La livraison par le chantier de Saint Nazaire STX, le 25 mars, du splendide paquebot de croisière « Symphonie of the sea » à son client américain Royal Caribean Cruises Ltd (RCCL) a fait la Une des journaux. Une belle occasion de revenir sur le bilan de la politique publique d’assurance-crédit export (PAC dans le jargon) de la France, qui, pour ne contribuer qu’à une part modeste des exportations françaises – les montants garantis ont représenté 3,9 % du montant des exportations en valeur l’an dernier (supérieure à 473 milliards d’euros) – s’avère néanmoins souvent décisive pour remporter l’adhésion de gros clients privés ou publics sur des contrats stratégiques au plan industriel, grâce aux conditions financières avantageuses qu’elle leur permet d’obtenir.
Un navire comme le « Symphonie », qui peut embarquer 8 000 passagers à son bord, se construit en cinq ans (la commande avait été signée en 2012), coûte 1,2 milliard d’euros (Md EUR) à son acquéreur, et la durée de remboursement des crédits contractés par RCCL va s’étaler sur 12 ans à compter de sa date de livraison le 23 mars : nulle banque commerciale ne se serait engagée a prêter à RCCL sur une aussi longue durée sans une garantie – voire un financement- de l’État français, voire un refinancement qu’apporte désormais la Sfil*.
Les grands contrats dominent en valeur
L’an dernier, à cet égard, la construction navale a généré plusieurs des contrats d’exportation phares soutenus par la PAC avec deux navires des chantiers STX pour le croisiériste MSC, pour plus d’1 Md EUR, suivis de trois autres navires pour la compagnie RCCL pour 2,5 Md EUR. On peut également citer l’extension de la ligne rouge du métro de Dubaï, qui desservira l’Exposition universelle 2020, et enfin les deux premiers avions franco-italiens ATR 72, commandés par la compagnie sénégalaise Air Sénégal. A chaque fois, Bpifrance assurance export, qui gère les garanties export de l’État, a couvert ces deals.
Les ventes d’Airbus sont également un moteur habituel des contrats civils soutenus par la PAC française (et ses équivalentes britanniques et allemandes, notamment), mais ce soutien a été interrompu durant les procédures en cours d’enquête autour de commissions suspectes versées à des intermédiaires déclenchées au Royaume Uni et en France à la suite d’une opération mains propres interne lancée par le constructeur aéronautique en 2015. Dans le cadre des règles de l’OCDE, les agences de crédit export (ECA) publiques, soit Bpifrance assurance export en France, suspendent leurs soutien en cas de soupçon de corruption jusqu’à ce que le problème ait été réglé. Dans le cas d’Airbus, Bpifrance assurance export espère une évolution positive de cette situation cette année.
Quant aux contrats militaires, le détail de leur composition reste un secret bien gardé, mais ils restent un des premiers bénéficiaires de la PAC.
Percée des contrats de PME et ETI
Pour 2017, le bilan de la PAC, instrument plutôt orienté sur les grands contrats d’exportation civils et militaires de l’industrie, a cependant été marqué par une augmentation des encours sur les contrats de PME et ETI, ce qui est plutôt bon signe pour les objectifs de Bercy d’améliorer l’accès à cet outil pour cette catégorie d’entreprise.
Ainsi, les PME / ETI ont représenté 106 des 199 entreprises qui ont bénéficié de cette couverture en 2017, en hausse de 25 %. Ces entreprises sont aussi à l’origine d’une bonne partie de la progression en nombre du total des bénéficiaires (+ 32 % sur 2016 où ils étaient 151). Nul doute que le développement de l’activité de Bpifrance sur les crédits export de petits montants a alimenté cette dynamique.
Autre tendance positive : les montants garantis par l’État ont progressé globalement de 13 %, à 18, 872 Md EUR, mais ceux des PME / ETI ont fait un bond de 155 %, à 2,184 Md EUR. Elles ne représentent toutefois que 11,5 % des montants garantis en 2017, dominés par les grands industriels.
L’encours global, qui atteignait 69 Md d’euros à fin 2017, reste dominé par le secteur militaire (38 %), la construction aéronautique (19 %) et navale (19 %). Par zone géographique, cet encours est assez bien réparti entre l’Amérique (28 %), l’Asie (26 %) et le Proche et Moyen Orient (22 %), le reste du monde représentant un cinquième du total.
Triplement des promesses de garanties
Une tendance positive : les promesses de garanties délivrées en 2017, porteuses des contrats d’exportation de demain, ont plus que triplé pour atteindre 18 Md, après 5 Md en 2016 : l’Asie a été la première zone avec 58 % des promesses, suivie du Proche et Moyen-Orient (21 %), de l’Afrique (11 %) de l’Amérique et de l’Europe (5 % chacune).
Les équipements militaires sont restés le premier secteur bénéficiant de la PAC avec 66 % des flux de promesses contre 34 % pour l’industrie civile, suivi des matériels de transport terrestre et des travaux publics (10 % chacun). Le reste se répartit entre les équipements industriels (4 %), l’aéronautique (2 %), le spatial (1 %), et d’autres non précisés (7 %).
A côté de l’assurance-crédit export, les autres instruments de garantie présentent un bilan 2017 également positif, avec des progressions partout, sauf pour l’assurance-prospection, instrument phare pour les PME, dont l’utilisation s’érode depuis 2014 et dont une nouvelle formule doit être lancée début avril** :
–garanties de change : 358 en 2017 (+ 4,6 %) pour un montant de 623 M EUR (+3,3 %) ;
–cautions : 309 en 2017 (+10 %) pour 575 M EUR (+37 %);
–préfinancements : 250 (+ 18 %) pour 161 M EUR (+18 %).
Enfin, pour l’aide-projet, si les prêts du Trésor ont baissé (4 au lieu de 6 pour 197 M EUR, en baisse de 25 %), les FASEP, des aides financières qui permettent de financer les études et l’ingénierie en amont des projets, ont fortement progressé de 50 %, pour atteindre le nombre de 27 projets et 23,4 M EUR (+ 44 %).
C.G
*Financements / Export : la discrète montée en puissance de la Sfil
** Financements / Export : Bpifrance confirmée comme guichet unique pour la reconquête
*** Crédit export : Bpifrance assurance export veut renforcer sa coopération avec le marché privé
Pour prolonger :
–Conjoncture / Export : les ETI naviguent entre optimisme et crainte du protectionnisme
–Financements / Export : Bercy renforce son arsenal pour doper les exportateurs
–Spécial commerce extérieur : 19 mesures pour réduire le millefeuille et doper les exportateurs