Cet article a été mis à jour le 4 mars à 13H15.
En raison du coronavirus, en quelques jours, la Foire de Hanovre et le salon Global Industrie, deux grands événements de la planète Industrie en Europe, ont annoncé le report de leur édition 2020. Le premier, initialement prévu du 20 au 24 avril, se déroulera ainsi du 13 au 17 juillet, alors que Global Industrie se tiendra du 9 au 12 juin au parc d’expositions de Paris Le Bourget.
En Allemagne, la pression était si forte que Deutsche Messe AG a avancé sa décision pour maintenir ou reporter la manifestation. Le 27 février, Basilios Triantafillos (notre photo), directeur à la Foire de Hanovre, était encore à Paris pour promouvoir l’édition 2020 sur le thème de la « transformation industrielle ». A l’occasion d’une conférence de presse, ce responsable confiait qu’une décision ne serait pas prise avant la mi-mars. Il précisait alors que « la sécurité » des visiteurs comme des exposants et des employés de l’organisateur était « la priorité absolue »
200 000, un nombre de visiteurs astronomique
C’est un coup dur pour la ville de Hanovre et l’économie allemande, même si la Foire est un événement incontournable pour nombre de professionnels qui devront s’y rendre. Qualifiée de toute part de « Mecque de l’industrie », la Foire de Hanovre doit drainer plus de 6 000 exposants de 70 pays, dont les plus grands noms, d’ABB à Yaskawa, en passant par Amazon Web Services, Bosch Rexroth, Cisco, IBM, Siemens et Schneider Electric.
Le nombre de visiteurs est aussi astronomique. Avec 200 000 professionnels parcourant les allées du parc d’exposition pendant quatre jours, le risque de contamination au coronavirus ne pouvait être ignoré.
Il y a une semaine, aucune annulation n’avait été officiellement enregistrée. On se souvient que c’est le renoncement des grands groupes à participer au Mobile World Congress, pour cause de coronavirus, qui a obligé les organisateurs à annuler la grande messe internationale de la téléphonie mobile (110 000 visiteurs, 2 800 exposants) à Barcelone du 24 au 27 février. Depuis, une série de salons s’est ajoutée à la liste des reports : ProWein à Düsseldorf, les salons internationaux du tourisme ITB à Berlin et de l’outillage et le quincaillerie Einsenwarenmesse à Cologne, Light and Building à Francfort, le Salon de l’horlogerie et la bijouterie à Bâle, le Mipim à Cannes, le SITL à Paris, Vinexpo Hong Kong, le Salon de l’élevage Viv MEA à Abu Dhabi, etc.
Un salon de tendances mondial
Comme les Européens, les Chinois étaient attendus à Hanovre. Épicentre de l’épidémie, la Chine tourne au ralenti. Si l’activité reprend progressivement, la circulation des hommes et des marchandises est toujours limitée.
Six fois plus nombreux que les Français, les 600 exposants chinois au rendez-vous de Hanovre y sont généralement alignés avec de petits stands. Une sorte de muraille qui laisserait un vide considérable en cas d’absence. En ce qui concerne les visiteurs étrangers, les plus nombreux l’an dernier étaient les Néerlandais, devant les Suédois et les Français.
Pour les industriels du monde entier, le rendez-vous annuel d’Hanovre est incontournable tant pour découvrir de nouveaux marchés que de s’informer des nouvelles tendances. Depuis le lancement de la stratégie allemande Industrie 4.0 en 2011, la Foire de Hanovre accompagne la mutation de l’industrie mondiale en réservant des halls à la digitalisation de la chaine de production et l’efficacité environnementale.
Cette année, la transformation digitale en entreprise est mise au centre des préoccupations. Il s’agit de montrer les différentes interactions qui existent avec l’automatisation, l’énergie, les plateformes d’information, la logistique et l’intelligence artificielle (IA).
