Si la présidence du conseil d’administration de Business France semble promise au franco-australien Ross Mc Innes, actuel président du conseil d’administration de Safran, dont le nom est sorti dans la presse et ferait, selon nos informations, consensus chez les trois ministres de tutelle de l’agence publique –Europe et affaires étrangères, Économie et finances et Cohésion des territoires-, le processus de recrutement pour la direction générale vient à peine de commencer. Ouverte par sa nomination comme ministre du Travail dans le gouvernement d’Édouard Philippe, le 17 mai, la succession de Muriel Pénicaud au poste de directrice générale de Business France et ambassadrice aux investissements internationaux suscite de nombreuses candidatures. Mais la sélection s’annonce délicate.
Le profil recherché doit en effet présenter plusieurs atouts : outre être « Macron compatible », il doit aussi être « Le Drian compatible » (ministre de l’Europe et des affaires étrangères), « Le Maire compatible » (Économie et finances) et « Ferrand compatible » (Cohésion des territoires).
Un profil plus plus « haut fonctionnaire » que «secteur privé »
En outre, dans le contexte actuel marqué par des interrogations récurrentes sur l’avenir des missions de l’agence*, il doit être à la fois un bon professionnel du management –Business France compte près de 1 500 agents en France et à l’étranger-, un bon connaisseur des enjeux du commerce extérieur et de l’attractivité des investissements étrangers, mais aussi des services d’accompagnement des entreprises à l’international (le volet export des missions de l’agence) comme à l’import (le volet Invest des missions de l’agence).
Il doit enfin connaître les arcanes des administrations centrales à Paris et des négociations budgétaires – avec en perspective la négociation du prochain Contrat d’objectifs et de performances (COP) pour 2018-2020-, mais aussi, the last but not the least, les problématiques des Régions, pilotes de l’internationalisation dans les territoires de plus en plus actifs, notamment en matière d’attractivité des investissements étrangers…
Bref, un profil plus « haut fonctionnaire » que «secteur privé », sans être tout l’un ou tout l’autre, « car il faudra résister aux pressions des tutelles tout en préparant les négociations budgétaires difficiles », estime un bon connaisseur de l’écosystème du commerce extérieur. Mais une bonne expérience terrain proche des milieux exportateurs, en région et/ou à l’étranger, pourra aussi faire la différence. Dans ce contexte, plusieurs candidats confirmés, quadra et quinqua, poids-lourds venus des administrations centrales ou challengers venus des réseaux extérieurs, semblent présenter des arguments solides et sortir du lot.
Des poids-lourds issues des administrations centrales
Venu de Sup’Aéro et non pas de l’Ena, Thomas Courbes, 45 ans, actuel directeur-général adjoint de Trésor, est passé par la Direction générale de l’armement (DGA) avant de rejoindre Bercy en 2002. Il a fait un passage en tant que directeur au cabinet de Pierre Lellouche, lorsqu’il était secrétaire d’État au Commerce extérieur. Réputé polyvalent et bon négociateur –tout autant sur les questions de dette que de grands contrats export-, on l’a vu mouiller sa chemise ces deux dernières années pour aller au devant des entreprises et accélérer les réformes des dispositifs des financements export, notamment le transfert des garanties publiques à Bpifrance. Sa faiblesse serait peut être de manquer d’une expérience terrain plus nette.
Également candidate, Agnès Romatet-Espagne, actuelle directrice des Entreprises, de l’économie internationale et du tourisme au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec rang de ministre plénipotentiaire : cette diplômée de science-po Paris affiche un parcours à la fois au sein du réseau diplomatique et du réseau des Missions économiques du Trésor et a l’avantage d’avoir une expérience à l’étranger où son dernier poste avant l’actuel au Quai d’Orsay fut chef de la Mission économique régionale à Canberra (Australie). Elle a aussi mouillé son chemisier pour rapprocher le réseau diplomatique -et notamment les ambassadeurs- des entreprises, à Paris comme dans les Régions. Elle a aussi une expérience des marchés financiers comme ancienne conseillère de Jean-Pierre Jouyet lorsqu’il était président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) (janvier 2009-novembre 2011).
Les profils issus des réseaux extérieurs
D’autres candidats confirmés auront toutefois peut-être des profils plus neutres au regard de la rivalité qui existe encore entre Bercy et le Quai d’Orsay sur la question du pilotage du commerce extérieur, bien que le nouveau gouvernement ait tranché clairement en faveur de la continuité au Quai d’Orsay**. Ce qui pourrait favoriser les compromis entre les différentes tutelles.
Citons d’abord Christophe Lecourtier, 54 ans, ancien directeur général d’Ubifrance avant sa fusion avec l’Afii (2008-2014), qui a l’avantage d’avoir acquis une expérience d’ambassadeur à Canberra (poste qu’il a quitté cette année pour l’ambassade à Belgrade). Cet ancien de la DREE (Trésor) et ex-directeur de cabinet et conseiller spécial de Christine Lagarde dans les gouvernements Fillon successifs (à l’Agriculture puis à l’Économie) a été souvent présenté comme exemplaire dans la mise en œuvre, sur le terrain, de la diplomatie économique de Laurent Fabius, au service des entreprises. Il est aussi bien introduit auprès des divers acteurs de l’écosystème du commerce extérieur.
Autre nom qui commence à circuler : celui de Vincent Perrin, 44 ans, l’actuel directeur général du Comité interprofessionnel des vins de champagne (CIVC), basé à Épernay, poste qu’il a rejoint en septembre 2014. Énarque, ce spécialiste de la Chine qui maîtrise sa langue (ainsi que l’anglais, le roumain et l’espagnol…), outre cette expérience sur le terrain en région dans un secteur fortement exportateur, affiche également un parcours solide à l’international : il a été conseiller Chine de l’OCDE en poste à Pékin durant un an après avoir dirigé le bureau d’Ubifrance dans la capitale chinoise (août 2009-octobre 2013). Dans le CV de cet énarque, on trouve également trace d’un passage au cabinet d’Anne-Marie Idrac lorsqu’elle était secrétaire d’État au Commerce extérieur, en tant que conseiller Asie, et il a croisé Christophe Lecourtier au cabinet de Christine Lagarde, lorsqu’elle était ministre de l’Économie.
A suivre…
Christine Gilguy
*Voire la dernière en date : Accompagnement / Export : la Cour des comptes pousse au rapprochement CCI
Pour prolonger :
-Nos dernières nominations : Europe et Affaires étrangères, Économie, Alstom, Gifas, TV France International, Optilogistic
–Gouvernement : le Commerce extérieur sans portefeuille, Business France sans dirigeant