Signe que la diplomatie économique était au cœur des priorités du chef de l’Etat kényan lors de sa visite à Paris du 30 septembre eu 2 octobre, Uhuru Kenyatta a conduit une importante délégation de décideurs économiques comprenant trois ministres, dont celui des Affaires étrangères (Cabinet secretary), Raychelle Omamo, des Finances et de la planification (National Treasury and Planning), Ukur Yatani, de l’Industrie, du commerce et du développement des entreprises, Betty Maina, et des Transports et du développement des infrastructures, James Macharia.
Or gouvernement, Moses Ikiara, directeur de l’agence publique de promotion des investissements étrangers KenInvest, Richard Ngatia, président de la Chambre de commerce et d’industrie kenyane (KNCCI), Kiprono Kittony, président de la Nairobi Securities Exchange, et de nombreux chefs d’entreprise ont fait partie du voyage.
Décidés à faire une offensive de charme auprès des entreprises françaises, on a vu les Kenyans très actifs lors de leur passage au forum annuel de l’entrepreneuriat français BPI Inno Generation (BIG), où leur président à « pitché » pour son pays aux côtés du président français et ou Kenya Invest a animé un atelier sur les opportunités d’investissement sur le campus Afrique de l’événement. Cet événement largement digitalisé cette année pour cause de Covid-19, aurait, selon Bpifrance, été suivi en ligne par 19 millions de personnes.
Le chef de l’Etat kényan a aussi rencontré les milieux d’affaires français en plus petit comité, lors d’une rencontre organisée par le Medef au Cercle Interallié le 2 octobre, en présence notamment de Momar Nguer, le président du comité Afrique de Medef International, et de Franck Riester, le ministre français du Commerce extérieur.
Très orientée sur la diplomatie économique, l’un des temps fort de cette visite à été la signature le 30 septembre au Palais de l’Elysée de trois grands contrats d’infrastructures en présence des deux chefs d’Etat, avant le traditionnel dîner de gala.
Autoroute, transports, énergie
Le premier contrat fera date dans cette région de l’Afrique où la France est moins présente qu’en Afrique de l’ouest ou centrale francophone. Il s’agit d’une concession sur 30 ans permettant le développement et la gestion de l’autoroute Nairobi-Nakuru-Mau Summit : l’accord a été signé par le consortium français Rift Valley Highway (50/50 Meridiam – Vinci Concession), l’Unité de partenariat public-privé et l’Autorité nationale des autoroutes du Kenya (KeNHA).
D’un coût total estimé à 1,6 milliard d’euros (Md EUR), « il s’agira du plus important Partenariat Public Privé (PPP) en Afrique de l’Est », selon l’Elysée. Selon un communiqué de Meridiam, le projet prévoit, pour 1,3 Md EUR, la conception, le financement, les travaux d’élargissement et de rénovation, l’exploitation et l’entretien de cette nouvelle autoroute de 175 km pendant 30 ans. Ce corridor autoroutier est stratégique dans la région car il est emprunté par tous les camions de marchandises importées via le port de Mombasa, au Kenya, et à destination des pays voisins comme l’Ouganda et le Soudan du Sud.
Deuxième projet important : l’extension de la ligne 4 du métro de Nairobi vers l’aéroport international Jomo Kenyatta, dont la phase 1 sera financée par un prêt du Trésor de 128 M EUR. Il est développé par un groupement d’entreprises françaises associant Egis, Sogea-Satom (Vinci Construction), Thalès. Mais y sont également impliqué Alstom, Transdev et le fond d’investissement STOA. Selon le Trésor, il comporte une « part française significative ».
Troisième grand contrat, le projet de raccordement de la centrale géothermique de Menengai, dans le Nord-Ouest du Kenya, au réseau de distribution électrique national. Il bénéficiera pour sa part d’un prêt du Trésor de 62,5 M EUR. Il est porté par General Electrics France et associe Alstom et Larsen and Toubro Ltd. Il comportera, selon le Trésor, une part française de plus de 70 %.
L’AFD a aussi signé un accord avec la banque kényane Equity Bank pour une ligne de crédit de 100 millions d’euros destinées aux PME kényanes.
Selon le Trésor, la signature d’un protocole financier de 33 M EUR en août dernier par le Trésor français et le Trésor kényan (National Treasury), destiné à financer l’achat d’équipements médicaux, a permis de créer un climat de confiance entre le Trésor français et le Trésor kényan, facilitant les négociations et la conclusion des offres de financements.
La France pousse ses savoir-faire « Ville durable »
Plus largement, la France cherche, avec une offre de financement publique renforcée comme en témoigne les soutiens du Trésor, à pousser au Kenya les offres de ses entreprises en matière de « ville durable », un vaste domaine qui comprend les solutions « vertes » et à faible émission de CO2 dans des domaines aussi divers que l’architecture et la construction, les performances énergétiques, les transports et la mobilité, la lutte contre la pollution ou le traitement des déchets.
Le Kenya a plusieurs grands projets en cours dans ce domaine et compte sur les investissements privés nationaux et étrangers. Un groupement d’entreprises françaises (Vinci, Egis, Artelia, SNCF, Alstom et Transdev) a notamment déposé en août dernier un dossier de candidature pour le projet « Nairobi Railway City ». Il s’agit d’un gros projet de rénovation urbaine portant sur 300 hectares d’emprise ferroviaire autour de la gare centrale de Nairobi.
Ils ont l’appui de la diplomatie économique française. Le président kényan a ainsi achevé sa visite à Paris le 2 octobre en compagnie de Franck Riester par une découverte du nouveau quartier parisien Paris Rive Gauche, qui s’étend sur 130 hectares en face de la Garde de Lyon, de l’autre côté de la Seine, de la gare d’Austerlitz au périphérique, et restructure le 13eme arrondissement de Paris. Uhuru Kenyatta a notamment rendu visite à la Semapa (Société d’étude, de maîtrise d’ouvrage et d’aménagement parisienne), qui supervise ce grand projet urbain depuis 1991, avant de se rendre à Station F, l’un des plus gros incubateur privé européen de startup, situé également dans le 13ème arrondissement.
« Cet aménagement urbain centré autour d’un hub multimodal de transport témoigne de l’expertise des entreprises françaises, réputée dans le monde entier, souligne un communiqué de presse du ministère du Commerce extérieur. Dans le contexte de l’appel à manifestation d’intérêt pour le grand projet Nairobi Railway City, les groupes français sont proactifs et positionnés pour accompagner le Kenya, avec le soutien de Franck Riester, qui a fait de l’Afrique une priorité de son action ».
A l’AFP, le ministre français du Commerce extérieur a déclaré : « C’est un des projets sur lesquels on veut travailler avec le Kenya », pays avec lequel la France entend « aussi bâtir des partenariats dans le domaine des technologies numériques et de la ‘blue economy‘, l’économie de la mer »
Christine Gilguy
Pour prolonger, lire également : Kenya / France : la visite du président Kenyatta renforce les relations économiques