Pour la première fois, il est prévu d’y faire le lien entre l’industrie et la 5G, un focus sera aussi réservé à l’hydrogène et la pile à combustion. Enfin, le Sommet mondial de la fabrication et de l’industrialisation (GMIS), après Ekaterinbourg (Russie) en 2019, doit être organisé pendant la Foire internationale de Hanovre, les 20 et 21 avril.
Business France, un pied dans l’hydrogène
Pour les professionnels de l’Hexagone, le report de la manifestation leader dans le monde est aussi un coup dur. Accompagnées par Business France, une quarantaine d’entreprises françaises du Big Data, de l’IA, du Control & Monitoring, de l’impression 3 D, de l’efficacité énergétique et des technologies hydrogènes devaient exposer sur le hall 15 Digital Ecosystems et le hall 27 consacré au stockage de l’hydrogène et la gestion de l’énergie (au total, 350 m2).
« Les entreprises françaises ont une coopération historique avec l’Allemagne et, notamment pour les PME, la Foire leur est particulièrement utile pour se bâtir un réseau international », expliquait Nicolas Sestier, chef de service Activité export industrie à Business France.
Le pavillon France devait accueillir pour la première fois l’Institut Mines-Télécom (IMT). L’IMT avait prévu de présenter, d’une part, l’Académie franco-allemande pour l’Industrie du futur qu’il a fondé avec l’Université Technique de Munich (TUM), avec le soutien des gouvernements français et allemands en 2015, et, d’autre part, sa plateforme technologique collaborative TeraLab, spécialisée en intelligence artificielle et sciences de la donnée.
Avant 2016, Business France accompagnait des entreprises sur le hall Sous-traitance. Le nombre de spécialistes de l’Hexagone s’étant réduit, depuis cette date, Business France a réorienté sa contribution, sous le chapeau de la French Fab, en direction du hall Digital Ecosystems. Quant à la présence d’un collectif sur le hall Hydrogène, c’est une nouveauté.
Les Régions Hauts-de-France et Sud et la banque publique d’investissement Bpifrance, déjà exposantes lors de la dernière édition, ont renouvelé leur présence sur le hall 15 tandis que la Région Bourgogne-Franche-Comté, labellisée Territoire Hydrogène avec le programme régional ENRgHy, devait être présente sur le hall 27.
« Le hall Hydrogène ne sera pas seulement orienté vers le transport, mais aussi on pense à d’autres usages, avec d’autres partenaires ou clients, comme les municipalités », a précisé Nicolas Sestier. Le 22 avril, sur le hall 27, un événement de networking franco-allemand devait être organisé en partenariat avec l’Association française pour l’hydrogène et la pile à combustible (Afhypac).
Les ambitions du Grand Est
Dans le hall 15, les entreprises de la Région Sud devaient être pilotées par le Pôle SCS, pôle de compétitivité européen dédié aux technologies numériques, qui regroupe des startup, des PME innovantes et des groupes du numérique avec des solutions dans l’Internet des objets (IoT), le Big Data, l’IA, la sécurité numérique et la microélectronique.
Les Régions françaises peuvent accompagner leurs entreprises indépendamment de Business France. Ainsi, il était prévu que 14 sociétés du Grand Est, région naturellement tournée vers l’Allemagne, exposent dans le hall 14 Digital Platforms / Cloud & Infrastructure / IT Consulting. « La Région a dégagé une enveloppe de 250 000 euros », indiquait Lilla Mérabet, sa vice-présidente en charge de la Compétitivité, l’innovation et le digital.
L’idée, selon l’élue régionale, était « de prendre les différentes briques disponibles », de « voir si des coopérations sont possibles pour offrir des solutions » et « répondre à des appels d’offres et des demandes de sous-traitance ». D’où l’objectif à Hanovre de présenter « une mini-chaîne de production ».
