Du 11 au 14 octobre, à l’occasion des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Washington, le ministre français de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, rencontrera tour à tour les secrétaires américains du Trésor et du Commerce, Steven Mnuchin et Wilbur Ross.
Deux réunions qui ne manqueront pas de sel, surtout celle avec le responsable américain au Commerce, au moment où le président Donald Trump, qui a rejeté le traité de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership/TPP) voulu par l’Administration Obama et engagé la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) avec le Canada et le Mexique, pourrait également dénoncer l’accord de démantèlement nucléaire conclu par les Occidentaux avec les Iraniens, à Vienne le 14 juillet 2015.
Un leitmotiv : lutter contre le protectionnisme
Au ministère de l’Économie et des finances à Paris, on ne cache pas les nombreux désaccords avec Washington, tout en notant quelques convergences. Bruno Le Maire, qui doit s’entretenir avec Wilbur Ross le 13 octobre, insistera, y dit-on, sur l’intensité et le bénéfice mutuel que retirent les deux pays de leurs relations économiques et commerciales.
Le ministre français défendra l’idée, selon laquelle le protectionnisme n’est dans l’intérêt de personne et que les États-Unis ont globalement intérêt à promouvoir un système multilatéral en bon état de marche face à la Chine. D’où l’importance pour les États-Unis et la France d’agir pour renforcer l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et inciter au respect des règles internationales plutôt que de se faire une guerre stérile. La tache du ministre de la République s’annonce difficile, les États-Unis cherchant de plus en plus à se libérer des règles de l’OMC et allant même jusqu’à bloquer la nomination de nouveaux juges à l’ORD.
Paris et Washington auraient, cependant, des points de convergence, avec la reconnaissance du principe de réciprocité par les pays qui ne l’appliquent pas et la lutte contre le dumping. A cet égard, la France semble se satisfaire de la direction prise par l’Union européenne (UE), « une Europe qui se protège et s’affirme », indique-t-on à Bercy. Confrontée à l’épineux dossier sur la reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine, l’UE est parvenue, le 3 octobre, à l’adoption d’une nouvelle méthodologie antidumping, dite non discriminatoire, car elle serait appliquée, sur la base de rapports par secteur, à tous les pays – et non pas à la seule Chine – adoptant des pratiques déloyales.
Par ailleurs, l’Administration Trump suivrait de près l’initiative de la France, l’Allemagne et l’Italie, visant à mieux encadrer les investissements étrangers, notamment chinois, dans l’UE quand il s’agit de détenir le contrôle d’entreprises au savoir-faire et à la technologie reconnus.
Des entretiens avec les ministres des Finances d’Iran et du Mexique
De façon plus spécifique, l’Iran sera encore au centre des discussions avec Wilbur Ross, d’autant que Bruno Le Maire s’entretiendra, le lendemain 14 octobre dans la capitale américaine, avec son homologue iranien des Finances Masoud Karbasian. La dénonciation par Washington de l’accord de Vienne compliquerait encore un peu plus le retour des entreprises françaises, déjà freinées dans leur activité par l’absence des grandes banques françaises, qui évitent de prendre des risques en raison de l’application à l’Iran de l’extraterritorialité du droit américain.
Certaines entreprises françaises ont recours à des canaux de financement extérieur pour des opérations de commerce courant, mais aujourd’hui, le secteur privé, à l’instar des constructeurs automobiles, veut investir dans l’ancienne Perse. La banque publique Bpifrance prépare, néanmoins, une ligne de crédit d’un montant de l’ordre de 500 millions d’euros, dédiée au financement de crédits acheteurs. Enfin, la France a proposé à l’Iran une aide technique pour normaliser ses relations avec le Groupe d’action financière (Gafi), l’organisme mondial anti-blanchiment.
Le même jour, le ministre français s’entretiendra avec son homologue mexicain des Finances Jose Antonio Meade. Au menu, sur fond de remise en cause par Washington de l’Alena, l’accord de libre échange (ALE) en négociation entre l’Union européenne et le Mexique, alors que l’ALE entre l’UE et le Canada, le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement ou Accord économique et commercial global /AEGC) est entré provisoirement en vigueur le 21 septembre dernier. Les négociations entre Bruxelles et Mexico s’approcheraient de la fin, ce qui incite la France à mobiliser son secteur privé.
L’image réformatrice d’Emmanuel Macron
Par ailleurs, le Mexique figure dans le club des pays riches du G20, qui se réuniront pour leur prochaine conférence en 2018 en Argentine. Mais d’ici là, Emmanuel Macron a annoncé son intention d’organiser, le 12 décembre, un Sommet du G 20 sur le climat, en dépit du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le changement climatique.
A l’extérieur de l’Hexagone, l’intérêt et l’espoir suscités il y a six mois par l’élection d’Emmanuel Macron, assure-t-on, demeure. Réforme du code du travail, engagements budgétaires, début d’application des mesures dès l’an prochain impressionneraient les États étrangers. Sans compter son discours très pro-européen, au moment où la croissance économique est favorable dans le monde, mais aussi dans la zone euro qui se trouve dans le peloton de tête. Le FMI vient juste de relever de 0,1 point ses prévisions de hausse du produit intérieur mondial (PIB) à 3,6 % en 2017 et 3,7 % en 2018. Le PIB de la zone euro, avec un gain supplémentaire de 0,4 point la première année et 0,3 % la seconde, progresserait ainsi respectivement de 2,1 % et 1,9 %.
A Bercy, on assure que la planète n’est pas menacée par une crise financière. En revanche, il y a de vrais risques géopolitiques en Asie. En Europe, la France a aussi l’intention de profiter du Brexit. Dans le but de promouvoir la place financière de Paris, Bruno Le Maire rencontrera, le 12 octobre, James Dimon, le patron de JP Morgan.
Le ministre français s’entretiendra avec plusieurs grands banquiers, comme le gouverneur de la Banque populaire de Chine, Zhou Xiaochuan, et la présidente de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, et les dirigeants des institutions de Bretton Woods, Jim Kim, président de la Banque mondiale, et Christine Lagarde, directrice du FMI.
Les entretiens dans un cadre bilatéral et multilatéral doivent permettre à Paris de pousser un certain nombre de dossiers. Notamment le changement climatique, la lutte contre le terrorisme et la fiscalité en matière de numérique.
François Pargny
Pour prolonger :
-Commerce international : la reprise des importations mondiales crée des opportunités à l’export
–UE / Concurrence : les négociateurs européens scellent un accord sur la nouvelle méthodologie antidumping
–Iran / Export : Bpifrance prépare une ligne de crédit de 500 millions pour début 2018
–France / Iran : Ucaplast et Business France en force au salon Iran Plast
–UE / Mexique : des accrocs à prévoir dans la phase finale des négociations
–UE / Mexique : vers un accord de libre-échange dès fin 2017 ?
–ALE / Export : Français et Canadiens font la promotion du CETA au Medef
–UE-Canada / Agroalimentaire : les fromages et vins, grands vainqueurs du CETA
–UE-Canada / Douane : comment devenir “exportateur enregistré” pour profiter du CETA
Lire également dans la Lettre confidentielle de cette semaine : UE / Mexique : Bruxelles mise sur un accord sur le libre-échange avant 2018