Le Forum mondial de Pékin sur la Route de la soie, le 14 mai dernier, a impressionné la communauté internationale. Pas seulement parce que l’initiative du président chinois, Xi Jinping, plus connue sous le nom d’Obor (One belt, one road), représente un montant d’investissement colossal d’environ 1 000 milliards de dollars pour financer de grands projets d’infrastructures visant à soutenir ce programme stratégique d’expansion internationale entre l’Asie et l’Europe. Mais aussi parce qu’il doit associer une myriade de pays, à l’exception notable de l’Inde, le grand concurrent de la Chine en Asie. Pour autant, cette initiative doit être examinée à sa juste mesure, notamment concernant ses retombées sur l’économie chinoise. En témoignent les analyses entendues lors de la présentation du 31ème rapport Cyclope sur les marchés internationaux de matières premières.
« Le modèle du bas de gamme à l’export ne marche plus »
« Je ne pense pas qu’Obor soit suffisant pour porter l’économie chinoise », indiquait, toutefois, l’économiste Jean-Joseph Boillot, spécialiste de l’Asie et coprésident d’Euro-India Group (EIEBG), le lendemain du forum, à l’occasion de la présentation du rapport CyclOpe. « Obor fera tourner la machine à moyen terme… c’est-à-dire d’ici à cinq ans », ajoutait-il.
Mais dans l’immédiat, le risque de défaillance est grand pour nombre d’opérateurs économiques du géant asiatique qui vendent à perte et dont les prêts non performants fragilisent les banques. « Le modèle du bas de gamme à l’export ne marche plus, car les salaires ont augmenté, ce qui génère des tensions sur la main d’œuvre », affirmait encore Jean-Joseph Boillot. En revanche, estimait-il, « Obor peut fonctionner dans un partenariat Sud-Sud, car il y a un vrai besoin dans ce cas ». Preuve en est, selon lui, que « ce sont déjà 50 % des chantiers en Afrique qui sont réalisés par les Chinois ».
Il y aurait « un choc démographique »
« Grâce à Obor, avançait Jean-Joseph Boillot, il n’est pas impossible que la Chine maintienne son soft landing », alors que la transition, rêvée et nécessaire, entre une économie du tout export, qui a fait la fortune de la Chine, et un modèle de consommation locale se révèle compliquée. « Certes, les Chinois consomment, mais ce n’est pas suffisant, notamment parce qu’ils consomment des services », ajoutait-il. Pas de quoi absorber le surplus des usines manufacturières.
La consommation est en outre freinée par « un choc démographique », caractérisé par « des femmes voulant vivre seules » et par la chute du taux fécondité. Quant aux hommes, pour s’offrir un bel appartement en ville, ils devraient attendre d’achever leur carrière. Sans compter que pour les enfants l’école serait coûteuse.
François Pargny
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