A parcourir Dubaï du sud au nord, on se convainc facilement que cet émirat au nord d’Abu Dhabi, aux Emirats arabes unis (EAU), possède la plus grande densité planétaire d’hôtels 5 étoiles. Ainsi, l’hôtel Armani, du nom du célèbre couturier qui l’a conçu, est situé dans la tour la plus haute du monde, Burj Khalifa (828 mètres). Dans cette même tour, au 122e étage, le chef anglais Christopher Graham cuisine dans le restaurant gastronomique L’At.Mosphère, le plus élevé du monde à 422 mètres de haut. Avec vue sur Burj Khalifa, le Boulevard, dernier hôtel Address du français Accor, occupe les étages inférieurs du 26e bâtiment le plus haut du monde (72 étages).
Tout, plus haut, plus grand, plus chic
Dix entreprises françaises du secteur*, PME et ETI, conduites du 23 au 25 avril, par Bpifrance, avec le soutien du bureau local de Business France, ont pu visiter ces lieux fabuleux, comme encore l’hôtel Jumeirah, logé dans la tour en forme de voile de Burj Al Arab, le Vida Downtown, à l’architecture d’inspiration orientale, ou encore l’Atlantis The Palm, un hôtel comprenant des parcs aquatiques avec des animaux marins sur des îles artificielles.
Tout, plus haut, plus grand, plus chic. Les tours se succèdent les unes aux autres, posées comme des éléments d’un Lego au centre-ville, puis à l’extérieur par grappes pour être ensuite reliées entre elles et au cœur urbain par des infrastructures imposantes.
« Époustouflant », « impressionnant » sont les mots qui viennent aussitôt pour qualifier le dynamisme de cet émirat non pétrolier, qui veut aujourd’hui ouvrir un espace à l’hôtellerie 3 étoiles. Une volonté au plus haut niveau, c’est-à-dire du gouverneur en personne, Cheikh Mohamed Ibn Rached al-Maktoum. En fait, comme le coût de vie à Dubaï est très élevé, si l’émirat veut encore augmenter son attractivité, en particulier dans la région, il lui faut également une hôtellerie plus économique.
L’offre trois étoiles insuffisante
Au total, quelque 700 hôtels ont été construits à ce jour, soit un investissement global de 6,1 milliards d’euros. Le nombre de chambres atteint 82 730 (en y ajoutant les hôtels appartements, ce chiffre passe à 108 000 chambres). L’offre est donc pléthorique, avec un taux d’occupation pourtant très élevé (environ 80 %). Ce qui s’explique par le dynamisme incroyable de l’émirat.
Dubaï a assis sa réussite en devenant un carrefour commercial et logistique, qui accueille de nombreux sièges de groupes internationaux pour le Moyen-Orient, l’Afrique, voire le sous-continent indien. « C’est le seul endroit où vous pourrez trouver un vol direct pour tous les continents », précise Gilles Roche, directeur Moyen-Orient du groupe Air France KLM.
Dans le détail, si l’offre de 3 étoiles existe, elle est surtout le fait d’opérateurs locaux et demeure insuffisante en nombre de lits. La catégorie des 1 à 3 étoiles représente moins de 21 600 chambres (26 % du parc), alors que les 4 étoiles en comptabilisent 25 290 (30,5 %) et les 5 étoiles 35 850 (43,5 %).
Les autorités cherchent des trois étoiles avec la French Touch
Ce que recherche aujourd’hui les autorités de Dubaï, ce sont des établissements 3 étoiles, avec la French Touch, le raffinement à la française. Cette ouverture vers un nouveau segment de l’hôtellerie est apparue suffisamment prometteuse pour que de véritables décisionnaires (présidents, directeurs généraux…) aient participé à la délégation emmenée par Bpifrance en avril.
Ainsi, le patron de l’hôtel 5 étoiles Les Bains Paris, Jean-Pierre Marois, souhaitait tester le marché local avec sa nouvelle offre 3 étoiles Bado Hôtels. Pour sa part, le traiteur créateur d’évènements sur mesure Potel & Chabot avait déjà réalisé des « coups » en offrant ses services à la famille royale. « Nous voulons maintenant développer une véritable politique dans l’émirat », a confié au Moci Jean-Baptiste Prache, son directeur du Développement commercial, du marketing direct et des projets spéciaux. Au total, les entrepreneurs de l’Hexagone ont bénéficié de « 120 rendez-vous sur mesure, ciblés par Business France », a précisé Marc Cagnard, son directeur régional Moyen-Orient, basé à Dubaï.
Des opportunités aussi dans la restauration
A l’issue de la mission, plusieurs dirigeants se sont félicités des contacts établis. Jean-Bernard Falco et Grégory Pourrin, respectivement président et directeur général de Paris Inn, ont même indiqué qu’ils allaient conclure un partenariat pour développer leur enseigne Maison Albar. De son côté, Xavier Douchy, directeur au groupe Le Louvre, déjà présent à Dubaï avec un Golden Tulip, nourrissait de bons espoirs quant à l’implantation de l’enseigne Campanile.
