Après le Nigeria et le Maroc et avant la Côte d’Ivoire (25-28 avril), Pierre Gattaz a choisi de conduire en Allemagne, les 30 et 31 mars, une délégation d’une cinquantaine de responsables économiques représentant notamment 35 universités, fédérations professionnelles et entreprises (*), dont « des dirigeants de PME et TPE qui ne sont pas encore assez exportatrices ».
Accompagné de Frédéric Sanchez, président du pôle Internationalisation-filières du Mouvement des entreprises de France (Medef), et de Bernard Spitz, président du pôle International-Europe du Medef, le patron des patrons français va notamment rencontrer ses homologues du BDI (Fédération de l’industrie, patronat à dominante économique) et du BDA (Confédération des employeurs, à dominante plus sociale). Ce voyage outre-Rhin était jugé suffisamment important pour convier plusieurs journaux, dont la Lettre confidentielle, le 29 mars, veille du départ, à un petit-déjeuner débat. A l’heure des négociations sur le traité de Partenariat transatlantique (PTCI ou TTIP pour le sigle anglais) et face à l’omniprésence américaine, Pierre Gattaz n’a pas caché que les patrons des deux bords du Rhin souhaitaient peser et ne pas laisser le champ libre aux seuls acteurs politiques.
Ainsi, le 30 mars à Munich, un projet de Mittelstand Lab a été lancé, à l’occasion de la visite du fabricant de matériaux métalliques MEA, une entreprise moyenne près d’Augsbourg, présidée par le Français Patrice Pélissier. Le 31 mars, le Medef a prévu de publier avec le BDI une position commune sur le numérique et l’industrie 4.0 et de présenter avec le BDA une opération pilote en matière de mobilité des apprentis entre les deux pays et une initiative portant sur un code européen des affaires. Les trois organisations patronales doivent encore marquer leur attachement à l’intégration européenne, avant la fin du déplacement de la mission française en Allemagne.
Une dizaine d’entreprises pour développer un Mittelstand Lab
Selon le Medef, le but du Mittelstand Lab est d’accroître « les échanges d’expériences et de pratiques entre les ETI (Entreprises de taille intermédiaire) françaises et allemandes. Il produira un certain nombre de travaux sur les sujets clés du développement des ETI : la formation et l’apprentissage, le développement international, la fiscalité de la transmission de l’entreprise, l’accès aux technologies, le financement de la croissance ». Cette initiative franco-allemande, menée avec le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), a reçu le soutien dans l’Hexagone des sociétés Thuasne, Mane, Poujoulat, Poclain, Armor, Osmos Group, Fives, Paprec et outre-Rhin de MEA et Brita en partenariat avec Roland Berger.
Le 30 mars, Pierre Gattaz a également visité des fleurons de l’économie bavaroise comme Siemens et BMW, l’entreprise Atos IT Solutions and Services ou encore MT Aerospace, un spécialiste allemand des industries aéronautique et spatiale, des antennes et de la mécatronique. L’occasion de partager avec Hans Steininger, P-dg de cette société d’Augsbourg, un certain nombre d’idées sur l’innovation et les enjeux européens dans les secteurs aéronautique et spatial.
Aux quelques journalistes invités au Medef, le 29 mars, le président a glissé que « la Bavière est le premier de la classe des länder dans un pays qui est lui-même le premier de la classe européenne ». Au demeurant, a-t-il souligné, quand l’Allemagne affiche « 12 000 sociétés qui ont la culture du Mittelstand, la France reste à 4 500 », parce que « chez notre voisin la fiscalité est plus propice » – les droits de succession, par exemple, n’entravent pas la transmission d’entreprises – alors que dans l’Hexagone les seuils sociaux ne permettent pas aux sociétés de se transformer en ETI (entre 250 et 5 000 emplois). Pierre Gattaz plaide ainsi pour un échange de bonnes pratiques.
Frédéric Sanchez : « l’idéal » serait « une fusion entre les deux économies »
Autre thème traité pendant le voyage, le numérique. Pour Frédéric Sanchez, qui participait à ce petit-déjeuner de presse, la France et l’Allemagne sont complémentaires en matière de digitalisation. « Notre pays est fort avec ses startups dans le numérique, notre voisin est très bon dans les procédés. De même, pour les capteurs pour le premier et les robots pour le second ». En revanche, les deux et l’Europe dans sa totalité ont du retard en matière de 5 G, alors que « la Chine s’y intéresse » et que « la Californie y est déjà ». Pour lui, « l’idéal » serait « une fusion entre les deux économies ».
Quoi qu’il en soit, pour le patron des patrons français, il n’y pas de retard de la France par rapport à l’Allemagne. Ainsi, dans l’impression 3 D métallique, Fives a constitué une joint venture avec Michelin qui possède, selon lui, « dix ans d’avance » sur leurs concurrents. Autre exemple, quand, à la suite des travaux conduits par Fives et Dassault Systèmes à la demande de l’Etat français, l’Alliance pour l’industrie du futur a été lancée, « les Allemands avaient leur programme Industrie 4.0 » et, pourtant, rapportait-il, « ils son venus nous voir ». Et d’enfoncer le clou : « la robotique, l’autonomisation n’est pas forcément toute la solution, il faut aussi peut-être de la corobotique, qui donne à l’humain sa place dans la robotique… ce qui intéresse Bosch ou Siemens, c’est de savoir comment montrer leurs avantages ».
