Le patron de l’Agence française de développement (AFD) ne ménage pas ses efforts pour afficher sa volonté de travailler avec les entreprises, en particulier en Afrique, où il veut les encourager à se déployer. A un mois de la deuxième édition des Rencontres Africa, qui doivent rassembler du 2 au 6 octobre, à l’initiative des ministères de l’Europe et des affaires étrangères et de l’Économie et des finances, entrepreneurs français et africains dans trois capitales africaines successives (Abidjan, Tunis, Nairobi), ce sont les universités d’été du Medef, dont l’AFD était pour la première fois le sponsor « platinum », que Rémy Rioux avait choisies, le 29 août, pour lancer le « Mois du secteur privé » du groupe, marquant le quarantième anniversaire de sa filiale Proparco, dédiée au financement du secteur privé.
Présent à deux conférences sur le campus de Cergy Pontoise le 29 août, Rémy Rioux était notamment aux côtés de Philippe Gautier, directeur général du Medef International, pour échanger avec des chefs d’entreprises sur le thème « Afrique, continent d’opportunités ». Avec succès puisque plus de 100 personnes s’étaient massées sous le barnum de l’espace « Be Global », dont l’AFD était le principal sponsor, bravant la canicule pour participer à cet échange.
« On va travailler sur la ville durable avec vous… »
Parmi les secteurs porteurs pour les entreprises françaises, les infrastructures, notamment urbaines, suscitent un intérêt manifeste, le Medef ayant monté une « task force » dont le président, Gérard Wolf, a également pris la tête de Vivapolis, la marque ombrelle de celle filière qui va des architectes aux constructeurs du btp en passant par les solutions de mobilité.
« On va travailler sur la ville durable avec vous, avec Vivapolis et avec la task force » a notamment indiqué Rémy Rioux, non sans préciser que pour financer les grands projets d’infrastructures urbaines qui émergent sur le continent, il faudrait être innovant : « On ne financera pas les infrastructures urbaines en passant par l’État central, cela ne s’est fait nulle part » a-t-il notamment expliqué. « Il faut que les bailleurs de fonds s’adaptent et acceptent de travailler avec des autorités locales ou autres que les États, à condition, bien évidemment, que ces autorités locales soient solvables ».
L’AFD, pour sa part, dispose d’une expérience dans ce domaine du fait de ses activités dans les collectivités territoriales d’outre mer. Sa récente alliance avec la Caisse des dépôts et consignation (CDC) est un autre atout, et pas seulement financier : la CDC a, de son côté, une longue tradition de banquier des projets d’infrastructures montés en PPP (partenariat public-privé). Par ailleurs, interrogé sur les partenaires en cofinancement que recherchaient l’AFD en Afrique, Rémy Rioux a précisé que « l’idée de l’AFD est de travailler avec des acteurs africains ayant une vision panafricaine ».
Pas question d’adopter les méthodes chinoises
L’AFD travaille déjà avec la Caisse des dépôts marocaine ou encore la Development Bank of Southern Africa (DBSA) sud-africaine, deux institutions financières publiques ayant des mandats d’intervention sur tout le continent africain. « C’est le modèle de la France avec l’association AFD / CDC », a-t-il expliqué. Ce type d’approche permettra, selon lui, à de nouveaux projets d’infrastructures d’émerger. Rémy Rioux a encore cité la banque de développement régionale Trade and Development Bank (TDB, ex-PTA Bank) en Afrique de l’Est et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) en Afrique de l’Ouest, deux institutions financières multilatérales qui sont aussi en train de « se déployer et financer des projets ».
En revanche, pas question,pour le patron de l’AFD, d’adopter les méthodes des banques publiques chinoises, et notamment de la China Exim Bank, pour accélérer les financements de projets, éventuellement en favorisant les intérêts français.
«Nos méthodes sont meilleures, car elles délivrent plus de choix et avec des résultats plus durables en Afrique », a-t-il rétorqué à l’interlocuteur qui lui avait posé la question. « Ce n’est pas une bonne méthode, car elle limite le choix des contreparties, ce n’est pas dynamique », a encore souligné Rémy Rioux. Et d’ajouter que lors d’une récente visite en Chine, il avait fait part de l’intérêt de l’AFD pour travailler avec ses homologues chinoises, mais « dans l’intérêt des pays africains ».
Un triptyque formé de Proparco, Bpifrance et la CDC
Au-delà de l’AFD, bras financier de l’État français en matière d’aide au développement, émerge, par ailleurs, un nouveau triptyque pour financer le commerce et les investissements privés dans les pays émergents, et notamment en Afrique, priorité haute de la diplomatie économique de l’Hexagone : Proparco et Bpifrance, sans oublier la CDC pour les fonds d’investissement bilatéraux.
On a pu le constater lors d’une conférence débat sous le même barnum consacrée à la présentation des outils de financement français proposés aux entreprises françaises désireuses de se développer dans ces zones. Avec comme intervenants pour Bpifrance, l’incontournable Pedro Novo, directeur des Financements export, pour Proparco, Amaury Mulliez, directeur général délégué, et pour la CDC, Laurent Zylberberg, directeur des Affaires publiques et de la coopération internationale.
Alors que Proparco reste un partenaire public de choix pour financer et sécuriser les investissements à l’étranger, Bpifrance, qui a repris à Coface les garanties publiques export, est devenue une super banque publique de l’exportation et du développement international alignant une gamme complète de solutions de financement et de garanties pour des transactions court terme comme moyen et long terme. Quant à la CDC, les fonds d’investissement en capital qu’elle soutient peuvent prendre en charge 20 à 30 % de tickets de 20 à 30 millions d’euros.
« On n’a jamais eu autant de moyens mobilisés pour aider les entreprises à se projeter à l’international », a notamment conclu Pedro Novo à l’issue des différentes présentations, non sans avoir dû rappeler à un interlocuteur mal informé que le crédit export avait changé de gestionnaire, quittant Coface pour Bpifrance assurance export. « La fenêtre de tir est historique, c’est le moment de se poser la question », a-t-il ajouté.
C.G