La politique isolationniste de Donald Trump et la signature de l’Accord économique et commercial global (AECG ou CETA – Comprehensive and Economic Trade Agreement) avec l’Union européenne (UE) pourraient-ils changer la vision du pays des grands lacs et du sirop d’érable ?
Le Canada a été à l’honneur en France, les 17 et 18 avril, avec la visite officielle de son jeune Premier ministre. Devant l’Assemblée nationale, Justin Trudeau s’est notamment félicité de la poussée des investissements canadiens dans l’Hexagone, quelques mois seulement après l’entrée en vigueur provisoire de l’AECG – en attendant que l’accord soit ratifié par les Parlements des membres de l’UE – le 21 septembre*.
Pour autant, chacun s’accorde à reconnaître qu’il y encore beaucoup de chemin à faire pour que le Canada se hisse dans les premiers fournisseurs d’investissements directs étrangers (IDE) dans l’Hexagone. C’est un océan, l’Atlantique, qui sépare la France du Canada. Et ce qui est vrai géographiquement l’est aussi économiquement.
Fin 2017, la France n’était que le 9e pays fournisseur avec 4,2 milliards d’euros d’importations canadiennes, ce qui représentait une part de marché de 1,1 %, d’après IHS Markit Global Trade Atlas. Logiquement, le Canada a fort un tropisme étasunien. La remise en cause par Donald Trump de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), qui concerne aussi le Mexique, et l’AECG peuvent, toutefois, rebattre les cartes et profiter au « cousinage » entre Canadiens et Français.
« Dans l’amitié, le commerce n’est pas négligeable », insistait ainsi, le 18 avril, le député La République en Marche (LRM) de Haute-Garonne Sébastien Nadot, président du groupe d’amitié France-Québec. « Il y a beaucoup moins de Canadiens et d’investissements canadiens en France que l’inverse », regrettait néanmoins Jean-Luc Lagleize, député du Mouvement démocrate et apparentés de Haute-Garonne, président du groupe d’amitié France-Canada.
Commerce et investissement étaient, d’ailleurs, à l’ordre du jour de la visite de Justin Trudeau, son ministre en charge du Commerce international, François-Philippe Champagne menant en France une délégation d’affaire. De son côté, à l’occasion de ce voyage, le groupe d’études « Attractivité-Export » de l’Assemblée nationale, que préside la députée LRM des Yvelines Marie Lebec, avait pris l’initiative d’organiser un petit-déjeuner sur l’investissement direct étranger (IDE) en France, en coopération avec les groupes d’amitié France-Canada et France-Québec.
Si la France gagne en attractivité dans le monde, il faut bien avouer que la contribution du Canada demeure faible. Selon Antoine Gambard, directeur adjoint Invest chez Business France, le Canada occupe le 17e rang avec environ 200 entreprises, représentant 28 000 emplois et un stock d’investissements de l’ordre de 3,8 milliards d’euros.
Par ailleurs, en 2017, le nombre de projets aux États-Unis était de 230 projets pour un total de 7 047 nouveaux emplois. A côté, le Canada n’avait généré que 56 projets et 1 616 emplois. Pour autant, pour les projets, ce chiffre correspondait à une hausse encourageante de 23 %. Il s’agit à 96 % de créations et d’extensions et donc peu de rachats ou de reprises de sites. Nombre de centres de décision sont créés. En termes de secteur, les logiciels pointent en tête, devant l’énergie, l’agroalimentaire ou les services aux entreprises.
« Le CETA peut être une fenêtre de développement de nouveaux investissements en France », affirmait Antoine Gambard. Le responsable de Business France a également observé qu’avec le Brexit « les financiers canadiens investis à Londres s’intéressent à de nouvelles places comme Paris et Francfort ».
Globalement, la France a des atouts (sa capacité d’innovation, sa main d’œuvre qualifiée, le potentiel de son marché et aujourd’hui la dynamique des réformes), mais aussi des freins (sa fiscalité confiscatoire, son droit du travail compliqué, ses démarches administratives complexes). Autant de points qui ont été soulignés par les dirigeants de sociétés canadiennes, implantées dans l’Hexagone, appelés à témoigner de leur expérience sur le terrain.
Pour Hakim Cheniti, directeur du Développement en France chez Linamar (caisses mécaniques pour l’automobile, nacelles élévatrices, pièces d’aluminium complexes Montupet…), le handicap majeur de la France est « sa compétitivité ». Ainsi, le taux horaire du travail non chargé est de 11 euros en Allemagne, 16,56 euros en France et il faut ajouter les charges, 30 % et 42 % respectivement.
Pour Lucas Robin-Chevallier, responsable des Affaires publiques et réglementaires chez Boralex (énergie renouvelable), la principale barrière est le cadre réglementaire, qui « doit être stable ».
Enfin, pour Franck Benhamou, directeur général d’Alithya France (conseil en informatique), la formation supérieure est de grande qualité dans l’Hexagone et donc la main d’œuvre est qualifiée. Pour autant, il faut encore insister sur l’anglais. Et de rappeler que « pour les Canadiens, le bilinguisme est important ».
François Pargny
*Canada / France : J. Trudeau livre aux députés un vibrant plaidoyer pro-CETA
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