A quelque jours de la publication par la Cour régionale des comptes (CRC) d’Auvergne Rhône-Alpes de son rapport d’observations définitives sur la gestion Erai (Entreprises Rhône-Alpes International), dont le contenu doit être discuté aujourd’hui 23 juin au conseil régional, la presse régionale a publié de nombreux extraits de ce document, mettant en cause la gestion par l’ancien exécutif régional socialiste de cette association mise en liquidation judiciaire le 30 juin 2015. Alors que le débat s’annonce houleux sur ce dossier très politique, qui pourrait déboucher sur des poursuites pénales et donner lieu à quelques règlements de comptes dans l’écosystème lyonnais du commerce extérieur, les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) n’ont pas manqué cette occasion pour rappeler, dans un communiqué publié dès le 20 juin, que ce rapport « met en évidence les dérives d’Erai qui ont été dénoncées pendant des années par l’OSCI » et que la CRC a été saisie en 2014 par le préfet de région suite à des demandes émanant notamment de cette organisation.
D’après les extraits du rapport définitif qui ont fuité dès le 16 juin, tout autant son président de l’époque, Daniel Gouffé, les administrateurs que les représentants de la collectivité régionale – en premier lieu Jean-Jack Queyranne- et le commissaire au compte de l’association sont épinglés par ce rapport. Plusieurs exemples ont notamment été relatés par des articles des sites d’information leprogres.fr et acteursdeleconomie.latribune.fr*. Nous nous contentons d’en reproduire quelques-uns, en renvoyant au rapport complet qui doit être mis en ligne aujourd’hui 23 juin sur le site Internet de la CRC Auvergne Rhône-Alpes.
De l’absence de comptes consolidés aux «conflits d’intérêts»
Ainsi, les administrateurs et les représentants de la région « auraient dû exiger des comptes consolidés certifiés et des tableaux de trésorerie qui auraient révélé une situation très dégradée dès 2010», tandis que le commissaire aux comptes « pourrait voir sa responsabilité engagée » pour s’être abstenu « de recourir à la procédure d’alerte ». Autre faute relevée par la CRC, l’absence de document « prouvant que la région aurait préconisé au conseil d’administration les vraies mesures de redressement qui s’imposaient et clairement identifiées par le rapport d’audit », une référence à un audit mené en 2012, mais dont le rapport n’aurait jamais été communiqué aux membres du conseil d’administration d’Erai.
L’absence de provisions pour couvrir une dette globale de plus de 6,3 millions d’euros accumulée vis-à-vis de la maison-mère par les filiales à l’étranger exerçant une activité concurrentielle est également épinglée par la Cour. Au chapitre des recrutements, ce sont les « conflits d’intérêts » qui sont mis en exergue, alors que le rapport de la CRC relève que quelque 85 salariés ont été recrutés entre 2008 et 2014 sans qu’existe une procédure transparente en matière de recrutement et de rémunération. « Ces recrutements tendraient à montrer qu’Erai a fait droit aux sollicitations de certains de ses administrateurs… ».
De la « fuite en avant » au « caractère déloyal de la concurrence »
Dans son communiqué, l’OSCI, qui était représentée au conseil d’administration d’Erai par l’un de ses vice-présidents (François Coulin les dernières années) rappelle que sa première plainte contre Erai, qu’elle a souvent accusé de concurrence déloyale, remonte à 1998, devant la Commission européenne, et ne fut retirée qu’à la suite de la signature d’une convention de coopération entre les deux parties. Mais celle-ci n’ayant, selon l’OSCI, « jamais été appliquée », cette organisation profita donc de sa présence au conseil d’administration d’Erai, obtenue à la suite de ce différent, pour régulièrement manifester son mécontentement.
Ainsi, selon le communiqué, a-t-elle dénoncé, notamment, la « fuite en avant » constituée par la multiplication des implantations à l’étranger d’Erai et le « caractère déloyal de la concurrence » faite au secteur privé à travers les activités commerciales d’Erai. Elle a aussi exigé « la mise en place d’une comptabilité analytique » réclamée par la CRC dès 2008, et mis « en garde les administrateurs sur la responsabilité qu’ils encouraient en n’exigeant pas de la direction d’Erai les moyens de contrôle qu’elle devait au conseil d’administration »… Faute d’être entendu, l’OSCI a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence qui « a rendu en 2014 un avis lui donnant parfaitement raison », puis le préfet de région pour qu’il saisisse la CRC. Outre l’OSCI, le parti écologiste EELV avait également demandé au préfet de saisir la CRC.
Pour l’OSCI, dont des membres ont repris certaines des filiales d’Erai lors de sa liquidation, cette affaire est sans aucun doute une occasion de remettre à plat la politique régionale publique de soutien à l’export et de mieux y associer les sociétés privées. « Dans ce domaine, l’efficacité se mesure en gain de chiffre d’affaires durable pour les entreprises exportatrices et non au nombre d’entreprises facturées, ou de coups de fil passés (comme on pouvait le lire dans les rapports d’activité d’Erai) », souligne notamment le communiqué. Et de conclure en offrant « son concours » à Auvergne Rhône-Alpes et plus largement aux autres nouvelles grandes régions « pour définir les modalités d’un accès à ce réseau… qui couvre plus de 100 pays ».
C.G
*Lire notamment sur acteursdeleconomie.latribune.fr : Erai :le verdict accablant de la chambre régionale des comptes et sur leprogres.fr : Exclusif : ce que révèle la Chambre régionale des comptes sur Erai
Pour prolonger :
–Région / Export : en Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez précise la rupture avec l’ancien modèle Erai
–Erai/Rhône-Alpes : après la liquidation, reste à assurer la continuité de service