Trois français sur quatre sont favorables à un « partenariat franco-chinois » en matière d’aide au développement (APD), selon les résultats d’un sondage d’opinion réalisé par Ipsos pour l’Agence française de développement (AFD) pour connaître la perception qu’ont les Français de l’APD. De son aveu même, Rémy Rioux, le directeur général de l’AFD, a été « surpris » par ce résultat car, a-t-il confié à la presse à l’occasion de la présentation du bilan 2018 de l’agence, « il ne s’attendait pas à une réponse aussi nette ».
La question n’est pas anodine : lors de sa dernière visite en France, le président Xi Jinping a mis en tête des priorités chinoises de coopération avec la France le développement de « partenariats en pays tiers », avec, ce qui n’a échappé à personne, l’Afrique en ligne de mire. Une volonté à laquelle la France à souscrit puisqu’elle figure dans la déclaration conjointe franco-chinoise publiée à l’issue de cette visite.
L’AFD « a un mandat de rechercher des partenariats »
Interrogé sur l’approche de l’AFD sur ce sujet, le directeur général de l’AFD, dont la stratégie consiste depuis plusieurs années à démultiplier les moyens d’intervention de ce bras armé de la politique de développement française grâce à des cofinancements et partenariats avec d’autres banques et fonds de développement, a reconnu que l’AFD « a un mandat de rechercher des partenariats » mais que pour l’heure, il n’a pas encore d’exemple de « réalisations concrètes » à fournir dans ce domaine pour la Chine.
Pour autant, le dialogue est constant, et l’AFD cultive ses relations avec les instruments de la coopération chinoise dont certains, comme la China Development Bank (CDB), ont des engagements hors de Chine plus importants que ceux de la Banque mondiale, les investissements colossaux dans les projets du programme des Routes de la soie ayant accéléré ce déploiement.
« La relation avec la Chine passe par de multiples canaux »
« La relation avec la Chine passe par de multiples canaux » a précisé le directeur général de l’AFD, se réjouissant que Pékin ait rejoigne progressivement un certain nombre d’instances multilatérales où se définissent des orientations communes, non seulement dans le domaines des politiques de développement, mais aussi en matière de lutte contre le surendettement des Etats, de respect de normes sociales et environnementales, ou de lutte contre la corruption.
Souvent accusée de contribuer au sur-endetter les pays en développement pour obtenir plus facilement ce qu’elle recherche, elle s’est ainsi rapprochée du Club de Paris, dont elle est devenue un membre ad hoc, convié au cas par cas à participer à des réunions intéressant le traitement du surendettement de certains pays dont elle est créancière.
La CDB est aussi membre du comité de pilotage l’IDFC (International Development Finance Club), un club de banquiers du développement que préside Rémy Rioux, et l’AFD a un accord de coopération avec l’institution chinoise. C’est d’ailleurs à Pékin que se tiendra le 28 mai un prochain colloque de l’IDFC sur la « finance verte » et le rôle des banques publiques dans ce domaine. De même, la France, comme nombre d’Etats européens, est actionnaire de l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank), la Banque asiatique pour les infrastructures créée par la Chine, ce qui autorise l’AFD à chercher des coopérations avec cette institution.
« On aimerait apporter cette preuve que c’est possible »
« Le sujet, c’est comment entrer en contact avec des acteurs chinois pour les emmener sur un terrain commun » a expliqué Rémy Rioux qui, comme de nombreuses entreprises françaises dans leur relation avec les entreprises et institutions financières chinoises, et confrontée au problème de transparence et de conformité de ces acteurs avec les normes auxquelles elle est elle-même soumises, typiquement en matière social, environnemental ou de corruption. Un problème récemment encore soulevé lors d’un échange entre l’ancien Premier ministre et sinophile Jean-Pierre Raffarin et les représentants des milieux d’affaires français en Afrique organisé par le Cian (Conseil des investisseurs français en Afrique).
« On aimerait apporter cette preuve que c’est possible » a déclaré Rémy Rioux comme en échos aux interrogations des hommes d’affaires français. Mais pour l’heure, il faut s’adapter au rythme chinois, et celui-ci est lent. D’après le directeur-général de l’AFD, contacts et discussions bilatérales sont en cours sur différents sujets, citant plusieurs exemples : certains acteurs chinois ayant essuyés des impayés au Sri Lanka et à Djibouti se seraient rapprochés de l’AFD pour savoir comment elle traite la question de la soutenabilité de la dette ; au Sri Lanka encore, l’AFD regarderait comment intervenir en cofinancement avec l’AIIB sur des projets ; la CDB aurait montré de son côté un intérêt pour une étude de l’AFD sur l’Afrique du Sud et sa transition énergétique pour sortir du charbon et des discussions seraient en cours pour monter avec l’AFD des projets au Sénégal…
Bref, les relations sont riches. Reste à savoir comment en faire émerger des projets concrets.
Christine Gilguy