Si chacun a pu se féliciter de la participation du groupe des pays africains à la 21e Conférence des Nations Unies pour les changements climatiques (Cop 21) en décembre à Paris, force est de constater que les ambigüités, côté africain, ne sont pas toutes levées. En effet, pendant la conférence que le président français, François Hollande, a tenu pendant la Cop avec douze de ses homologues d’Afrique, ces derniers ont émis deux exigences : 1/ qu’ils bénéficient d’une assistance technique et de financements conséquents,2/ qu’on n’attende pas 2020 pour lancer des projets concrets.
Que faut-il comprendre à ce double message ? Que si le compte n’y était pas, alors l’Afrique, dont la population n’a pas toujours accès à l’électricité (55 % du total), continuerait à privilégier l’énergie des centrales à charbon ! Voilà les pays développés, la France en particulier, prévenus.
Pour autant, comment aider efficacement l’Afrique ? Est-ce que ce continent est prêt à faire le grand saut de l’énergie propre ? Pas sûr. D’abord, il faut bien remarquer que les cours des hydrocarbures chutant, les énergies renouvelables pourraient apparaître moins séduisantes dans le futur. Ensuite et surtout, les capitales africaines se sont déjà engagées dans de nombreux projets de centrales à charbon, tandis qu’il y a très peu d’initiatives dans le gaz.
En outre, personne en Afrique ne parle d’efficacité énergétique, expliquait-on lors du deuxième Comité des opérateurs en Afrique (COA), auquel assistait la Lettre confidentielle, seul support d’information présent (pour lire sur le COA, cliquez ici l’article de la LC de la semaine dernière « Afrique / Diplomatie économique : le Quai d’Orsay en partenariat avec le Cian pour échanger sur l’après Cop 21 ».
Les pays africains face à la maîtrise d’ouvrage des projets
Cette ambigüité entre discours et réalisation n’est pas la seule. Les capitales africaines exigent que leur soit dévolue la maîtrise de l’ouvrage dans les initiatives, mais on peut douter de leur capacité dans ce domaine. Preuve en est : d’après les informations glanées par la LC, l’Agence française de développement (AFD) et l’agence publique de coopération technique Expertise France ont dû soutenir les États africains à concevoir leurs contributions nationales à la Cop 21.
A la Cop 21, François Hollande a annoncé 4 milliards d’euros supplémentaires à l’AFD, dont la moitié pour le climat. Une bonne nouvelle, notamment pour les pays africains. D’autant que l’an dernier, malgré la baisse des cours du pétrole, les investissements de la planète dans les énergies renouvelables ont dépassé les engagements dans les énergies fossiles. Depuis 2014, quelques États africains semblent en capacité de suivre un mouvement où la Chine, le Brésil et l’Inde ont pris le relai des pays de l’OCDE dans la croissance des énergies renouvelables. C’est le cas de l’Afrique du Sud, de l’Éthiopie, du Maroc, car le coût des énergies renouvelables a été réduit grâce à l’apparition de nouvelles technologies ou de solutions de stockage plus performantes.
Succédant en novembre à la France à la présidence de la Cop, le Maroc organisera la Cop 22 à Marrakech. « Dans un rayon de 200 kilomètres, vous y verrez un parc éolien, une centrale photovoltaïque, une décharge contrôlée pour récupérer le métal, un système de pompage solaire », détaillait ainsi, en clôture du COA, le président de la commission Énergie, environnement et économie verte de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Saïd Loumine, rappelant au passage que le Royaume avait établi un programme sur les énergies renouvelables dès 2009, avait aussi des ambitions en matière d’efficacité énergétique et qu’un plan national solaire et éolien bénéficiait de l’appui des bailleurs de fonds.
Pendant la Cop 21, les bailleurs de fonds multilatéraux ont annoncé des montants importants, à l’instar de la Banque africaine de développement (Bad), qui a prévu de tripler ses montants dans le climat pour atteindre 5 milliards de dollars d’ici 2020, ou la Banque mondiale, qui avec 16 milliards de dollars de financement par an espère avoir avec l’effet de levier 13 milliards supplémentaires de fonds privés mobilisés.
Les débuts encore timides du Fonds vert pour le climat
Autre instrument important, le Fonds vert pour le climat, basé à Incheon, près de Séoul, qui délivre des subventions, des dons, des prêts très concessionnels et des garanties aux pays en développement. Imaginé en 2009 mais vraiment lancé depuis deux ans, avec une capitalisation de 10 milliards de dollars (3 milliards États-Unis, 1 milliard France, 1 milliard Allemagne…) pour les pays les moins avancés (PMA), les petites îles et l’Afrique, il a notamment attiré des ONG et une banque, la Deutsche Bank.
Selon un fin connaisseur de l’aide financière au développement en Afrique, « le Fonds vert sera jugé sur la capacité à générer un effet de levier suffisant. Et le fait qu’une banque allemande soit engagée est encourageant ». Pour autant, « ce n’est pas suffisant », poursuivait cet expert, impatient de voir ses homologues françaises s’impliquer également. Sollicité par la LC, on indiquait du côté de Bercy que « c’est en bonne voie ».
A ce jour, le Fonds vert possède huit projets, dont trois concernent l’Afrique, portant :
1/ le premier, sur un système d’information et d’alerte en cas de catastrophe climatique assurant la protection des individus et des moyens de subsistance au Malawi
2/ le deuxième, sur la restauration des terres salines et l’exécution de différentes mesures de protection des écosystèmes et des communautés, comme la reforestation ou les travaux hydrauliques, au Sénégal
3/ le troisième, sur la création du fonds d’investissement KawiSafi dans l’énergie solaire en Afrique de l’Est et l’investissement dans des compagnies d’énergie propre, à l’origine au Rwanda et au Kenya.
D’après le ministère des Affaires étrangères et du développement international (Maedi), une trentaine d’autres projets, actuellement à l’étude, seront présentés courant 2016.
François Pargny
Pour en savoir plus :
Consultez : Guide du Fonds vert pour le climat
Pour prolonger :
–Spécial COP21/Financements : retour sur les principales initiatives économiques internationales
–COP21/Énergie : les 5 moteurs de la transition énergétique mondiale selon WWF/LichtBlick
–France/Chine : six entreprises françaises investissent le projet d’écoquartier franco-chinois de Wuhan