Pour Abidjan, c’est un succès incontestable. En récoltant des promesses de dons et de prêts de 15,4 millions de dollars auprès des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux, à Paris le 17 mai, Abidjan va pouvoir alimenter son plan national de développement pour la période 2016-2020, comportant 182 projets*.
« Bon… c’est un peu la planification à la soviétique, et il faudra voir ce qui sera effectivement financé, mais ce qui est intéressant, c’est l’appel important au secteur privé », relevait un fonctionnaire familier de la Côte d’Ivoire, en consultant le document distribué, intitulé « Cap sur l’émergence pour une croissance partagée ». « A noter que beaucoup de projets privés se feront dans le cadre de partenariats privé-public », précisait l’économiste d’une banque. Mais le plus important, selon les deux interlocuteurs de la Lettre confidentielle, c’est que la nation phare de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa, 35 à 40 % du PIB régional) va devoir améliorer un environnement jugé déficient par nombre d’hommes d’affaires se plaignant de la justice et de la corruption.
« Jusqu’à présent, confiaient-ils à la LC, avec son potentiel élevé dans la région, sa belle croissance économique – 9 % pendant plusieurs années – la Côte d’Ivoire n’a pas ressenti la corruption comme un véritable frein. Mais maintenant, si la Côte d’Ivoire veut attirer des gros investissements, il va lui falloir améliorer absolument la productivité, ce qui nécessitera d’autres comportements des gouvernants et de l’Administration, une gestion beaucoup plus fine des finances, une meilleure récolte en matière fiscale ».
L’UE « met les pieds dans le plat »
Si chacun est persuadé que la patrie du président Ouattara doit engager une véritable mue pour atteindre l’émergence – en 2020, selon les vœux du chef de l’Etat ! – les bailleurs de fonds réunis à Paris se sont montrés fort discrets quand il s’agissait de parler de bonne gouvernance. De façon claire, en dehors de l’Union européenne (UE), aucun n’a abordé la question sensible de la corruption qui sévit dans le pays.
Ainsi, pendant la cérémonie d’ouverture, le directeur Afrique de l’Ouest à la direction générale de la Coopération internationale et du développement (Devco) de la Commission européenne, Didier Verset, a-t-il cité parmi les priorités « l’amélioration du climat des affaires, la lutte contre la corruption, la gestion financière ». De même, lors de la session suivante consacrée à « la vision du développement et aux priorités sectorielles », l’ambassadeur de l’UE en Côte d’Ivoire Jean-François Valette, a-t-il répété, dans un discours assez long et incisif, qu’il était indispensable de « renforcer l’Etat de droit, la justice et la lutte contre la corruption ».
Quel scénario pour l’après-Ouattara
Dans les couloirs de la Banque mondiale, dont le bureau parisien abritait la réunion du 17 mai, en privé, chacun s’interrogeait sur l’après-Ouattara. Le président ne se représentera pas, sauf surprise, en 2020 et un scénario catastrophe ne peut pas être exclu.
Les familiers de la patrie de Félix Houphouët-Boigny se souviennent des luttes de clans qui ont peu à peu émergé à la mort du père de l’indépendance, le 7 décembre 1993, débouchant finalement des années plus tard sur une guerre civile meurtrière. La réconciliation « est en bonne voie, mais fragile. Ce n’est pas en quatre ans que l’on peut réduire des fractures maintenant anciennes, qui datent même pour certaines d’avant la guerre civile », expliquait à la LC un homme d’affaires africain. « L’idéal, selon un autre interlocuteur, celui-ci européen, serait qu’une nouvelle génération, entre 40 et 50 ans et plus technicienne, impulse un nouvel état d’esprit ». Entre ces deux pics, tout peut arriver.
François Pargny
Pour prolonger :
– Guide business Côte d’Ivoire 2016
– Dossier spécial : travailler avec l’Afrique
– Côte d’Ivoire : la Chine offre un stade « olympique » pour la CAN-2021
– Rapport Afrique Cian 2016 – Les entreprises et l’Afrique
– Guide business Égypte