C’est nouveau dans l’arsenal des sanctions américaines. Le Trésor américain a rendu public tard dans la soirée du 29 janvier une liste de 210 personnalités et dirigeants d’entreprises publiques et privées russes susceptibles d’être sanctionnées suite aux ingérences de leur pays dans les élections de 2016. « Comment qualifier cette liste ? », s’interroge à juste titre Le Monde dans un article, puisqu’elle n’est pas assortie de sanctions… L’objectif des autorités américaines est clairement de nuire à la réputation de ces proches du président russe Vladimir Poutine – d’où le surnom donné par les médias américains à cette liste, la « Putin list », ou « liste Poutine»- et de compliquer leurs relations avec leurs partenaires extérieurs.
La liste comporte les noms de 114 personnalités politiques avec, aux côtés des hauts responsables des renseignements russes – Alexander Bortnikov (FSB), Sergei Naryshkin (SVR), notamment- des personnalités politiques de premier plan dont des membres du gouvernement comme le Premier ministre Dmitri Medvedev lui-même, mais aussi le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ou encore le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Ironisant sur cette liste, le président russe se serait dit vexé de ne pas y figurer.
Sont également épinglés par Washington 96 oligarques – hommes d’affaires affichant plus d’1 milliard de dollars de revenus selon les critères du Trésor américain- incluant de façon surprenante Roman Abramovitch, propriétaire du club de football britannique Chelsea, qui a pourtant pris ses distances avec le président russe. Tous les secteurs économiques et financiers russes sont impactés.
Cette liste était attendue depuis des mois et sa publication aurait tardé en raison des réticences du président Trump. Elle a en effet été publiée dans le cadre du Countering America’s Adversaries Through sanctions (CAATSA), une loi adoptée en août 2017 par le Congrès pour réagir aux ingérences russes dans la présidentielle américaine de 2016. Le président américain l’avait promulguée en émettant publiquement des réserves. Le CAATSA devait être complété, au plus tard le 29 janvier, par la publication d’une liste officielle d’individus et de sociétés liées aux secteurs de la défense et des renseignements visés par des sanctions américaines.
Il semble que l’administration américaine, au vu de l’impact déjà obtenu via la loi CAATSA sur la baisse des ventes du secteur de la défense russe, n’ait pas voulu, à ce stade, aller au-delà d’une simple mise en garde symbolique, tout en élargissant le champ des individus et entités exposés à un risque de sanctions plus ciblées.
Reste que, pour les entreprises européennes, il s’agit d’une nouvelle strate dans l’écheveau de sanctions américaines et européennes déjà bien fourni -et récemment renouvelées- qui frappe la Russie en raison de son implication dans la déstabilisation de l’Ukraine et l’annexion de la Crimée. Du pain sur la planche pour les spécialistes de la compliance !
C.G
*Cette liste n’est pas encore disponible sur le site du Trésor américain (https://home.treasury.gov/). Mais on la trouve scannée sur les sites de certains médias internationaux. Voir par exemple le site du Financial Times : http://prod-upp-image-read.ft.com/40911a30-057c-11e8-9650-9c0ad2d7c5b5