Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée dès le 9 décembre en fin de journée auprès des abonnés de la Lettre confidentielle.
Matthias Fekl a tenu parole : comme il s’y était engagé le 11 mars dernier en dévoilant son plan d’action*, et à quelque jours de la réunion ministérielle de l’OMC à Nairobi, où il doit se rendre le 14 décembre, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l’étranger a présenté dans la matinée du 9 décembre, aux députés membres des Commissions des Affaires étrangères et des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, le tout premier rapport gouvernemental sur la « stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne ». Un document de 100 pages, que les députés ont reçu le 4 décembre, juste avant le choc du premier tour des élections régionales, mais dont la publication, en pleine COP 21 et alors que la montée du Front national alimente la Une des médias, a été reléguée au second plan de l’actualité.
Pourtant, c’est une première qui fera date dans l’histoire de l’écosystème du commerce extérieur français, surtout si le dit rapport n’est que le premier d’une longue série. Précédé d’un« éditorial » de Matthias Fekl qui met en exergue les grandes orientations, le rapport est divisé en deux grandes parties : la première est consacrée au « redressement du commerce extérieur de la France, une priorité du gouvernement » dans laquelle on retrouve l’état des lieux, l’analyse des causes de la dégradation du solde commercial depuis 2002, et la présentation des réformes et stratégies mises en œuvre par le gouvernement; la deuxième partie, consacrée à la « France et la politique commerciale commune », passe en revue la politique européenne et les positions françaises sur ces sujets.
« Pour la première fois, un document d’ensemble dresse un état des lieux précis et présente les axes stratégiques qui guident l’action du gouvernement», avance le secrétaire d’État dans l’éditorial qui ouvre le rapport. De fait, si les ministres et secrétaires d’État au Commerce extérieur se sont toujours exprimés régulièrement devant les parlementaires – six fois pour ce qui concerne Matthias Fekl depuis sa nomination-, le commerce extérieur et la politique commerciale européenne et multilatérale n’a jamais fait à proprement parler l’objet d’un rapport gouvernemental, qui se veut systématique et récurrent, devant la représentation nationale.
Pour cette première édition, le secrétaire d’État a veillé à associer un panel large d’acteurs publics et privés, en particulier ceux qui siègent au sein du Comité de suivi stratégique des négociations commerciales et ceux qui font partie du Conseil stratégique de l’export. La Direction générale du Trésor et la Direction des entreprises et de l’économie internationale en ont été les chevilles ouvrières.
Pourquoi un tel effort ?
Associer « la représentation nationale » à l’élaboration de la « stratégie mise en œuvre »
Outre le fait qu’il souhaite laisser une trace pour son premier poste gouvernemental -on surnomme déjà ce document le « Rapport Fekl »-, sans doute ce jeune député de terrain –ex-député SRC (Socialiste, Républicain et Citoyen) du Lot et Garonne –a-t-il découvert, depuis sa nomination en septembre 2014, le décalage qui existe, en matière de connaissance des réalités économiques et commerciales internationales, entre les cercles d’experts parisiens et bruxellois et le terrain, avec les conséquences que l’on sait dans les urnes, comme en témoigne la poussée aux régionales du Front national, un chantre du protectionnisme et de la fermeture des frontières. Matthias Fekl souhaite au contraire « que la stratégie mise en œuvre soit élaborée avec la représentation nationale » et ne reste pas le seul sujet de «technocrates », comme on le confirme dans son entourage.
De fait, s’il ne croit pas à « la mondialisation heureuse », le secrétaire d’État rejette le « repli sur soi » pour un pays qui est le « sixième exportateur mondial de biens et de services». Ainsi, rappelle-t-il, « aujourd’hui, la France compte un quart de sa population active dans des activités, directement ou indirectement, liées à l’export », « pleinement insérée dans la mondialisation des échanges, elle a de nombreux intérêts à y défendre, dans un environnement en pleine mutation ».
