Beaucoup moins restrictives qu’auparavant – avec une réduction drastique de 50 à 20 % du seuil d’éligibilité aux garanties export-, les nouvelles règles de part française, qui s’appliquent aux contrats et projets d’exportation sollicitant un soutien public, ont depuis quelques semaines leur mode d’emploi. En ligne sur les sites Internet de la Direction générale du Trésor (DG Trésor) et de la Direction générale des entreprises (DGE) depuis le mois de juin, le « Guide utilisateur sur la part française » * a fait l’objet d’une explication de texte, le 30 août, par Charles Sarrazin, sous-directeur du financement international des entreprises à la DG Trésor, aux représentants des milieux d’affaires (fédérations, CCI), lors d’une réunion à huis clos visant à clarifier un certain nombre de points techniques**. Après le lancement de l’offre de crédit export de Bpifrance pour les petits contrats l’an dernier, cette réforme des règles de part française constitue un nouveau coup de pouce pour les exportateurs dans les pays en développement et émergents, et particulièrement les PME et ETI.
« Les PME bénéficient à plein de l’abaissement du seuil d’éligibilité à 20 %, confirme-t-on à Bercy. On s’attend à voir venir des entreprises dont les offres ne passaient pas le cap des 50 % de part française ». Ceci d’autant plus que cette mesure ciblée vient s’ajouter à l’offre de financement export lancée l’an dernier par Bpifrance pour des contrats de moins de 25 millions d’euros, un segment de marché qu’avaient déserté les banques commerciales avant que la banque publique ne le relance.
Prendre en compte l’internationalisation des chaînes d’approvisionnement, notamment à l’échelle européenne
Rappelons que cette réforme réclamée de longue date par les entreprises -et en particulier les grandes, principales clientes des garanties publiques- a été annoncée le 16 février 2016 par l’ancien ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, Emmanuel Macron**. Elle s’appliquait en pratique depuis cette annonce du ministre, ce qui aurait permis à certains dossiers jusque là considérés comme « tangents » de passer le cap de la commission des garanties. Mais les opérateurs attendaient une clarification des règles d’application pour faciliter leur mise en œuvre. C’est donc chose faite.
Cet enjeu de la part française n’est pas anodin. Comme dans tous les pays de l’OCDE, pour bénéficier d’un soutien de l’État afin de conclure un contrat à l’exportation dans les pays en développement ou émergents, les entreprises françaises doivent justifier d’un minimum de part française. Cette part correspond concrètement à la valeur ajoutée apportée en France, dans le produit ou le service objet du contrat. Un assouplissement des exigences de l’administration – DGE et DG Trésor- était réclamé depuis longtemps par les opérateurs pour prendre en compte l’internationalisation des chaines d’approvisionnement et de production, notamment à l’échelle européenne.
La réforme de 2016 répond à cette attente tout en simplifiant les démarches pour les PME et ETI. « C’est cohérent avec les efforts du gouvernement pour accroître l’accès des PME et ETI aux dispositifs publics d’appui, estime-t-on à Bercy. Notre objectif est d’augmenter l’intérêt de cette catégorie d’entreprise pour l’assurance-crédit export pour des contrats de taille petite et moyenne ».
Nous renvoyons aux documents de la DG Trésor pour les détails*, mais il n’est pas inutile ici de rappeler les grandes lignes de cette réforme.
Les nouveaux seuils d’éligibilité
La réforme réduit drastiquement les seuils d’éligibilité. Jusque là, la part française exigée par l’administration était d’un minimum de 50 % quelle que soit l’aide demandée. Depuis cette réforme, ce pourcentage a été réduit :
- de 50 à 20 % pour l’assurance-crédit et les autres garanties export (assurance-crédit, garanties de caution et de préfinancement);
- de 60 à 50 % pour les prêts du Trésor non concessionnels (au taux du marché)
Les seuils d’éligibilité ont été en revanche maintenus à des niveaux élevés pour les prêts concessionnels du Trésor (à des taux subventionnés), où ils demeurent à 70 % de part française, et pour les financements FASEP (Fonds d’étude et d’aide au secteur privé), où ils sont restés à 85 %.
Une liste exhaustive des éléments qui sont pris en compte pour le calcul de la part française est fournie dans le guide de l’administration*. Elle couvre un large éventail allant des matières premières et composants à la main d’œuvre et aux frais d’études, de R&D ou de transport, en passant par la sous-traitance en France. Pour les grands projets, des assouplissements ont d’ailleurs été introduits comme l’intégration de la marge brute et de la R&D générée par le projet lui-même dans le calcul de cette part française, ou, à l’inverse, l’exclusion des matières premières du calcul lorsque celles-ci ne peuvent être produites en France.
Pour les PME et ETI, moins de complications
En plus de cette réduction des seuils, une distinction est faite entre d’une part les grandes entreprises (CA supérieur à 150 millions d’euros) et les très grands contrats (montant égal ou supérieur à 400 millions d’euros), et d’autre part les entreprises de taille moyenne et intermédiaire dont le chiffre d’affaires est inférieur à 150 millions d’euros, typiquement des PME et ETI.
Pour simplifier, les premières –soit les grandes entreprises- bénéficient de la procédure assouplie mais si la part française est inférieure à la part étrangère, leur dossier de demande sera passé au peigne fin ex-ante et elles auront un soutien public limité à deux fois la part française. Le montant pris en garantie pourra être en outre modulé en fonction de « l’intérêt industriel » de l’opération, en termes d’activités localisées en France, d’emplois, ou de perspective de développement futur pour le secteur concerné.
Pour les PME et ETI de moins de 150 M EUR de CA, rien de tout cela. Il n’y a plus de contrôle préalable à l’acceptation du dossier afin de réduire les délais d’instruction : la décision est prise « sur la base des déclarations de l’entreprise ». La DGE s’est engagée à ne pas dépasser trois semaines pour examiner les dossiers de demande, le délai courant « dès réception du dossier complet ». Un contrôle du CGEFI (Contrôle général économique et financier) sera possible, mais ex-post, soit a posteriori.
L’enjeu est loin d’être négligeable : à la clé une couverture d’une partie substantielle du montant d’un contrat (85 % de la part rapatriable + 30 % de la part rapatriable au titre de la part locale). De quoi sécuriser sa transaction commerciale en réduisant le risque d’impayé, et éventuellement faciliter l’obtention d’un financement. Un gain précieux, notamment pour les contrats conclus dans des pays qui présentent des risques d’interruption importants, comme c’est typiquement le cas de nombreux pays en développement ou émergents.
Christine Gilguy
*Le guide est téléchargeable sur les deux sites de la DGE et de la DG Trésor : www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/politique-et-enjeux/competitivite/guide-utilisateur-soutien-public-export.pdf et http://www.tresor.economie.gouv.fr/13854_guide-part-francaise
**Cette présentation est en ligne sur le site de la DG Trésor : https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/427634
***Lire dans les archives de la LC : Financements export : Bercy muscle encore son arsenal de soutiens aux exportateurs
Pour prolonger :
L’ensemble des mécanismes de soutien à l’exportation est expliqué dans : Guide des aides à l’export pour les PME & ETI France/Europe – Édition 2016 (Moci)