Certaines PME et ETI françaises s’adaptent avec dextérité à la crise sanitaire mondiale. Leur internationalisation, tout comme la solidité de leurs fonds propres, est un atout dans ce contexte. Comment ? Le Moci a recueilli le témoignage exclusif de Bruno Bouygues, P-dg de Gys.
Bruno Bouygues prévient d’entrée : « l’activité repart en Chine, c’est l’Europe qui m’inquiète ». A la tête d’une belle ETI industrielle internationale de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de 50 % dans 120 pays en 2019, le P-dg de Gys se déclare ainsi à la fois soulagé et prudent, quand on lui parle de la pandémie de coronavirus dans le monde.
Bruno Bouygues a succédé à son père à la tête de cette entreprise de 720 salariés, spécialisée notamment dans la conception et la fabrication de matériels de soudage. Basée près de Laval, la société s’est dotée de capacités de production en Chine et en France et de plusieurs filiales commerciales à l’étranger, notamment en Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Italie).
Une usine et un bureau d’achat en Chine
A Shanghai, Gys produit du matériel de soudage pour assembler des métaux et des chargeurs de batteries pour le transport. La société mayennaise dispose aussi d’un bureau d’achat de composants électroniques, uniquement fabriqués en Chine et qui sont intégrés dans les équipements réalisés sur place et dans l’Hexagone. Soit au total une centaine d’employés qui fort heureusement n’ont pas été contaminés par le virus.
« Les Chinois étaient en vacances pour le Nouvel An lunaire, le 25 janvier. Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie, leurs congés ont été prolongés jusqu’au 12 février. Ensuite, l’activité a redémarré progressivement et maintenant nous sommes à peu près opérationnels », se réjouit Bruno Bouygues, qui se garde, néanmoins, de tout pronostic sur les conséquences globales chiffrées et futures de cette crise sanitaire.
Il est clair que dans les grandes villes, la reprise de la production est plus rapide. Si les écoles sont toujours fermées, les grands centres commerciaux vont rouvrir. Pékin a annoncé ces derniers jours plusieurs mesures, comme l’injection de l’équivalent de 70 milliards d’euros dans l’économie.
Être agile, monter en cadence
« Gys est une entreprise familiale, avec des capitaux propres importants, ce qui nous a permis, par exemple, de verser les salaires, en dépit de l’arrêt de l’activité. En plus, se félicite son P-dg, l’État chinois a promis des réductions de charges sociales et patronales pendant plusieurs mois ».
Ces dernières charges représentant 22 à 24 % du salaire brut, les compensations ou remboursements pourraient être significatifs pour peu que l’activité soit maintenue avec le même nombre de salariés.
Dernier élément qui rend optimiste le dirigeant français, la part de marché de Gys dans l’ex-Empire du Milieu serait encore « modeste », alors que certains grands concurrents subiraient « un K.O direct ». Pour une société agile, ce serait donc le moment « de monter en cadence, d’exporter ».
L’usine de Shanghai, dédiée dès le départ à l’international, écoule à ce jour 80 % de sa production en Europe et 20 % en Asie, à parité égale en Chine et à l’extérieur.
Cap sur l’Asie
C’est donc le moment pour Gys d’investir en Asie, d’autant plus que l’Europe, notamment la France, subit à son tour, après la Chine, les conséquences du confinement mis en place pour réduire l’expansion du coronavirus.
Précision importante pour Bruno Bouygues : ce choix stratégique ne semble pas devoir remettre en cause les investissements de production et de logistique prévus en France, de l’ordre de 15 millions d’euros sur trois ans.
L’ETI mayennaise se sent en effet pousser des ailes. Ces dernières années, sa progression était « à deux chiffres » sur ces grands marchés que sont l’Europe et l’Asie, y compris la Chine. Son taux d’investissement dans la recherche et développement est de 10 %.
« Nous sommes un leader technologique mondial dans nos métiers, reconnus de plus en plus avec une marque forte », se félicite ainsi Bruno Bouygues. La crise sanitaire pourrait ainsi amener des importateurs et des distributeurs, qui ont eu le temps de la réflexion, à réviser leurs approvisionnements. Gys serait alors bien placé.
Bruno Bouygues estime que « les conséquences du virus sur la Chine seront épongées » fin juin. En revanche, à cette période, la progression de Gys sera sans doute fortement impactée en Europe. Raison de plus pour chercher de nouveaux marchés en Asie.
François Pargny