En pleine montée en puissance du Covid-19 aux États-Unis, l’économie américaine présente un double visage. D’une part, celui d’un géant dont l’activité domestique semble à l’arrêt, d’autre part, celui d’une puissance sans égal, la première au monde, seule capable d’injecter l’équivalent de 10 % de son produit intérieur brut (PIB) dans un méga projet de relance.
De fait – c’est le premier visage de l’Amérique – la pandémie frappe de plein fouet une multitude de filières.
« L’automobile est sinistrée, la supply chain impactée et les ventes accusent une chute de 25 %. L’aérien est aussi à l’arrêt, comme la construction, le tourisme. Dans l’agroalimentaire, les approvisionnements sont perturbés. En revanche, la santé et les technologies tirent leur épingle du jeu », détaillait Arnaud Leretour, directeur Business France Amérique du Nord, lors d’un webinaire sur les Amériques, organisé le 9 avril par l’agence publique.
Dans ce contexte, les revenus des ménages ont diminué, la précarité s’est accentuée et « rien que ces dernières semaines, 17 millions d’Américains se sont inscrits à l’assurance chômage », indiquait Ruben Nizard, économiste Amérique du Nord chez Coface.
Une mauvaise nouvelle pour l’Administration Trump accusée de n’avoir pas suffisamment anticipé l’arrivée du coronavirus. Les États-Unis sont à ce jour le pays le plus endeuillé du monde.
Un méga plan de relance de 2 trillions de dollars
Second visage de l’Amérique, avec le plan de relance. Les deux trillons de dollars qui seront injectés sont une première réponse à l’urgence sociale, la précarité croissante et au redémarrage nécessaire de l’activité.
« Il y a effectivement dans ce plan deux piliers, expliquait Renaud Lassus, chef des Services économiques à Washington. Celui pour les entreprises, avec des aides aux très grosses, d’une part, aux plus petites, d’autre part, avec notamment un volet prêt pour les PME. Et celui pour les ménages, avec, d’une part, la distribution de chèques, et, d’autre part, le renforcement des mécanismes sociaux, voire des créations ».
De façon précise, les deux trillions de dollars sont répartis de la façon suivante : 30 % pour les ménages, 25 % les grandes entreprises, 19 % les PME, 17 % les collectivités (État et gouvernements locaux) et 9 % les services publics.
Autre bonne nouvelle pour l’économie, le trafic entre les États-Unis et le Pacifique semble repartir, après une période durant laquelle les fermetures d’usine en Chine avaient créé un choc de la demande outre-Atlantique.
« On n’a pas de baisse du trafic depuis la Chine, qui représente 73 % des importations du transpacifique américain ». Selon Ludovic Renou, président chez CMA CGM America, leader du transport par conteneurs aux États-Unis, avec 5 millions d’unités par an, « la Chine se réveille » et il y a « une reconstitution des stocks » dans le monde et aux États-Unis.
En revanche, il y a « un frein sur l’Asie du Sud-est » et « le transatlantique est touché ».
Ainsi, selon Ludovic Renou, le trafic avec l’Europe a chuté de 30 %. Alors que lors de la crise de 2009 « une capacité équivalente à 1,5 million de conteneurs avait été mise à l’ancre », rien qu’au deuxième trimestre de cette année, « le choc global à cause du Covid-19 est de trois millions de conteneurs ». Ludovic Renou anticipe que pour cette période « 250 000 bateaux soient mis à l’ancre pas seulement pour CMA CGM mais pour toute l’industrie confondue ».
Une croissance économique de 2,9 % en 2020
Globalement, les mesures de confinement prises aux États-Unis vont peser sur les performances économiques au deuxième trimestre. Reste que Coface espère « une stabilisation fin avril-début avril et un processus graduel de réouverture de l’économie qui se passerait au troisième et au quatrième trimestre », estimait Ruben Nizard.
En fin d’année, le PIB pourrait s’établir à + 2,9 %. Mais, pour autant, il faut s’attendre à une hausse très forte des défaillances d’entreprises. Elle serait de + 39 %, ainsi plus élevée que la moyenne mondiale (+ 25 %), avec des secteurs particulièrement touchés (transport, vente de détail, énergie…).
Le Congrès américain souhaite aujourd’hui renforcer le plan de relance en faveur des PME. Autre priorité qui devrait surgir rapidement, l’assurance-santé qui n’est pas couverte dans le plan. Le secteur de la santé en général va devenir primordial.
Enfin, les économistes américains ont commencé à débattre d’une relance par les infrastructures, mais Renaud Lassus ne pense pas que l’Administration Trump privilégiera cette option. « La relance des infrastructures prend toujours beaucoup de temps pour toucher l’économie réelle ». Ce sera donc pour plus tard.
François Pargny