Assurément, le poste de directeur général de Business France, laissé vacant par Muriel Pénicaud devenue ministre du Travail, intéresse au plus haut point, puisque 35 candidats seraient en lice, et la liste ne fait que s’allonger de jour en jour. Au Medef, à Bercy, au Quai d’Orsay, on parle aussi d’entreprises comme la SNCF ou Engie, voire de PME, dont beaucoup sont issus, on s’agite en coulisses.
Est-ce en raison de la pléthore de candidats ou du changement de gouvernement, toujours est-il que la triple tutelle de l’agence (Économie, Affaires étrangères, Cohésion des territoires) a constitué un comité de sélection, composé de personnalités extérieures, de chefs d’entreprises, et de représentants de l’État, ce qui laisse penser qu’un profil mixte public-privé est recherché.
Peu d’informations précises sur le processus
La création d’un tel comité est en elle-même une innovation majeure car jusqu’à présent, le processus de désignation se déroulait en toute opacité dans les coulisses des ministères de tutelle, au sein des cabinets. La désignation de Muriel Pénicaud avait, en 2014, fait l’objet d’une lutte âpre entre Bercy et le Quai d’Orsay et ce fut le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Laurent Fabius, à peine conquis le portefeuille du commerce extérieur, qui avait finalement eu gain de cause.
Reste que peu d’informations précises ont filtré à ce jour sur la composition de ce comité et son mode de fonctionnement, aucune communication officielle n’ayant été faite à son sujet. De fait, les organisations professionnelles et organismes de l’écosystème du Commerce extérieur contactés par Le Moci étaient toutes dans l’ignorance de la méthode précise et de l’évolution du dossier de la gouvernance de Business France. On n’en savait pas beaucoup plus au sein de cette maison, semble-t-il.
Quelle évolution de la gouvernance ?
Le choix du futur directeur général ou de la future directrice générale pourrait aussi dépendre davantage qu’auparavant de la personnalité du nouveau président du conseil d’administration de cette agence à la fois en charge de l’accompagnement à l’export et de l’attraction des investisseurs étrangers en France.
Elle dépendra aussi de la manière dont évoluera le fonctionnement de cette gouvernance jusqu’à présent marquée par une concentration des pouvoirs au sein de la direction générale, avec en coulisse les cabinets des ministres de tutelle. Le conseil d’administration aura-t-il davantage son mot à dire dans les prises de décision ?
La question est posée dans le contexte de l’affaire embarrassante du contrat attribué à Havas sans appel d’offre pour l’organisation d’une soirée en marge du CES de Las Vegas, en janvier 2016, pour la venue du ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron. Elle fait l’objet d’une enquête pour favoritisme ouverte par le Parquet de Paris le 15 mars qui a donné lieu, le 20 juin, a des perquisitions chez Havas et Business France par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions.
Vers un vrai binôme ?
De fait, selon certaines informations, un véritable binôme pourrait prendre la relève. Comme s’en faisait l’écho Le Moci dans la Lettre confidentielle du 15 juin *, la présidence de l’opérateur français semble promise au franco-australien Ross Mc Innes, actuel président du conseil d’administration de Safran, donc à un homme d’entreprises, et surtout le patron d’une compagnie mondialisée dans un secteur d’excellence de la France, l’aéronautique.
Ce capitaine d’industrie biculturel serait, sans nul doute, bien placé pour être l’ambassadeur de la France auprès des investisseurs de toute la planète. Dans ce contexte, le ou la directrice général pourrait davantage se consacrer à l’accompagnement export et à la gestion de l’agence.
Un haut fonctionnaire ayant un expérience du management pourrait alors faire l’affaire. Mais certains poussent à d’autres choix. Ainsi au Medef, dont plusieurs candidats sont issus, on ne cache pas son souhait qu’un homme ou une femme d’entreprise l’emporte. En sus de l’intérêt collectif, on ne peut toutefois exclure les trajectoires personnelles, alors que la succession de Pierre Gattaz à la présidence de l’organisation patronale, prévue en 2018, est dans toutes les têtes et que certains de ses proches commencent à préparer la suite. Plusieurs noms circulent, dont celui d’Olivier Midière, conseiller Communication au cabinet de Pierre Gattaz.
Mais la sélection pourrait réserver bien des surprises tant les profils sont nombreux et divers, selon différentes sources qui ont eu en main quelques uns des CV déposés. Reste qu’un dernier souci préoccuperait les ministres de tutelle de Business France : les femmes seraient trop peu nombreuses à avoir fait acte de candidature. Il y a donc encore de la place pour de nouvelles arrivantes.
D’après nos informations, les premières auditions des candidats par le comité de sélection commenceraient dès ce jeudi 22 juin. Mais rien n’est certain, compte tenu du remaniement ministériel plus important que prévu intervenu la veille. Il est certain que le ou la secrétaire d’État en charge du Commerce extérieur – ce pourrait être Jean-Baptiste Lemoyne, dont les attributions doivent être encore précisées **-aura son mot à dire dans ce recrutement.
Christine Gilguy et François Pargny
* Business France / Gouvernance : qui pour succéder à Muriel Pénicaud ?
**Commerce extérieur : quelle priorité dans le nouveau gouvernement ?