Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée dès le 8 avril aux abonnés de la Lettre confidentielle.
Jean-Marc Ayrault fêtera son arrivée au ministère des Affaires étrangères et du développement international (Maedi), il y a deux mois, au Japon, à l’occasion d’un déplacement qui comportera deux volets, l’un multilatéral, avec, les 10 et 11 avril, la réunion des ministres des Affaires étrangères des sept grands pays industrialisés (G7) ; et l’autre, bilatéral, le 12 avril, avec une visite pour approfondir le dialogue politique « pour un partenariat d’exception » et développer les relations économiques et le tourisme.
Ainsi, le patron du Quai d’Orsay rencontrera le Premier ministre Shinzo Abe, le 12 avril au matin à 11 heures, et retrouvera aussi son homologue Fumio Kishida qu’il a reçu à Paris le 20 mars dans le cadre de l’Année de l’innovation franco-japonaise 2015-2016 (notre photo). Parmi les thèmes qui seront abordés, figurera l’Afrique, la formation des troupes africaines de maintien de la paix, le développement durable dans la métropole ivoirienne Abidjan (infrastructures publiques, assainissement, énergie…).
Autre thème de coopération bilatérale, la défense. Il y a un an, Paris et Tokyo ont signé un accord quinquennal de production d’équipements militaires, dont la mise en place semble d’autant plus lente qu’elle est partie de presque zéro. Il ne faut sans doute pas attendre des merveilles de cette initiative, l’archipel étant un gros exportateur d’armement. Et les champions du secteur dans les deux pays se retrouvent en concurrence directe sur certains marchés. En témoigne le « contrat du siècle » d’un montant de 34 milliards d’euros, portant sur 6 à 12 sous-marins pour la marine australienne, et opposant le français DCNS à l’allemand TKMS et au consortium nippon Mitsubishi-Kawasaki.
Le décollage d’Airbus
Toutefois, l’expérience d’Airbus montre que la coopération industrielle peut générer des retombées économiques. L’intégration des Japonais aux programmes de fabrication de l’avionneur européen a permis un décollage des ventes du groupe. Certes, aujourd’hui encore, Airbus compte pour une part minime, environ 5 %, dans la flotte des compagnies nipponnes, mais, si l’on excepte un trou d’air en 2015, les exportations françaises se sont envolées ces dernières années grâce à l’aéronautique. Ainsi, si ce secteur a enregistré 866 millions d’euros de ventes l’an dernier, en chute de 51,8 % sur 2014, fin janvier, après la commande par la compagnie All Nippon Airways (Ana) de 1,25 milliard de dollars pour trois A380, le P-dg d’Airbus, Fabrice Brégier, indiquait qu’il escomptait une part de marché de 15 % à la fin de l’année, alors qu’elle était encore nulle il y a trois ans.
En outre, dans le cadre de sa politique de relance budgétaire, « deuxième flèche » de sa doctrine économique connue sous le nom d’Abenomics, Shinzo Abe a centré l’essentiel des dépenses sur l’armement et les réformes structurelles. Le gouvernement tend à pousser au réarmement, en raison notamment des conflits territoriaux sur des îles qui opposent nombre de pays riverains de la mer de Chine avec l’ex-Empire du Milieu.
D’ailleurs, lors du G7 des ministres à Hiroshima, « il est question, mais ce n’est pas certain » qu’une déclaration commune porte sur la sécurité maritime, « termes pudiques, expliquait un haut fonctionnaire, qui permettent d’englober la question des conflits en mer de Chine ». Mais, précisait-il, « quel message on peut passer à la Chine et quelles sont les lignes rouges à ne pas dépasser ? ». Il « faut être prudent », reconnaissait-il.
Les sept ministres des Affaires étrangères devraient se rendre sur le site du mémorial de la Paix à Hiroshima, un lieu, pour tous ceux qui y sont passés, chargés d’émotion. La présence du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, sera très symbolique, Hiroshima ayant été la première ville de l’archipel à recevoir la bombe atomique américaine le 6 août 1945. Une première étape, un symbole que sera porté à un sommet quand le président des États-Unis en présence se recueillera à son tour sur place. Il est, en effet, prévu que Barack Obama fasse le déplacement au moment du Sommet des chefs d’État du G7, programmé les 26 et 27 mai au Japon, à Shima. A Hiroshima, à la demande de Tokyo, une déclaration commune concernera le désarmement nucléaire.
Coopération dans le tourisme et « Bonjour la France »
S’agissant du volet bilatéral de sa visite, Jean-Marc Ayrault doit également participer à un dîner avec de grands patrons de l’archipel, notamment des investisseurs déjà existants et potentiels dans l’Hexagone, en présence du ministre de la Revitalisation économique, Nobuteru Ishihara.
Les entreprises japonaises emploient 70 000 salariés en France, deuxième pays européen, après le Royaume-Uni, à accueillir des investissements nippons. De même, le nombre de touristes du pays asiatique dans l’Hexagone a toujours été important : 800 000 en 2014. Pour rassurer après les attentats de Paris et développer l’offre hors de la capitale, Atout France et l’Association japonaise des agences de tourisme vont signer, pendant le séjour de Jean-Marc Ayrault, un accord de coopération.
Le ministre va également contribuer à l’opération « Bonjour la France », deuxième édition d’une série d’évènements qui se dérouleront à Tokyo du 13 au 19 avril. Le point d’orgue de cette opération pilotée par la Chambre de commerce et d’industrie française du Japon avec les autres partenaires français sur place (Business France, Atout France…) sera la vente de produits français dans le prestigieux magasin d’Isetan Shinjuku. Enfin, un cocktail sera organisé autour des thèmes de l’attractivité et de l’innovation. Outre l’année franco-japonaise de l’innovation, la France peut se féliciter et se prévaloir de disposer à Tokyo d’un French Tech Hub, regroupant dans un même écosystème une cinquantaine de startups et sociétés innovantes dans les jeux, les médias ou l’e-commerce.
Suivi de la Cop 21 et lutte contre le terrorisme
Ce sera enfin l’occasion pour l’ancien Premier ministre de François Hollande de mettre en valeur les réalisations tricolores dans les énergies renouvelables, par exemple, Veolia dans la biomasse ou Ciel et Terre dans le photovoltaïque. A Hiroshima, à moins de deux semaines de la signature officielle, le 22 avril, de l’accord de la Cop 21, Paris voudra accélérer sur le suivi de la 21e Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques (Cop 21). « Au succès de la Cop 21, a succédé une décompression assez normale », estime-t-on dans la capitale française.
Parmi les autres sujets importants pour la France, la situation en Syrie, en Libye, en Irak et la paix au Proche-Orient, mais surtout le terrorisme qui englobe les autres priorités. François Hollande souhaite que le Sommet des chefs d’État du G7 fin mai débouche sur l’adoption d’un plan d’action, comportant des mesures concrètes, allant de la coopération policière et judiciaire au recours aux fichiers d’Interpol, en passant par le financement du terrorisme, y compris à travers le trafic de biens culturels.
François Pargny
Pour prolonger :
–Risques pays / Export : Coface dégrade le Japon et six pays émergents
–Guide business Japon 2015