Les annonces de Donald Trump continuent à déchaîner les passions à Bruxelles. Dernière en date ? Le possible choix, encore non confirmé à ce stade, de Ted Malloch comme futur ambassadeur des États-Unis dans la capitale européenne. Cet ancien diplomate, consultant spécialisé en stratégie et échanges internationaux, professeur d’université au Royaume-Uni, est aussi un eurosceptique affiché, fervent partisan du ‘Brexit’. Ambiance…
Lors d’un entretien accordé à la BBC le 26 janvier, Ted Malloch a ainsi confirmé la nouvelle ligne américaine qui risque de mettre fin à 70 ans de diplomatie européenne des États-Unis. « J’ai déjà eu des postes diplomatiques dans le passé qui m’ont permis d’aider à abattre l’URSS. Alors, peut-être qu’une autre Union a aussi besoin d’être domptée », a-t-il répondu, visiblement amusé, lorsque le journaliste l’interrogeait sur les raisons qui le pousseraient à accepter cette mission. Des propos qui ont choqué dans la bulle bruxelloise. Car si Ted Malloch prône la dislocation de l’Union européenne (UE), qu’il compare à l’ancien bloc soviétique, il prédit aussi l’effondrement de l’euro dans les 18 mois et conseille de spéculer dès à présent contre la monnaie unique.
« Il devrait être déclaré persona non grata ici à Bruxelles »
« L’Europe n’est non seulement plus un enjeu stratégique pour Washington, mais c’est un adversaire à abattre ! », s’est offusqué Jean Quatremer, correspondant de Libération dans la capitale européenne, dans son blog les ‘Coulisses de Bruxelles’. Même émotion au sein de l’hémicycle. Lors d’un débat en plénière, le social-démocrate allemand Jo Leinen a appelé le président du Parlement européen à relayer les craintes des eurodéputés : « Je vous demande de prendre contact avec la Commission et le Conseil pour bloquer la nomination de Ted Malloch comme ambassadeur des États-Unis. Mr Malloch a montré une hostilité extrême à l’encontre de l’Union et de l’intégration européenne. Il devrait être déclaré persona non grata ici à Bruxelles ».
Quelques jours plus tard, les chefs de file du PPE (droite), des socialistes et des libéraux ont écrit à Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, les présidents de la Commission et du Conseil, ainsi qu’à Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie européenne, pour qu’ils s’opposent à l’accréditation de Ted Malloch s’il devait être proposé par Washington comme futur ambassadeur. « Nous sommes fortement convaincus que des personnes voyant comme leur mission de perturber ou de dissoudre l’Union européenne ne devraient pas être accréditées comme des représentants officiels auprès de l’UE », ont-ils soutenu dans leur missive.
« Une caricature portée par ce cinglé de la politique »
Renvoyé le 20 janvier dernier, comme l’ensemble des ambassadeurs américains, Antony Gardner, son prédécesseur avait déjà souligné le mépris et la profonde méconnaissance de l’Europe de la nouvelle administration de Donald Trump. Pour lui, cette approche représente la « perception de Nigel Farage qui dissémine à Washington une caricature portée par ce cinglé de la politique », avait-il déclaré devant la presse. Car l’ancien leader du UKIP, le parti britannique eurosceptique, n’a jamais caché son soutien pour le magnat de l’immobilier qu’il est même venu défendre en personne lorsque la campagne battait son plein aux États-Unis.
Mais faut-il pour autant « hurler avec les loups ? », s’interroge toutefois un ancien diplomate européen qui estime que l’UE devrait plutôt « garder ses cartouches » pour peser sur les « vrais dossiers » comme le nucléaire iranien, le commerce ou l’accord de Paris sur le climat. « Il existe de nombreux moyens détournés et discrets de court-circuiter le travail d’un ambassadeur », confiait-il à la Lettre confidentielle du Moci. Car si les Européens s’opposaient à la nomination de Ted Malloch, Donald Trump trouverait facilement un remplaçant pour défendre les choix politiques de son gouvernement. « Et même s’il se montrait plus discret, en évitant les attaques frontales, son objectif de diviser les Européens resterait le même, au même titre que l’ambassadeur de Russie à Bruxelles, un proche de Poutine et de Lavrov », commente cet ancien diplomate européen.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles