 92 millions d’habitants – et dynamique – 6 à 7 % de croissance économique depuis une décennie, mais aussi coûts de main d’œuvre compétitifs ou encore stabilité politique. Sauf que vis-à-vis de cet État, dirigé par des communistes, les entreprises françaises ne se départissent pas de leur prudence, comme a pu le constater le Moci à cette occasion.
Président de l’Ania (Association nationale des industries alimentaires) Ile-de-France et surtout P-dg d’une PME spécialisée dans les arômes, Nactis Flavours, Hervé Lecesne a tout simplement expliqué que « pour une petite entreprise, le Vietnam est compliqué ». Selon lui, « les autorités doivent être plus ouvertes, les lourdeurs administratives sont encore trop fortes », d’autant que, la Thaïlande, pays voisin également membre de l’Asean, « est plus ouverte et plus dynamique ». Ces propos d’un homme de terrain ont eu le mérite de rééquilibrer un débat qui faisait la part belle à la promotion du Vietnam par des membres de son ambassade à Paris.
Un partenariat stratégique avec la France
Coté français comme vietnamien, si on a déploré l’effacement de l’Hexagone dans ce pays de l’ancienne Indochine, il a été davantage question de libre-échange avec l’UE que du partenariat stratégique avec la France, lancé lors de la visite du président Hollande en septembre dernier, qui s’était pourtant conclu par des commandes d’environ 6,5 milliards de dollars pour Airbus et des protocoles d’accord dans une série de secteurs, comme la construction et l’espace. « Nous espérons la mise en vigueur de l’ALE début 2018 », a déclaré ainsi Nguyên Ngoc Son. « L’accord prévoit l’élimination progressive sur dix ans des droits de douane pour 99 % des lignes de produits, mais nous avons promis que les droits de douane seront tout de suite baissé pour parvenir à 0 % de taxes pour environ 50 lignes de produits », a, pour sa part, précisé Nguyen Quynh-Anh, la directrice du Poste d’expansion économique du Vietnam à Paris.
« Les relations économiques ne sont pas à la hauteur de la volonté politique partagée », déplorait également Nguyên Ngoc Son, qui rappelait que la France, « 16e investisseur au Vietnam, troisième européen, derrière les Pays-Bas et le Royaume-Uni, avait perdu du terrain à partir des années 90 et de l’arrivée des opérateurs asiatiques ». D’après Le Cong Thanh, conseiller Investissement auprès de l’ambassade du Vietnam à Paris, fin 2015, les investissements français se montaient à 3,4 milliards de dollars, loin derrière la Corée du Sud, avec 50,9 milliards, le Japon, avec 42,5 milliards, Singapour, avec 39 milliards, et Taïwan, avec 31 milliards.
Un projet de marché de Rungis
En 2016, le total des investissements directs étrangers (IDE) au Vietnam aurait atteint 24,37 milliards de dollars et, à fin janvier 2017, les IDE s’y élevaient globalement à 296 milliards de dollars. Le 16 mars dernier, Bel a inauguré une nouvelle usine de production, située dans la province de Binh Duong près Hô-Chi-Minh-Ville, dans laquelle le champion français a injecté 17 millions de dollars pour augmenter sa capacité de production de 2 900 à 15 000 tonnes de fromage par an.
Autre exemple d’investissement tricolore, a l’occasion d’un déplacement d’Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des Transports, de la mer et de la pêche au Vietnam (16-17 janvier) et en Malaisie (18-19 janvier), le gestionnaire des transports ferrés de Hanoï (MRB) et le consortium Alstom/Colas Rail/Thalès ont conclu un contrat de matériel roulant-signalisation-télécommunications, d’un montant de 265,3 millions d’euros pour la construction de la troisième ligne de leur projet de métro (dont 190 millions pour Alstom).
Parmi les nouveaux investissements, Peugeot annonce son retour au Vietnam sur le marché des deux-roues (scooters) et, à Paris, Nguyen Quynh-Anh a révélé « travailler pour importer la marque Rungis » dans son pays. L’objectif serait d’assurer la traçabilité des produits et de proposer une offre de qualité. Du coup, ce serait, selon elle, l’occasion de « créer un marché français pour vendre des produits français ». Elle a, enfin, précisé qu’elle espérait qu’une étude de faisabilité serait lancée « d’ici la fin de l’année ».
L’agroalimentaire est déjà un poste majeur des exportations françaises, lesquelles dépendent également des livraisons d’avions (Airbus) et des ventes pharmaceutiques. « Les exportations françaises à 1,7 milliard d’euros en 2016 restent faibles, alors que le Vietnam disposera dans 20 ans d’un produit intérieur brut égal à celui de la France et que 80 % de ce PIB sera le fruit des importations », a encore regretté Michel Jonquères, président de la commission internationale de Medef Ile-de-France. Aujourd’hui, 300 sociétés françaises sont installées sur place et la communauté tricolore serait forte de 8 000 personnes. Pour inciter plus d’entreprises de l’Hexagone, surtout les PME, à « tenter le Vietnam », Hervé Lecesne les encourage à recourir aux services des volontaires internationaux en entreprises (VIE).
François Pargny
* L’Association des nations de l’Asie du Sud-est compte onze membres : Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar (Birmanie), Philippines, Singapour, Thaïlande, Timor oriental, Viêt Nam
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