« C’était important pour nous que des petites sociétés françaises se présentent sur le marché, car elles ont un réel savoir-faire », a estimé pour sa part Emmanuel Bréchard, le représentant de Bpifrance au Moyen-Orient. Les produits qui intéressent le marché dubaïote sont les produits de niche et innovants, avec un bon rapport qualité-prix. Reste que pour susciter l’intérêt des partenaires, il faut maîtriser un marketing solide. Un bon produit ne suffit pas. Dans un marché hyper-concurrentiel, ne serait-ce que pour être reçu, il faut être excellent dès le départ, c’est-à-dire dans sa présentation en anglais.
Dans la restauration, Philippe Bohrer, ancien chef de l’Élysée à la tête d’Epicure, récemment entré dans l’accélérateur ETI de Bpifrance, a annoncé qu’il allait conclure un partenariat d’investissement et de gestion pour des établissements à Dubaï et Paris, qui pourrait ensuite être étendu dans les grands capitales du monde.
Le cosmopolitisme de Dubaï est un sérieux atout pour développer de nouveaux concepts et offrir des expériences gustatives. Selon Ahmed Ramadan, fondateur de la société de conseil Ròya, le nombre de restaurants devait dépasser la barre des 19 000 en 2020, contre 16 200 en 2017.
Accor avec MGallery et Emaar avec Rove
Aujourd’hui, parmi les grandes chaînes hôtelières, Jumeirah International LLC est leader avec une part proche de 14 %, deux points environ au-dessus de son dauphin Starwood Hotels. Accor serait sixième, après Rotana, Marriott et Hilton, mais « en développement, nous sommes le premier », confiait Olivier Granet, Chief Executive Officer Hotel Services Middle East & Africa.
Sur les 200 établissements dont il a la responsabilité, deux tiers sont au Moyen-Orient, à parité sur les segments luxe et moyen de gamme-économique, le denier tiers étant sur le marché africain. Sur les 50 000 chambres au total ainsi proposées, 10 000 le sont à Dubaï, ce qui montre l’importance de l’émirat sur lequel le groupe n’a de cesse de se renforcer, notamment avec de nouvelles marques, comme MGallery by Sofitel.
D’après nos informations, pour bénéficier d’une exonération de taxes municipales, le premier MGallery, The Retreat Palm Dubai (255 chambres, dont 225 ouvertes), aurait été classé 4 étoiles, et non pas 5 étoiles comme les Sofitel. Le prix moyen d’une chambre s’élève à 200 euros. Propriétaire de Burj Khalifa et de Dubai Mall, le groupe émirien Emaar s’est engagé, quant à lui, sur le segment des 3 étoiles avec la marque Rove. Le prix moyen est de 100 dollars la nuitée.
Sur l’ensemble des EAU, une soixantaine de projets hôteliers annoncés
Sur l’ensemble des EAU, une soixantaine de projets hôteliers sont annoncés. Frappé de plein fouet par la crise en 2008, soutenu à l’époque par son puissant voisin cousu d’or noir, Abu Dhabi, Dubaï n’a de cesse de construire et de se diversifier, notamment dans le tourisme. Souvent présentés comme rivaux ou concurrents, Dubaï et Abu Dhabi – les deux plus connus des EAU** – sont, en fait, plutôt complémentaires.
« Dubaï est aussi endetté qu’en 2009, mais la dette a été rééchelonnée et garantie par Abu Dhabi, qui lui est très riche et n’a besoin de personne. Dubaï a, de son côté, besoin des étrangers, qui, eux-mêmes, ont besoin de Dubaï, ce qui explique le dynamisme de l’émirat », a résumé Jean-Louis Morinière, conseiller du cabinet d’avocats et de consultants Al Aidarous, en recevant les dirigeants de Paris Inn, le 20 avril, lors d’un entretien auquel était convié Le Moci.
La complémentarité entre les deux émirats riches des EAU se renforce avec le développement des infrastructures culturelles à Abu Dhabi (Louvre, Sorbonne…). « Les visiteurs qui séjournent à Dubaï en profitent aussi pour se rendre à Abu Dhabi, la capitale fédérale, et dans l’émirat de Ras al-Khaimah », a observé de son côté le Français Laurent Rigaud, directeur général des Opérations de Golden Sands Hotels.
Objectif 2020 : accueillir 20 millions de touristes
Le 26 avril, lors du salon Arabian Travel Market (ATM), Issam Kazim, CEO de Dubai Corporation for Tourism & Commerce Marketing, a expliqué qu’une première Stratégie à l’horizon 2020 avait été mise en place pour doubler le nombre de touristes de 10 millions en 2013 à 20 millions en 2020.
