(Cet article a été diffusé en Alerte auprès des abonnés de la Lettre confidentielle le 2 février vers 16 H00)
« Il n’est pas question que les entreprises des Etats-Unis déplacent celles qui ont travaillé avec nous pendant les années passées » a déclaré Rodrigo Malmierca, ministre pour le Commerce extérieur et l’investissement étranger, lors de la rencontre économique France-Cuba, organisée le 2 février par Medef International, à l’occasion de la visite en France de Raul Castro, président du Conseil d’Etat et du Conseil des ministres de Cuba. « Nous voulons diversifier, il n’est pas question de dépendre d’un seul marché » a-t-il précisé.
Ricardo Cabrisas, Vice-président du Conseil de ministres, en charge des Relations économiques internationales, également présent au Medef, a fait état de la volonté de « continuer à renforcer la relation bilatérale » et de l’inscrire dans « une projection à long terme ». Pas de doute, la France est bien un élément clé de cette stratégie de diversification.
Le 1er février, six accords bilatéraux ont été signés au Palais de l’Elysée, dont celui concernant la dette de l’Etat cubain à l’égard de la France (voir la liste à la suite de cet article), le premier accord bilatéral conclu suite au règlement obtenu dans le cadre du Club de Paris, le 12 décembre dernier. La réunion au Medef a permis aux entreprises françaises de bien comprendre les attentes des responsables cubains.
Tourisme et énergies renouvelables
Une véritable « feuille de route » de la coopération bilatérale a été définie. Les Cubains attachent une importance particulière à plusieurs secteurs clés.
Le tourisme, d’abord, puisque le nombre de visiteurs est en augmentation (3,5 millions en 2015) et devrait continuer à progresser avec le retour prévu des touristes américains. Mais Cuba anticipe les possibles dérapages liés à un développement incontrôlé. L’objectif est de valoriser tous les atouts de l’île (culture, patrimoine, etc.), et pas seulement les plages. « Nous voulons promouvoir le tourisme durable » a déclaré Rodrigo Malmierca. Le groupe Accor négocie actuellement un accord d’administration hôtelière.
Autre secteur prioritaire : l’énergie. Les participants ont bien senti l’importance accordée par les autorités à la transformation de la matrice énergétique, excessivement dépendante des combustibles fossiles : les sources renouvelables ne représentent que 4% de la production d’électricité. La biomasse, le solaire et l’éolien sont prioritaires. Fortes de leur expérience dans d’autres pays d’Amérique latine, les entreprises françaises ont une carte à jouer.
En matière d’infrastructures, les besoins sont également importants. Le secteur ferroviaire intéresse Cuba qui, comme l’a rappelé Rodrigo Malmierca, s’est doté d’une 1e ligne de chemin de fer avant l’Espagne. Les besoins portent sur les équipements (locomotives notamment), la maintenance, la sécurité et les services. « C’est un domaine prioritaire et nous voulons travailler avec la France » a-t-il précisé. Un des accords signés le 1er février porte précisément sur le ferroviaire.
L’eau et l’assainissement figurent également dans les secteurs prioritaires retenus par la feuille de route. Les aéroports cubains, et pas seulement celui de La Havane, devront être agrandis et modernisés en raison de l’augmentation des flux touristiques. Rodrigo Malmierca n’a pas écarté un schéma de partenariat public privé (PPP).
L’AFD va s’installer, Coface prolonge la ligne de garantie
Les autres secteurs prioritaires sont : la science, la technologie, l’innovation et l’environnement ; la santé ; et l’agroalimentaire. Les possibilités de business sont d’autant plus importantes que Cuba témoigne d’une réelle volonté d’ouverture aux investissements étrangers. La loi sur les investissements étrangers de 2014 ouvre la quasi-totalité des secteurs de l’économie cubaine aux entreprises étrangères et prévoit plusieurs modalités (investissement à 100%, entreprise mixte, etc.).
La nouvelle Zone spéciale de développement de Mariel (ZEDM) représente une opportunité supplémentaire. Il s’agit d’une zone industrielle établie sur une superficie de 465 km2, destinée à accueillir des projets dans les services logistiques, les biotechnologies et la pharmacie ainsi que les industries de pointe. La ZEDM dispose déjà d’un terminal à conteneurs exploité par le singapourien PSA.
Un régime fiscal spécifique a été mis en place : il prévoit une exemption de l’impôt sur les sociétés pendant dix ans puis un taux de 12% seulement. Ana Teresa Igarza, directrice générale de la ZEDM, a indiqué que les procédures administratives ont été simplifiées avec la création d’un guichet unique et l’engagement de répondre « dans un délai maximum de 65 jours ». Onze projets d’investissement ont été autorisés et les deux premières sociétés françaises (Bouygues Construction et CMA CGM) ont déposé des demandes d’installation.
Dans ce contexte prometteur, les entreprises tricolores vont pouvoir compter sur un atout essentiel : la présence de l’Agence française de développement (AFD). Un des accords signés prévoit l’ouverture d’un bureau de l’AFD à La Havane. Le premier projet pourrait être financé dès cette année. Par ailleurs, la ligne Coface de garantie export pour le compte de l’Etat a été prolongée jusqu’en 2017. La situation financière de Cuba demeure précaire et le soutien de l’Etat représente un appui appréciable et un élément de sécurisation.
Daniel Solano
Les six accords signés
Lors de la visite d’Etat de Raul Castro à Paris, six accords ont été signés entre Cuba et la france.
Le plus important d’entre eux est, sans nul doute, celui relatif au traitement de la dette entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba. Conformément à l’accord multilatéral signé en Club de Paris, le 12 décembre 2015, la France procédera comme les autres créanciers à l’annulation des intérêts de retard (3,7 milliards d’euros), et verra la totalité du principal et des intérêts originels (530 millions d’euros) apurés.
La France a souhaité aller au-delà de l’accord multilatéral en consentant un effort bilatéral additionnel sous forme de conversion de créances, sur environ la moitié des arriérés (212 millions d’euros). Concrètement, cela signifie que la France établira un fonds franco-cubain doté de 212 millions d’euros qui servira à accélérer les projets franco-cubains à Cuba en finançant une part des coûts locaux de ces projets. Les projets appelés à être soutenus seront sélectionnés par l’AFD.
Les autres accords signés sont essentiellement des lettres d’intentions :
–Feuille de route économique conjointe bilatérale entre la République française et la République de Cuba.
-Déclaration d’intention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative à la coopération bilatérale en matière de tourisme.
-Déclaration d’intention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au développement du commerce équitable
-Déclaration d’intention de coopération dans le secteur du transport ferroviaire.
-Déclaration de coopération entre le ministère du Commerce extérieur et de l’investissement étranger et l’Agence française de développement sur les négociations pour l’établissement et les activités de l’AFD dans la République de Cuba.