L’implication de Bpifrance
Cette année, Business France avait été retenu par appel d’offres par Bpifrance pour accompagner des entreprises françaises à la Foire de Hanovre. « Ce grand rendez-vous en Allemagne est complexe, il est bien d’être accompagné. Nous allons ainsi aider nos sociétés à décrypter les tendances. Ce qui signifie la tenue de briefings, débriefings le soir avec des experts », insistait Marie-Albane Prieur, responsable des Financements internationaux de Bpifrance. L’idée, ajoutait-elle, « est que, dans le cadre d’un learning expedition, une PME en région puisse dire j’ai ma place à l’international ».
Les experts sont sélectionnés de concert par la banque et l’agence publiques. « Ils doivent être dans une proximité, avoir une connaissance pratique de l’entreprise », a précisé Marie-Albane Prieur. Selon Nicolas Sestier, il faut encore qu’ils possèdent « une connaissance terrain de l’Allemagne » et de « la transformation digitale dans les sociétés allemandes ».
Un petit-déjeuner franco-indonésien
Enfin, à l’occasion des 70 ans des relations diplomatiques entre la France et l’Indonésie, Business France voulait organiser un petit-déjeuner sur les opportunités franco-indonésiennes, le 23 avril.
Après avoir choisi comme invité d’honneur en 2018 un pays émergent, le Mexique, puis une économie développée en 2019, la Suède, Deutsche Messe AG avait alterné à nouveau cette année avec une nation en voie de développement, l’Indonésie. « Une nation friande de l’industrie 4.0 », s’est félicité Basilios Triantafillos, le 27 février.
Sous la double bannière « Making Indonesia 4.0 » et « Connect to Accelerate » 170 entreprises indonésiennes devaient exposer sur une superficie globale de 3 000 m2. « Notre stratégie se concentre sur cinq domaines, détaillait l’ambassadeur d’Indonésie en France, Arrmanatha Christiawan Nasir : automobile, électronique, aliments et boissons, textile et chimie ».
D’ici 2025, par exemple, il est prévu dans ce pays, dont le secteur industriel représente déjà 40 % du PIB, que les voitures électriques constituent 20 % de la production totale. Le président Joko Wikodo et la chancelière de la République d’Allemagne Angela Merkel devaient ainsi inaugurer ensemble la manifestation, le 20 avril.
Le soutien de l’État français à Global Industrie
D’année en année, la participation française, si elle ne faiblit pas, n’augmente pas non plus. La raison n’en serait pas le manque d’espace disponible, mais la tenue, trois semaines avant la grande messe de l’industrie en Allemagne, du salon Global Industrie (Porte de Versailles, initialement prévu du 31 mars au 3 avril à l’origine, qui vient d’être reporté pour cause de coronavirus du 9 au 12 juin). Organisé alternativement à Paris et à Lyon par le géant de l’évènementiel GL Events, Global Industrie a reçu en 2019 45 860 visiteurs et 2 500 exposants de 20 nations.
Inauguré à sa création en janvier 2018 par Emmanuel Macron avec ambition d’être un Hannover Messe à la française, ce regroupement de plusieurs salons, petits, spécialisés et parfois en difficulté (Midest/sous-traitance industrielle, Smart Industries/industrie connectée, collaborative et efficiente, Industrie/technologies et équipements de production, Tolexpo/solutions et équipements pour la tôlerie) était poussé par l’État, qui y voyait un moyen d’encourager la réindustrialisastion du territoire national.
Certains milieux économiques, en France et en Allemagne, se déclarent agacés que GL Events persiste à organiser son salon juste avant la Foire de Hanovre. Le déplacer, selon eux, ne nuirait en rien à Global Industrie, alors que la tenue de ce salon aujourd’hui incite certaines PMI de l’Hexagone à faire l’impasse sur la Foire de Hanovre. A leurs dépens et aux dépens de l’industrie française.
Par ailleurs, Deutsche Messe AG aurait proposé à la France d’être le pays invité d’honneur de la Foire internationale de Hanovre en 2021. Une proposition qui aurait été rejetée. Mais à Hanovre on minimise, estimant que la France pourra très bien être invitée d’honneur en 2023.
François Pargny