French Accelerator, la société d’accompagnement de Laurent Ruben, un des initiateurs de la French Tech Los Angeles, a réalisé, entre le 15 mars et le 9 avril, une enquête téléphonique sur le recrutement et la gestion des équipes commerciales aux États-Unis. « Avec pour ambition, de délivrer un certain nombre de Best Practices aux PME françaises », explique, dans un entretien exclusif à la Lettre confidentielle, le fondateur et P-dg de cette entreprise de 32 salariés, basée dans la Cité des Anges et possédant également des bureaux à New York et Paris.
Selon les enquêteurs de French Accelerator, « plus de la moitié des startups françaises qui s’installent aux États-Unis échouent dès leur première année ». « De l’étude que nous venons d’effectuer, nous déduisons que huit erreurs majeures doivent être évitées lors de la constitution des équipes commerciales », précise Laurent Ruben. Une à une, les voici décryptées pour la LC :
Erreur n° 1- S’implanter au mauvais moment.
Manque de préparation, de ténacité – il faut compter un à trois ans pour s’implanter – et de fonds, « c’est l’échec prématuré ».
Erreur n° 2- Recruter directement son équipe américaine.
Or, la culture et les méthodes sont différentes des deux côtés de l’Atlantique, le décalage horaire – au moins six heures – complique la communication. Sans compter les coûts que vont engendrer l’embauche du P-dg américain, surtout si l’entreprise étrangère n’est pas connue, et de son équipe – au moins cinq personnes, ce qui coûterait entre 500 millions et 1 milliard de dollars.
Erreur n° 3- Expatrier le directeur commercial.
« L’erreur généralement commise par une société est d’envoyer aux États-Unis son vendeur numéro un pour recruter. C’est l’échec assuré, car il ne dispose pas de réseau et le pays est gigantesque, 17 fois supérieur en surface à la France », assène Lauren Ruben. Sans compter que cet expatrié va coûter cher. C’est pourquoi la meilleure solution est « d’acheter un concurrent ou de s’associer avec un partenaire stratégique », ou encore « d’envoyer le P-dg ou une personne dirigeante de la startup française », qui va « recruter les bons profils », pour « dupliquer l’équipe aux États-Unis en s’appuyant sur des structures d’accélération ».
Et Laurent Ruben d’enfoncer le clou. « Si c’est le vendeur numéro un en France qui est envoyé, vous pouvez être sûr qu’au bout d’un an, il aura recruté un commercial très coûteux ou peu performant. Ici, l’offre est variée. Recruter est un sport national, il n’y a pas de fidélité. Il faut un recruteur local avec une expérience des sociétés internationales, un chasseur de tête, par exemple, et accepter de lui accorder entre 20 et 30 % du salaire annuel du vendeur embauché ».
Ne pas négliger le marketing, avec une stratégie solide
Erreur n° 4- Prendre des bureaux trop tôt.
Ils ne sont pas nécessaires au départ. Les loyers sont chers, les États-Unis sont immenses, « ce sont vos commerciaux qui vont se déplacer chez les clients et non l’inverse », insistent les enquêteurs de French Accelerator. En cas de nécessité, les espaces de co-working sont répandus.
Erreur n° 5- S’en tenir aux indicateurs clés de performance.
Ils permettent de juger de la réalisation des objectifs. A ces key performance indicators (KPI), peuvent s’en ajouter d’autres, surtout au départ : comptabiliser le nombre de clients à travers les contrats signés, mesurer l’activité déployée par les équipes telle que les e-mails envoyés, etc. Obtenir des clients « majeurs, leaders ou influents » est un facteur de réussite.
Erreur n° 6- Sous-utiliser les plateformes CRM.
L’outil de gestion de la relation client (CRM) est courante aux États-Unis pour gérer le marketing et la vente, tracer le chemin parcouru entre un prospect et un client. Il convient pour les Français de se mettre à niveau.
Erreur n° 7- Limiter les efforts marketing.
Dans le pays leader mondial dans les dépenses publicitaires, il faut s’aligner, donc en budget, mais aussi en travaillant à une « stratégie solide ». « En France, vous avez des technico-commerciaux, aux États-Unis, vous avez, d’une part, les vendeurs de tapis, qui sont de véritables show men, et, d’autre part, les techniciens », confie Laurent Ruben. Pour autant, précise-t-il, « ils travaillent ensemble ».
Erreur n° 8- Négliger les différences culturelles.
De mauvais documents, un site Internet sans version anglaise : l’entreprise française sera systématique ignorée. Aux soins apportés à la préparation, doit impérativement s’ajouter la constitution d’un réseau, ce qui passe par de la visibilité, via la participation à des évènements professionnels, notamment les salons, et à un engagement sur les réseaux sociaux. Selon French Accelerator, 128 millions d’Américains sont présents en 2017 sur Linkedin.
Encore un point crucial : le titre, par exemple vice-président commercial, est important pour s’ouvrir des portes, mais, pour autant, il devra d’abord convaincre le responsable du produit ou du service avant de remonter dans l’échelle hiérarchique et de rencontrer le décisionnaire. De façon générale, l’Américain recherche le bénéfice immédiat, la simplicité et le prix.
François Pargny
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