La France fera tout pour accompagner l’Afrique, car l’extension de la pandémie de Covid-19 à ce continent risque de plonger la plupart des 54 pays dans une crise sanitaire et financière sans précédent.
Organisée le 6 avril par Bercy, une réunion à huis clos de suivi de la pandémie en Afrique avait justement pour but de mobiliser l’ensemble des acteurs français, secteur public comme privé, contre la maladie, et de délivrer certains messages.
Premier message de Paris : la solidarité et l’humanitaire
Ainsi, sur le plan sanitaire, c’est la solidarité et l’approche humanitaire qui doivent être développés. Comme les systèmes de santé en Afrique sont défaillants, les Nations Unies doivent apporter leur écot et leurs structures en faveur, par exemple, des populations les plus vulnérables, mais aussi l’Union africaine, les centres de recherche comme les instituts Pasteur et le secteur privé.
C’est ainsi que le Quai d’Orsay a clairement indiqué qu’à côté de la fourniture de médicaments et d’équipements, il soutiendrait, y compris financièrement, toutes les initiatives françaises visant à produire localement.
Le temps presse, même si l’Afrique n’est pas à ce jour le continent le plus touché. « Elle a en gros un moins de retard sur l’Europe », soulignait Axel Baroux, directeur Afrique subsaharienne de Business France, lors d’un wébinaire, organisé par l’agence, le 3 avril.
Reste que la France craint d’être confrontée à un nouveau front, avec le risque d’une remontée de la pandémie provenant d’Afrique.
L’intérêt de l’Europe et de l’Afrique sont donc liés. Paris cherche à rassurer les capitales africaines les plus inquiètes et assure les autres de son plein soutien et de son engagement.
Le 2 avril, le Conseil d’administration de l‘Agence française de développement (AFD) a ainsi entériné l’initiative Covid 19 – Santé en commun, visant à la fois à « répondre immédiatement aux enjeux sanitaires de court terme mais aussi commencer à préparer l’après crise », d’après un communiqué de presse de l’AFD, en date du 9 avril (voir fichier joint). « Les principaux pays bénéficiaires de cette initiative seront les 19 pays prioritaires de l’aide française en Afrique, dans les bassins océaniques (Madagascar, Comores, Haïti) ainsi qu’au Proche Orient », précise l’agence. L’enveloppe retenue s’élève à 1,15 milliard d’euros, dont 150 millions de dons et 1 milliard pour répondre aux enjeux de court terme des pays ou des banques publiques de développement partenaires de l’AFD.
Deuxième message : empêcher une crise financière
Autre risque à éviter, celui de la crise financière, dont ne se relèveraient pas des États aux structures faibles, économiquement, politiquement, socialement, selon les cas. Comme la dette publique des pays africains risque d’exploser, l’idée d’un moratoire pour le continent fait son chemin.
Lors du wébinaire de Business France, Marie Lebec, députée La République en marche (LREM) des Yvelines, a rappelé que Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances, plaide auprès du G20 pour « des aides massives aux pays en développement » et « un moratoire sur la dette ».
Aujourd’hui, le coronavirus a causé officiellement environ 300 décès en Afrique, le plus touché étant l’Afrique du Sud. Présidente du groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire de l’Assemblée nationale, Marie Lebec a indiqué que le pic de l’épidémie dans ce pays serait atteint en mai.
La députée a incité aussi les entreprises françaises « à continuer à y investir et à accompagner les pouvoirs publics ». Malgré le confinement quasi général, total comme en Afrique du Sud ou progressif, en dépit également des fermetures de frontières aux passagers, Axel Baroux, basé à Johannesburg, a estimé essentiel, pour assurer l’avenir, d’entretenir « des contacts réguliers avec ses partenaires locaux, clients privés et autorités publiques ».
La fermeture des liaisons aériennes vers l’Europe a pu créer une certaine panique chez les résidents français. Reste que les vols commerciaux sont ouverts sur Johannesburg et Addis-Abeba. Par ailleurs, selon Axel Baroux, les ports fonctionnent « en mode dégradé », tout comme le transport terrestre, « avec des contrôles ».
Les économies bousculées
D’après le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, 20 millions d’emplois seraient menacés par la crise du Covid-19 en Afrique.
Les prévisions de croissance économique ont évidemment volé en éclats. On serait passé d’un taux annuel estimé de 3,5 % avant la crise à 1,8 % selon les Nations Unies et même 1,1 %, d’après l’Union africaine. Avec, en plus, des situations graves pour certains États : récession pour l’Afrique du Sud, division par deux au Kenya, écroulement de l’activité pour les nations dépendantes du pétrole (Nigeria, Angola…).
Le prix du baril a dévissé, passant de 70 dollars à 25 la semaine dernière, mettant le feu aux budgets nationaux des pays producteurs.
Au Nigeria, la monnaie nationale, le naira, s’est effondrée, entraînant une crise de la balance des paiements. Le tourisme est aussi impacté par la crise sanitaire. Les transferts d’argent de la diaspora diminuent. A l’inverse, les primes de risques augmentent, ce qui rend indispensable une coordination des banques régionales et un recours aux institutions internationales (G7, G20, FMI).
Dans son combat pour l’Afrique, Paris dispose encore d’un atout dans sa manche : le Sommet Afrique-France. Certes, cet évènement à vocation économique est annulé et reporté, d’après les organisateurs, à 2021. Mais le thème choisi, la ville durable, reste plus que jamais d’actualité. Déjà certains en coulisses s’agitent pour maintenir ce thème ayant trait au bien être des populations. La France y démontrant aussi de grands savoir-faire, il devrait faire consensus.
François Pargny