Jusque là très critiquée pour la faiblesse de son dispositif anti-corruption, la France a fait cette année meilleure figure au Forum anti-corruption et Intégrité 2017 organisé par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) à Paris les 30 et 31 mars derniers. Il est vrai que dans cet exercice annuel de comparaison internationale des bonnes pratiques, les débuts de la nouvelle loi Sapin 2 ont permis à l’Hexagone de mettre en valeur ses progrès depuis l’an dernier.
Ce sont les entreprises elles-mêmes qui ont encouragé l’élaboration d’un cadre juridique plus contraignant. Et pour cause : bien que la France ait légiféré en 1994 contre la corruption, peu a été fait concrètement, au point qu’en 2012, l’OCDE a vivement critiqué les pratiques françaises. Jusqu’en 2016, il n’y a eu aucune condamnation sur le territoire national de société française impliquée dans une affaire de corruption internationale. Cela a incité les autorités américaines à s’en charger, au moyen d’enquêtes fouillées. Résultat : en 2014, les Etats-Unis ont imposé une amende de 772 millions de dollars à Alstom pour avoir enfreint le Foreign Corrupt Practises Act. A des degrés moindres, Total, Technip et BNP Paribas, ont également été lourdement condamnés.
La nouvelle Agence française anticorruption
Le nouvel arsenal de la loi Sapin 2 adoptée en novembre 2016 a notamment créé une nouvelle infraction « le trafic d’influence d’agent public étranger » qui s’applique également aux entreprises étrangères ayant une partie de leur activité en France pour des actes de corruption à l’étranger.
Surtout, une nouvelle « Agence française anticorruption » (AFA) est née, qui est chargée de contrôler la mise en place de programmes anti-corruption dans les entreprises dépassant 500 salariés et au chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. Inaugurée le 23 mars dernier, elle est dirigée par Charles Duchaine, ancien juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Marseille qui entreprend actuellement la délicate tâche de recruter 70 agents spécialisés.
Et depuis fin mars, une nouvelle loi sur le « devoir de vigilance des entreprises donneuses d’ordre » complète le dispositif. Bien qu’elle ne porte pas directement sur la corruption, elle vise à contraindre les entreprises à identifier et prévenir les risques d’atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement résultant de l’activité des sociétés qu’elles contrôlent, ainsi que celles de leurs sous-traitants et fournisseurs, y compris à l’international.
Les experts présents au Forum de l’OCDE ont toutefois tous noté que les standards d’application constituent une grande inconnue : « nous travaillons sur des règles qui vont être appliquées sur le terrain à différents environnements et cultures », a souligné Christian Dargham, avocat partenaire chez Norton Rose Fulbright. Louise Delahunty, une experte de la criminalité financière, partenaire chez Cooley (Royaume Uni), a, de son côté, noté des lacunes persistantes dans le dispositif international : « j’ai de grandes inquiétudes au sujet des aspects transfrontaliers et des différents standards selon les juridictions, car cela demeure un problème majeur pour les sociétés internationales ».
Laurence Soustras
Pour prolonger :
Notre dernier Dossier Etats-Unis 2017 : l’extraterritorialité des législations américaines
Pour en savoir plus :
– Loi Sapin 2 :https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do?idDocument=JORFDOLE000032319792&type=general&legislature=14
– Loi sur le « devoir de vigilance des entreprises donneuses d’ordre » :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do;jsessionid=3594FD1CA3FFBC38037C6B1C4620ED44.tpdila19v_3?idDocument=JORFDOLE000030421923&type=general&typeLoi=prop&legislature=14
– Les travaux de l’OCDE :
www.oecd.org/corruption/liability-of-legal-persons-for-foreign-bribery-stocktaking-report.htm
– La Convention anti-corruption de l’OCDE: www.oecd.org/corruption/oecdantibriberyconvention.htm