Après avoir été vulgarisée grâce à des initiatives sectorielles comme celles menées par le Medef, l’OSCI et l’Adepta dans l’agroalimentaire*, l’exportation collaborative fait petit à petit son chemin en France grâce aux outils digitaux. Créée par des entrepreneurs lyonnais, Expormates.com, littéralement en français « compagnon d’exportation », ne compte encore que quelques dizaines de membres –dont une centaine ont participé aux tests fin 2017–, mais ses ambitions sont fortes puisqu’elle vise les 30 000 membres d’ici la fin de 2018. Objectif de cette nouvelle plateforme Internet : permettre à des TPE et PME proposant des produits complémentaires mais non concurrents de se rencontrer, voire de monter des projets d’exportation ensemble.
À l’origine de ce projet, la société Affeeniteam SAS, créée en mai 2014 à Limonest, au nord de l’agglomération de Lyon, par trois hommes ayant chacun une solide expérience, soit dans le business, soit dans l’informatique et le digital, et qui se sont rencontrés dans le cadre de leurs activités professionnelles antérieures : John Joubert, qui a travaillé 10 ans dans la distribution de robinetterie industrielle pour Tecofi, une société française qui exporte dans 70 pays ; Jérémy Marcellino, un spécialiste du webmarketing ; et enfin Franck Aigloz, à la tête d’une société d’édition de logiciels.
Affeeniteam.com rassemble 26 000 entrepreneurs francophones
« La société a été fondée sur un objectif sociétal : fournir des leviers de création de valeur et d’emplois, relate John Joubert. Notre logique est une logique de communauté ». Le premier projet lancé a d’ailleurs été affeeniteam.com, une plateforme de mise en relation d’entrepreneurs francophones par affinité. Elle compte aujourd’hui 26 000 membres, dont 35 % en Afrique. Monter un tel projet dédié à l’exportation était déjà dans les cartons. « On l’a mis de côté, car on ne pouvait pas tout faire en même temps », explique John Joubert.
L’idée lui est venue de sa propre expérience du terrain. Au cours de son parcours comme commercial export, John Joubert n’a pu que constater, comme d’autres, l’isolement des PME et TPE françaises, et le manque d’appétence de leurs dirigeants pour la coopération : « contrairement aux Italiens, aux Sud-coréens ou aux Allemands, les Français ont beaucoup de mal à collaborer entre collègues », explique-t-il. Ils se privent ainsi d’un levier potentiel important de développement. Or, lorsqu’on a la même cible de client à l’autre bout du monde mais pas le même produit à leur vendre, pourquoi ne pas collaborer pour multiplier les chances de réussites ?
Complémentaire des clusters, clubs et pavillons collectifs
D’où l’idée de créer une plateforme digitale qui leur permette d’entrer en relation pour déjà mieux se connaître et discuter, et plus si affinité. « Aujourd’hui, ils se rencontrent au sein de clusters, de clubs export locaux ou encore de pavillons collectifs sur des salons, développe John Joubert. Un outil digital est un excellent complément ».
D’autant plus qu’un tel outil permet de transcender les distances. Car, pour reprendre un exemple cité par le dirigeant, pourquoi une PME rhônalpine vendant des équipements de protection pour l’industrie chimique et une PME bretonne fabriquant des cuves pour le même secteur ne pourraient-elles pas coopérer pour réussir ensemble à séduire un même prospect en Afrique du Sud ?
L’algorithme qui fonde exportmates.com est donc capable de mettre en relation ces deux entreprises qui ne se connaissent pas car elles ne font partie ni du même syndicat professionnel, ni du même cluster, et, a fortiori, ne fréquentent pas les mêmes clubs de chefs d’entreprises locaux. Les chances que cette entrée en matière via la plateforme donne lieu à des échanges sur des sujets concrets sont d’autant plus grandes que celle-ci n’est ouverte qu’à des individus ayant des responsabilités opérationnelles –pas à des sociétés–, qu’ils soient chefs d’entreprises ou commerciaux export.
Un univers qui s’apparente à un « hub de l’export »
Pour s’assurer de ne pas être perçus comme des concurrents des acteurs privés et publics de l’accompagnement export, les fondateurs de la plateforme ont pris soin d’expliquer leur démarche à l’ensemble de l’écosystème du soutien à l’export en Auvergne-Rhône-Alpes : Chambres de commerce, OSCI, Bpifrance, Business France, Conseiller du commerce extérieur, etc. Et de leur ouvrir la plateforme.
« C’est bien de réunir les exportateurs pour qu’ils discutent entre eux, mais nous avons pensé qu’il fallait leur donner la possibilité de rencontrer sur la même plateforme les structures d’appui à l’export, souligne John Joubert. Car ce sont souvent de petites structures très spécialisées et expertes sur des marchés précis, mais dispersées ». Objectif : créer un univers qui s’apparente à un « hub de l’export ».
Exportmates propose ainsi trois grandes fonctionnalités : un réseau social, un outil de « matching » pour la mise en relation, et enfin une fonction d’échange grâce à la constitution de groupes de discussion privés.
Elle bénéficie du soutien ouvert de quatre grands partenaires dont les logos sont visibles sur la page d’accueil : l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), la CCI de Savoie et l’OSCI.
« Nous visons les 30 000 membres d’ici à la fin de l’année 2018 »
La plateforme a été testée par 100 entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes en décembre, ce qui lui a permis d’apporter d’entrée des améliorations. Sa conquête des milieux d’affaires a été facilitée par son ancrage local : des chefs d’entreprises connus dans la région ont en effet investi au capital d’affeeniteam pour lui permettre de financer ce projet, dont Philippe Trémeau, l’ancien président du groupe Farex (qui possède la marque Tecofi), André Guinet, ancien président de la SLAT, Philippe Bau, ancien commissaire aux comptes, et Alain Joubert, le père de John, lui-même chef d’entreprise.
Multiplier les partenariats avec les acteurs du soutien à l’internationalisation fait partie des trois axes du plan d’action des dirigeants pour faire connaître exportmates, avec le webmarketing et la communication presse. Aujourd’hui, si la plateforme compte moins de 200 membres, le nombre de commandes est en forte augmentation et les fondateurs sont ambitieux : « nous visons les 30 000 membres d’ici à la fin de l’année 2018 », souligne John Joubert.
Pour l’instant, les inscriptions sont gratuites, mais dès que le nombre de membres aura atteint un seuil critique que notre interlocuteur se garde bien de dévoiler, elle passera en mode payant, avec des formules d’abonnement dont les tarifs varieront en fonction de l’intensité d’activité désirée par les utilisateurs.
Christine Gilguy
Pour prolonger :
Lire notamment dans le dossier « 200 000 exportateurs en 2022, enquête sur un défi français », paru dans Le Moci n° 2048-2049 du 30 novembre 2017 (spécial Palmarès 2017 des PME & ETI leaders à l’international), l’article : « Un tissu exportateur qui doit apprendre à collaborer »