Face à la pandémie Covid-19 liée au coronavirus, la Commission a annoncé, dimanche 15 mars, qu’elle limitait les exportations de masques et d’autres équipements médicaux de protection, afin de garantir l’approvisionnement de l’Union européenne (UE).
Une décision annoncée via une vidéo de Ursula Von Der Leyen, la présidente de l’exécutif, postée le même jour sur Twitter. « Nous avons adopté aujourd’hui un système d’autorisation d’exportation pour ces équipements. Cela veut dire que ces exportations hors de l’Union européenne devront être autorisées par les gouvernements de l’Union européenne ».
La mesure a été adoptée par procédure d’urgence et restera en vigueur pour une période de six semaines, après quoi elle « cessera automatiquement de s’appliquer », peut-on lire dans le Journal officiel de l’UE (JOUE) où le règlement a été publié en date du 14 mars *. Outre les masques, les lunettes de protection, les visières, les écrans faciaux, les équipements de protection bucco-nasale, les gants ainsi que les vêtements de protection, sont visés par la décision de Bruxelles.
Resserrer les rangs d’une Union dispersée
Critiqué pour son attentisme – jusqu’à l’organisation, la semaine passée d’une réunion des Vingt-sept par visioconférence, à l’initiative de la France -, l’exécutif européen semble désormais bien décidé à occuper le terrain qui est le sien.
« C’est vrai que l’UE n’a que peu de compétences en matière de santé publique, mais c’est le rôle de la Commission de veiller à ce que les décisions des États membres soient le mieux coordonnées possibles », confiait au Moci un diplomate français qui, à l’instar de Paris, estime que Ursula Von Der Leyen a trop tardé à réagir pour resserrer les rangs d’une Union plus dispersée que jamais.
La guerre des masques entre plusieurs pays du bloc en est la triste illustration. Confrontée à une pénurie de masques de protection, l’Italie s’est d’abord tournée vers Paris et Berlin mais sans succès. Une ordonnance d’interdiction d’exportation en Allemagne et un décret de réquisition en France ont justifié le refus des autorités des deux pays. « Seule la Chine a répondu », a déploré le représentant permanent de l’Italie à Bruxelles dans une tribune – très commentée – sur le site politico.eu. Tout un symbole.
Garantir la disponibilité et la circulation des équipements au sein de l’UE
L’intervention de Thierry Breton au cours du week-end passé a fini par payer. Le commissaire en charge du Marché intérieur et de l’industrie a annoncé, dimanche 15 mars, que l’Allemagne et la France s’étaient accordés pour autoriser les exportations de matériel médical, en particulier vers l’Italie, le pays européen le plus touché par l’épidémie.
« Aucun pays ne peut produire seul tout ce dont il a besoin. Aujourd’hui, c’est l’Italie qui a besoin rapidement de grandes quantités de tels produits médicaux mais, dans quelques semaines, ce seront d’autres pays », a rappelé Ursula Von der Leyen dans la courte vidéo publiée sur Twitter.
Pour favoriser une meilleure coordination à l’échelle de l’UE, la Commission a adopté une approche qui s’articule autour de trois axes. Au-delà de la limitation d’exportation décidée à la fin du week-end, afin de maintenir au sein du bloc les équipements nécessaires, l’exécutif s’efforcera aussi « de faire en sorte que les biens continuent à circuler dans toute l’Europe afin que nous puissions partager ces équipements », souligne un communiqué.
Thierry Breton, de son côté, a été chargé de favoriser une meilleure collaboration entre les industriels du secteur pour augmenter la production des équipements de protection destinés avant tout au personnel hospitalier.
Parallèlement, l’ex-ministre français a également lancé une procédure d’achats groupés de masques de protection pour vingt États membres. Lundi 16 mars, il entamait une démarche similaire pour augmenter les stocks de tests de dépistage et d’équipements respiratoires.
Des voies rapides aux frontières réservées au transport de marchandises
Autre priorité de Bruxelles : s’assurer que ces équipements et les médicaments puissent parvenir aux médecins et aux patients sans entrave. Les chaînes d’approvisionnement des usines qui les fabriquent ne devront dès lors pas être rompues. Une façon aussi d’éviter une pénurie alimentaire au sein du bloc.
Mais les mesures prises unilatéralement par les États membres, qui ont tour à tour annoncé la fermeture de leurs frontières, font peser une menace sur le marché unique. Les files d’attente déjà observées entre l’Italie et l’Autriche ou entre la Pologne et l’Allemagne, pour ne citer que ces deux exemples, témoignent des difficultés actuelles pour maintenir la fluidité des échanges au sein du bloc.
« Des milliers de conducteurs de camions et de bus sont coincés aux frontières intérieures créant de nouveaux risques sanitaires et bloquant nos chaines de distribution », a mis en garde Ursula von der Leyen.
Après avoir prôné en vain des mesures proportionnées et, surtout coordonnées, afin d’éviter le chaos, la Commission s’est donc résolue à demander aux États membres concernés de mettre en place un système de voies rapides pour les transporteurs afin de leur éviter des attentes interminables. Au bout du compte, il s’agit aussi, pour Bruxelles, de préserver autant que possible l’intégrité du marché unique et la survie de l’espace Schengen, déjà mis à mal, au cours de ces dernières années, par les attentats terroristes et la crise des migrants.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:L:2020:077I:FULL&from=EN