En juillet 2014, Horst Seehofer, le chef du gouvernement bavarois, a annoncé le plan Bayern Digital, doté d’un montant de 1,8 million d’euros entre 2015 et 2018, pour « créer un écosystème numérique ». La visite chez Siemens aura été aussi l’occasion d’échanger sur le thème du dialogue social, de la formation duale (alternance) et de l’intégration. A Berlin, où vient de commencer une séquence plus politique du voyage de la délégation française, le modèle de l’apprentissage outre-Rhin sera également abordé avec le recteur de l’université, des étudiants et des entrepreneurs locaux. « Nous voulons lancer un Erasmus des apprentis », a ainsi lancé ainsi le 29 mars Pierre Gattaz, qui a souhaité que des « expérimentations concrètes de six mois, un an, deux ans doivent démarrer ».
Onze sociétés pour un Erasmus de l’apprentissage
Selon Dorothée Pineau, directrice générale adjointe de Medef, c’est le 1er septembre que commenceront les échanges, les apprentis ayant déjà été identifiés. Onze sociétés ont annoncé leur participation – Siemens, Airbus, Allianz, BNP Paribas, L’Oréal, Danone, BASF, Engie, Michelin, Bosch, Safran – deux autres devant s’ajouter à ce premier groupe, a précisé Dorothée Pineau : « Nestlé et Derichebourg ». Et de rappeler également que le Parlement européen a voté une enveloppe de 2 millions d’euros pour les Centres de formation en alternance (CFA). Le but à moyen terme, selon elle, et c’est aussi un objectif du Medef pendant ce voyage en Allemagne, est d’arriver à proposer un statut européen de l’apprenti pour en finir avec l’existence d’un statut différent dans chaque État membre de l’Union européenne.
La convergence juridique, sociale et fiscale est aussi importante, quand on sait, notamment, que la fiscalité sur le capital dans l’Hexagone est très élevée par rapport à la moyenne européenne. Le Medef, qui regrette que le droit de l’entreprise soit trop négligé par rapport au droit du consommateur, appelle de ses vœux la réalisation d’un code européen des affaires. D’où le travail effectué en matière de droit des sûretés, de faillite, d’assurance. « Les Allemands ont besoin d’une France forte et c’est pourquoi ils nous aident pour notre réforme structurelle », soutient Pierre Gattaz, qui a vanté « le modèle rhénan ». Il estime, ainsi que l’Allemagne « a treize ans d’avance » et que « l’Italie et l’Espagne qui ont commencé à réformer il y a un à deux ans commencent à récolter des résultats tangibles en matière de croissance et d’emploi ».
François Pargny
(*) ACTEOS (logiciels logistiques), ADDUXI (pièces plastiques de précision), AFIC (Association française des investisseurs pour la croissance), ATELIERS JEAN NOUVEL (études d’architecture, paysage, urbanisme, design), BABILOU (premier opérateur de crèches privées en Europe), BAYERNLB (banque d’affaires), COLAS (construction et maintenance d’infrastructure de transport), COLAS RAIL (ingénierie et construction d’infrastructures ferroviaires), CORNET VINCENT SEGUREL (avocats), COMPAGNIE FIDUCIAIRE FRANCO-ALLEMAND (COFFRA, commissaires aux comptes, audit financier, experts-comptables), ENGIE (énergie, gaz, électricité), ENGIE DEUTCHLAND AG (énergie), ENGIE INEO (génie électrique, systèmes d’information et de communication), FFSA (fédération française des sociétés d’assurances), FIVES (groupe d’ingénierie industrielle), FNTP (fédération nationale des travaux publics), GROUPE AUDIT – SERVAL & ASSOCIES (audit) , GROUPE DES FÉDÉRATIONS INDUSTRIELLES – GFI (organisation professionnelle représentant l’Industrie), GROUPE MECALAC (fabricant de matériels de travaux publics), HEUFT France (appareils contrôle qualité sur lignes), L’OREAL France (cosmétiques, hygiène et beauté), MAZARS (audit et conseil), MÉCANIQUE DE PRÉCISION INDUSTRIELLE – MPI (mécanique de précision), OSMOS GROUP SA (santé des constructions), QWANT (moteur de recherche à destination du grand public), ROHDE & SCHWARZ France (équipements et systèmes de test & mesure), ROLAND BERGER conseil en stratégie), SAP France (logiciels et applications informatiques), SCP AUGUST ET DEBOUZY (cabinet d’avocats), SETEC (ingénierie, bâtiments, infrastructures, transports, énergie, environnement), SLAMI – FONDATION AMIPI (fabrication de faisceaux électriques), THUASNE (dispositifs médicaux), UIT (Union des industries textiles), UNIVERSITÉ FRANCO-ALLEMANDE (institution de soutien de programmes d’études et de recherche bi et tri nationaux), VERTEEGO (fournisseur de solutions big data au service de la performance extra financière & développement durable) et VICTORIA & CIE (conseil financier Entreprises).
Pour prolonger :
–Risque pays / Export : quel impact aura la crise des émergents sur l’Allemagne ?
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–Guide business Allemagne 2015