Édouard Philippe a confirmé le 7 février, à l’ouverture du Salon des entrepreneurs de Paris, qu’il dévoilerait bien le 23 février prochain les détails du plan de soutien à l’export que son gouvernement entend mettre en œuvre pour augmenter le nombre d’entreprises exportatrices et contribuer à redresser le commerce extérieur. Une urgence face à la forte dégradation du déficit commercial qu’ont révélé hier les chiffres du bilan 2017 présenté par Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. En particulier, cette inquiétante hausse de 18,7 % du déficit des échanges de biens hors énergie (-41,2 Mds EUR), alors que le nombre d’exportateurs est stable à un peu plus de 124 000.
Pour cette première présentation du bilan annuel du commerce extérieur du quinquennat Macron, tenu jusqu’au 23 février de s’en tenir au strict minimum jusqu’à cette échéance très attendue dans l’écosystème du commerce extérieur français –où il se murmure d’ailleurs que la date de l’annonce du Premier ministre pourrait encore bouger- le secrétaire d’État n’a pu que répéter aux journalistes présents à sa présentation, le 7 février au Quai d’Orsay, les orientations générales de la refonte du dispositif public de soutien à l’export qu’il avait déjà évoquées dans ses interventions publiques.
« On doit faire plus que prendre juste la part qui pourrait nous revenir automatiquement »
Le nouveau « service public du soutien à l’export » ne laissera plus de place aux « querelles de chapelle »… « On ne peut pas rester les bras ballants, on doit faire plus que prendre juste la part qui pourrait nous revenir automatiquement, a insisté Jean-Baptiste Lemoyne au cours de la séance des questions-réponses. Il faut aller à l’offensive, créer une véritable Équipe de France à l’export ». La réforme en cours vise donc à créer un système de soutien « efficace, opérationnel, depuis nos territoires et jusqu’à l’international », avec davantage « de fluidité et de simplicité ».
La cohérence avec le chantier de la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) que le ministre de l’Économie et des finances Bruno Lemaire prépare de son côté ? « Tout ce qui est dans le Pacte n’a pas forcément une portée législative, a observé le secrétaire d’État. Beaucoup relève de la volonté de changer les process ».
Si le terme « guichet unique » n’a pas été repris par le secrétaire d’État, celui-ci a indiqué que les simples conventions de partenariat comme celles qui avaient été signées entre Business France et les réseaux consulaires en France et à l’étranger en mars 2015 « ne sont plus à l’échelle ». Il y aura « un partage », qui inclura des transferts de personnels entre les différents organismes, et à l’étranger, une nouvelle répartition des implantations de Business France.
Les présidents des conseils régionaux « ont bien accueilli l’idée d’un travail plus fluide entre Business France et les Régions »
Quid du rôle des Régions, qui ont un rôle clé sur les territoires en temps que pilote de la politique de développement économique mais ont chacune des spécificités en matière de tissu économique et d’organisation à l’export ?
Jean-Baptiste Lemoyne, qui a participé aux réunions de travail initiées par le patron du Quai d’Orsay Jean-Yves Le Drian, notamment en décembre dernier, pour proposer aux Régions de promouvoir des « guichets uniques » de l’accompagnement export en partenariat avec l’État, n’a pas été très précis sur ce point bien qu’Hervé Morin, président de l’Association Régions de France (ARF), ait récemment parlé d’un véritable « accord» État / Régions sur ce sujet**.
« Le travail conduit avec les président des conseils régionaux, le président de l’Association Régions de France, est très fluide » a-t-il souligné. « Ils ont bien accueilli l’idée d’un travail plus fluide entre Business France et les Régions ». Et d’insister : « Elles font pleinement partie de cette Équipe de France ».
Nicolas Dufourcq et les « cathédrales industrielles »
Cette réforme annoncée du dispositif de soutien à l’export, qui devrait s’accompagner d’un volet financier en cours de préparation chez Bpifrance, si elle est très attendue, ne sera toutefois pas suffisante pour redresser durablement la barre du commerce extérieur, tâche de longue haleine qui passe par des réformes plus globales visant à améliorer la compétitivité de l’appareil productif, sa modernisation et l’innovation.
Une réalité qui semble désormais bien assimilée au sein de l’écosystème du commerce extérieur français et jusqu’au plus haut niveau de l’État, où les grandes déclarations ambitieuses– on se souvient de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault fixant comme objectif à son gouvernement d’éliminer le déficit commercial hors énergie sous le quinquennat de François Hollande…- ont disparu des discours.
A cet égard, la réponse apportée par Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, à un journaliste lui demandant ce que pouvait faire la banque publique pour lutter contre le déficit du commerce extérieur lors de la présentation de ses résultats le 1er février dernier***, est significative. Faire « un harcèlement permanent de nos entrepreneurs pour qu’ils aillent à l’international » avait-il répondu, ajoutant que « c’est comme cela aussi qu’ils recruteront de nouveaux talents », en leur proposant des perspectives plus stimulantes.
Mais à supposer que cette stratégie réussisse à terme, « cela changera toute la culture économique du pays » mais « cela ne changera que marginalement les chiffres du commerce extérieur ». Pour le patron de Bpifrance, un redressement massif du commerce extérieur passera par les grands groupes, et l’émergence de « nouvelles cathédrales industrielles », ces grandes usines dont disposent des groupes comme Sanofi ou STMicroelectronics sur le territoire français, dont plus de 90 % de la production part à l’export.
Selon les dernières statistiques de la douane, sur les 124 057 exportateurs de biens recensés en 2017, 95 % sont des PME et TPE. Si leurs exportations ont progressé de 3,7 %, leur turnover reste important puisque 23 % de celles recensées en 2016 n’existent plus en 2017. Le nombre d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) progresse de 0,6 %, portant leur part en nombre à 4,3 %, et les montants qu’elles exportent de 6 %, à 35 % du total des exportations. Ce sont en majorité des filiales de grands groupes. Quant au grandes entreprises, elles progressent en nombre (+1 %) mais ne représentent que 0,4 % du total ; leurs exportations ont progressé de 4 % pour représenter 51,8 % du total.
Le chemin sera long.
Christine Gilguy
*Commerce extérieur : le plongeon du déficit des biens plombe le bilan 2017
**Régions / Export : H. Morin préfère la méthode Le Drian à celle de B. Le Maire
***Finance / Export : Bpifrance poursuit sa construction d’une « banque publique de l’export »
Pour prolonger :
Lire notre dernier dossier paru fin novembre 2017 dans un numéro spécial du Moci (2048-2049) : 200 000 exportateurs en 2022, enquête sur un défi français
Et aussi
-Aides à l’export : Ch. Lecourtier précise aux sénateurs ses propositions
–Accompagnement / Export : les propositions du rapport Lecourtier pour la refonte du dispositif