Les enjeux sont, selon lui, d’autant plus importants que le monde est entré « dans une nouvelle étape du commerce mondial », en particulier la « nouvelle génération de négociations, dont le Partenariat transatlantique fournit le prototype, (et qui) porte essentiellement sur les enjeux réglementaires et détrône les discussions tarifaires traditionnelles », ce qui pose question au plan du respect du débat démocratique. Car « il s’agit de défendre nos principes et nos valeurs dans la bataille pour la définition des normes de demain ». Or, pour lui, « en matière de protection du consommateur, des droits sociaux, sanitaires ou encore environnementaux, aucun compromis n’est envisageable. Il faut donc travailler pour élever partout le niveau de protection ».
En ce qui concerne le redressement du commerce extérieur et la réduction du déficit commercial – qui atteint -36,6 milliards d’euros sur les dix premiers mois de 2015 et devrait dépasser 40 milliards sur l’ensemble de l’année- Matthias Fekl reconnaît qu’elle est en partie due à des facteurs externes que sont « la baisse du coût de l’énergie » ou « la correction d’un taux de change défavorable à l’export » et prévient que c’est « un combat de longue haleine, car la dégradation de notre solde commercial depuis une dizaine d’années a une origine structurelle ». Et de rappeler l’un de ces enjeux structurels, le renforcement et l’augmentation du nombre de PME et ETI exportatrices.
Au chapitre des solutions et stratégies mises en œuvre, les principales orientations stratégiques sont égrenées.
« Pas de traité sans réciprocité »
–En matière de politique commerciale, l’attachement au multilatéralisme, s’il est rappelé, ne laisse pas de place à la « naïveté ». Le premier principe est celui de la réciprocité, « pas de traité sans réciprocité », assène le secrétaire d’État. De même, deuxième principe, la « démocratie doit reprendre tout ses droits », citant en exemple le succès obtenu par l’idée d’une Cour publique de justice commerciale, une proposition soutenue par la France en matière de mécanisme de règlement des différents investisseurs/État dans le projet de traité du Partenariat transatlantique, et que la Commission européenne a reprise.
Enfin, troisième principe, la « mise à jour des règles du commerce » alors que celles de l’OMC datent des années 90, en fonction des nouvelles urgences environnementales. « Pour que le développement durable, dans le cadre des nouveaux objectifs fixés par les Nations Unies, ne soit plus le parent pauvre des accords commerciaux, le respect des droits sociaux et environnementaux ne doit plus être une option, annonce le secrétaire d’État. La France portera ce combat dans les prochains mois ».
Du « parcours de l’export » à la « culture des PME au cœur de l’État et de ses opérateurs »
–En matière de stratégie de commerce extérieur, le secrétaire d’État rappelle les grands axes bien connus de nos lecteurs. Il y a la diplomatie économique, qui a permis de mobiliser « l’ensemble du réseau diplomatique, pour faciliter l’accès des marchés étrangers à nos entreprises, notamment nos PME ». Il y a aussi la politique dite des « familles de produits », visant à faire émerger « une offre française structurée (…) en concentrant nos efforts vers les marchés les plus pertinents ». Sans oublier la « diplomatie des terroirs », qui défend la « reconnaissance de nos indications géographiques et appellations contrôlées » tout autant que « la levée des embargos sanitaires » comme par exemple sur la viande.
Parallèlement, sont rappelées les réformes menées dans le « dispositif de soutien au développement international des entreprises » pour favoriser « un ‘parcours de l’export’ plus simple et cohérent » pour les PME. Et, sans oublier de citer la « diplomatie des ‘ grands contrats ‘ », Matthias Fekl insiste sur la priorité donnée au renforcement de « notre tissu d’entreprises exportatrices », en contribuant notamment « à installer la ‘ culture des PME ‘ au cœur de l’Etat et de ses opérateurs ». « Simplification et cohérence pour les entreprises, lisibilité de l’écosystème, adaptation des services aux besoins réels, recentrage de toute notre action sur les usagers : tels sont les axes clés de la réforme », conclut le secrétaire d’État.
Christine Gilguy
* Forum des PME à l’international : le plan d’action de Matthias Fekl pour doper les PME à l’export
Le Rapport est téléchargeable sur notre site Internet. Cliquez sur : Rapport 2015 sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne – See more at: https://www.lemoci.com/etudes-et-rapports/#sthash.ahmeTnZ8.dpuf