Le tourisme s’est fortement appuyé jusqu’à présent sur l’existence de grands malls commerciaux, comme Dubai Mall, mêlant commerces et loisirs, ainsi que sur une offre balnéaire, disponible huit mois par an, et des parcs d’attraction. Par exemple, le plus grand complexe de parcs à thème couvert au monde, Dubai Parks & Resorts, avec ses trois parcs – Legoland, Bollywood et Montiongate – a été ouvert en 2016, la même année que l’Opéra de Dubaï.
Depuis 1992, le chiffre des touristes a fait un bond, passant de 400 000 à 15,8 millions l’an dernier, les Indiens constituant à eux seuls un contingent de plus de 2 millions en 2017. La stabilité politique et l’image festive de cet émirat, ouvert à l’international, ont autant favorisé le tourisme d’affaires (congrès, salons internationaux…) que le tourisme familial ou médical auprès des pays de la région.
Dans le cadre d’une deuxième Stratégie à l’horizon 2040, l’objectif est de tirer profit d’un potentiel inexploité : proposer déjà « une expérience » du territoire, à travers ses paysages (montagnes, désert…) et sa faune (parcs animaliers…), soulignait Issam Kassim ; mais aussi créer « une expérience » autour de la gastronomie. Dubaï – 80 % d’étrangers, 20 % d’Émiriens – est « une salade de fruits. Ce n’est pas un melting pot, mais une succession les unes à côté des autres de communautés et de cultures nationales ».
Expo 2020 stimule les grands chantiers du sud
Pour être toujours plus attractif, Dubaï se dote aussi de nouvelles infrastructures. Au milieu de la masse des gratte-ciel, le ballet des grues est toujours un spectacle étonnant. On bâtit également au sud de la ville. Ainsi en est-il de l’aéroport géant d’Al-Maktoum, dont un terminal est déjà ouvert.
C’est entre la ville et ce nouvel aéroport, qui comprendra à terme quatre terminaux et cinq pistes dans un périmètre de 140 kilomètres carrés, que se tiendra Expo 2020. L’exposition universelle doit recevoir 25 millions de touristes durant six mois, du 20 octobre 2020 au 10 avril 2021. La construction de 40 000 chambres d’hôtels a été annoncée. Cette grande manifestation internationale deviendra l’épicentre du District 2020, mélangeant zone franche pour des entreprises et espace résidentiel, avec des logements, des hôtels et un centre de conférences international. Le chantier avance, comme a pu le constater Le Moci sur place.
Le contexte d’une concurrence régionale croissante
En s’étendant graduellement aux dépens des espaces désertiques qui l’entourent, Dubaï se renforce ainsi face à une concurrence régionale croissante. L’Arabie saoudite veut se diversifier en se développant y compris dans le tourisme, ce qui explique la baisse des visiteurs saoudiens aux EAU. D’autres pays affichent des ambitions dans le tourisme, à l’instar du sultanat d’Oman.
Présent dans la délégation de Bpifrance, le spécialiste français du conseil et de l’organisation d’évènements (mariages, réceptions haut de gamme…) Grand Luxury Hotel connaît bien le Moyen-Orient où cette société familiale a une clientèle maintenant fidèle. Opérant depuis six mois aux EAU avec un agent, cette entreprise française envisage de créer un bureau sur place.
« Nous étions venus ici pour trouver de nouveaux clients et pour prospecter y compris dans d’autres émirats, comme Sharjah », indiquait Rouslan Lartisien, cofondateur avec son frère Ivan d’un groupe qui compte 8 % de ses clients au Moyen-Orient. Peu implanté encore aux EAU, contrairement, par exemple, à l’Arabie saoudite, ce dirigeant français pense que dans les cinq à quinze ans, Dubaï pourra être concurrencé par Oman. Et ce, même si le sultanat ne développe pas de tourisme de masse.
Le créneau d’Oman serait plutôt le tourisme culturel et l’expérience de la vie locale. « Oman, qui a besoin pour sa croissance de développer le tourisme, prend le contrepied de Dubaï avec un tourisme traditionnel et de la nature », observait Rouslan Lartisien. Oman disposerait d’un climat et d’un environnement plus favorables (montagnes, déserts, côte…). Pour autant, Dubaï, plus ouvert sur l’extérieur, conserverait un avantage certain en termes d’accessibilité et d’infrastructures. Ainsi, la concurrence dans la région se renforce.
De notre envoyé spécial
François Pargny
*B&B Hôtels, Dumas, Ecole supérieure d’hôtellerie de Paris, Epicure, Grand Luxury Hôtel, Les Bains, Louvre Hôtels Group, Oceanis Hôtels, Pais Inn Group, Potel&Chabot
**Les sept émirats des EAU sont Abu Dhabi, Ajman, Dubai, Fujairah, Ras al-Khaimah, Sharjah et Umm al-Quwain
Pour prolonger :
– Émirats arabes unis / Accompagnement : un nouveau centre d’affaires français à Dubaï
– Émirats arabes unis / Formation : Campus France va lancer un réseau d’alumnis
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Et aussi :
– Fiches pays : Emirats Arabes Unis
– Guide business Emirats Arabes Unis 2015