Jusqu’où plongera le prix du pétrole et, surtout, quand remontera-t-il ? Le baril de brut, tombé aux alentours de 30 dollars en ce 26 janvier 2016 (contre environ 100 à la même période de l’an dernier), après avoir atteint une moyenne de 53 USD en 2015, a été l’un des sujets vedettes abordés dans la matinée du colloque Coface sur le panorama des risques pays, le 26 janvier. Sans que personne ne sorte de boule de cristal. Un point sur lequel tous les experts semblent d’accord, toutefois : nul ne sait jusqu’où il va descendre, mais il ne saurait tarder à remonter – au deuxième semestre, plutôt fin 2016 ou début 2017, a-t-on entendu- car la demande reste dynamique, et les risques géopolitiques élevés dans les zones de production…
« En somme, c’est incompréhensible » s’est d’ailleurs exclamé, dépité, Jean-Christophe Victor, fondateur du laboratoire d’étude Lepac plus connu pour son excellente émission d’analyse géopolitique « Le dessous des cartes », après avoir entendu tour à tour Emmanuel Hache, économiste chez IFP Énergies nouvelles, et Helle Kristoffersen, directrice de la Stratégie Groupe Total, impuissants à fournir une explication rationnelle au fait qu’indéniablement, les marchés ne prennent pas en compte ni les risques géopolitiques, ni le bon niveau de la demande dans les prix actuels du baril.
« A très court terme, on peut s’étonner d’un paysage géopolitique aussi compliqué et de prix aussi bas »
Qu’on en juge. « Actuellement, une prévision de hausse ne serait pas audible », a avancé Emmanuel Hache, ajoutant que « les acteurs financiers jouent la baisse ». « On prépare peut être aussi la future hausse des prix » a-t-il aussi exposé, constatant que les investissements mondiaux dans le secteur pétrolier avaient chuté de 20 % en 2015. « Il n’y a pas de doute que les prix du pétrole vont remonter tôt ou tard, car la demande est bonne », a déclaré de son côté Helle Kristoffersen, « mais à très court terme, on peut s’étonner d’un paysage géopolitique aussi compliqué et de prix aussi bas ». Elle a toutefois rappelé que les prix du pétrole étaient restés à un niveau moyen élevé de 110 USD durant trois années avant de commencer leur chute, malgré une demande faible.
La principale explication est donc peut-être purement politique, à chercher dans le bras de fer que l’Arabie Saoudite mène depuis près de 18 mois, en maintenant sa production à un très haut niveau -10/12 millions de barils/jour (M b/j)-, contre la production américaine de pétrole issu des gaz de schiste – 80 % des producteurs américains sont en faillite aujourd’hui-, mais aussi contre la Russie pro-Assad et enfin contre l’Iran et la perspective du retour de ce pays sur la scène pétrolière mondiale après 10 ans d’absence.
Le retour de l’Iran ne va certes pas arranger le déséquilibre actuel du marché. Jean-Christophe Victor a rappelé que ce pays, qui possède les 4èmes réserves mondiales de pétrole (les 3ème hors pétroles non conventionnels, avec 157/158 milliards de barils), produisait encore 3,5 millions de b/jour avant l’embargo décrété par les Européens en 2012, dont 2 millions exportés (à 25 % vers l’Union européenne). Ses exportations ont chuté à 1 M b/j depuis. Avec la levée des sanctions, il lui faudra entre 8 et 12 mois pour rétablir ses moyens de production et d’exportation, mais Téhéran a annoncé que grâce à ses stocks, 500 000 b/j pourraient être mis très vite sur le marché.
La Banque mondiale table sur un prix moyen de 37 USD
Bref, nul ne sait très bien comment cette situation inédite du marché mondial du pétrole va évoluer. Pour Helle Kristoffersen, quatre facteurs vont influencer la tendance : l’ampleur du retour de l’Iran ; l’ampleur de la baisse des forages américains (un demi million de b/J aurait d’ores et déjà été enlevé du marché international) ; le comportement des autres producteurs (pour l’heure, pas de baisse de production) ; et enfin de l’évolution de la demande mondiale, après une année 2015 « très dynamique ».
Pour l’heure, la Banque mondiale vient de réviser à la baisse ses prévisions de prix pour quelque 37 matières premières (sur 47), dont le pétrole. Elle table désormais sur un prix moyen à 37 USD pour 2016, soit 14 USD de moins que sa précédente prévision et un nouveau recul de 27 % (après – 47 % en 2015). Sachant que l’Arabie Saoudite a bâti son budget 2016 sur un baril à 26 USD, alors que dans la plupart des pays producteurs, les coûts de production se situent entre 80 et 120 dollars, voire au-delà, et que de nombreux pays sont complètement dépendants de l’or noir pour leurs revenus (le budget libyen a besoin d’un baril à 200 USD, le Nigeria à 150 USD…), le pétrole n’a pas fini de faire des dégâts dans les pays producteurs à court terme.
Le Brésil, la Russie, certaines Républiques d’Asie Centrale (Kazakhstan, Azerbaïdjan…), mais aussi le Venezuela, le Nigeria, l’Algérie, le Gabon… en font actuellement les frais.
C.G
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