« On est tous dans le même bateau, 2016 va être une grande année car tout se déploie en même temps ». Comme à son habitude, Nicolas Dufourcq n’a pas été avare d’enthousiasme et de superlatifs pour présenter, lors de la deuxième édition du séminaire Bercy Financements Export, la montée en puissance de la banque publique qu’il dirige sur l’international, tel le capitaine d’un bateau suivant son cap toutes voiles dehors, contre vents et marées. « C’est unique au monde (…) même la Banque du Canada ne fait pas d’assurance-crédit export » a même lancé le directeur général de Bpifrance aux quelque 400 hommes d’affaires et banquiers français réunis le 16 février à Bercy par la Direction générale du Trésor (DG Trésor) pour leur présenter les dernières évolutions de la politique publique de soutien aux exportations et de ses instruments.
Un transfert achevé au « lendemain de l’été »
Il est vrai qu’une fois achevé le transfert de la gestion des garanties publiques de Coface à la nouvelle filiale dédiée Bpifrance assurance export –annoncée pour le « lendemain de l’été » par Nicolas Dufourcq-, les entreprises, en particulier les PME et ETI (Entreprises de taille intermédiaire), disposeront d’un seul opérateur pour la plupart des outils financiers publics : du financement de leur prospection ou de leur développement commercial (prêts export, assurance prospection, financement de créances) à l’assurance-crédit et aux cautions export, en passant par le financement de leurs investissements (prêts ou apports en fonds propres). Une simplification dont elles rêvent depuis des lustres.
Cerise sur le gâteau, la nouvelle filiale, qui intègrera l’ensemble du personnel de l’actuelle Direction des garanties publiques (DGP) de Coface -235 exactement selon son directeur, Christophe Viprey, présent au séminaire- aura son siège à Paris, proche des bureaux parisiens de la banque publique boulevard Haussmann, mais elle aura des entrées de proximité plus denses sur tout le territoire via le réseau des directions régionales de la banque publique.
En outre, rappelons-le, conséquence importante de la réforme, elle fournira une garantie directe de l’Etat et non plus une garantie indirecte, par l’intermédiaire de son opérateur privé Coface, ce qui devrait améliorer les conditions de financement des projets français auprès de certains partenaires, rassurés d’avoir plus clairement affaire à un engagement par signature de l’Etat français*.
« Le grand projet de l’année 2016 »
Ce transfert « est le grand projet de l’année 2016 » a assuré Nicolas Dufourcq, un projet d’entreprise « très mobilisateur », car la nouvelle activité de garantie export occupera « 10 % des effectifs » de la banque publique, qui seront alors portés à 2500 personnes environ. L’enjeu, selon lui ? « Que la garantie publique vienne à nouveau irriguer le monde des PME et des ETI ». Car avec 169 contrats couverts en 2015, l’activité de crédit export gérée par Coface pour le compte de l’Etat est caractérisée par une « hyper concentration » sur quelques secteurs –aéronautique, défense…- et grands contrats.
Pour l’heure, les premiers résultats de la banque publique sur l’export, tels que délivrés par son capitaine sont plutôt encourageants. Sur l’activité de crédit export (crédits acheteurs et crédits fournisseurs) lancée il y a tout juste un an pour les opérations de petits montants (- de 25 millions d’euros en direct, en cofinancement au-delà et jusqu’à 70 millions d’euros), neuf contrats pour un total de 80 millions d’euros d’engagement ont été conclus en 2015, dont le tout premier avec le fabriquant alsacien de fours à pain Mecatherm en novembre, pour une opération sur le Mozambique**. Olivier Sergent, son président, n’a pas tari d’éloge au sujet de ce nouvel outil, et n’a pas démenti lorsque le patron de Bpifrance a évoqué de nouveaux projets en préparation au Sénégal et en Côte d’Ivoire.
Nicolas Dufourcq n’a d’ailleurs pas boudé son plaisir en estimant que la banque publique démontrait ainsi qu’il existait bien un besoin non couvert par le marché, contrairement à ce qu’aurait pu laisser penser le scepticisme relatif des milieux bancaires au moment du lancement de cette nouvelle activité. « En fait nous réinventons le petit crédit acheteur » a-t-il constaté. Du coup, en 2016, « on double », avec un objectif de 150 millions d’euros d’engagements a poursuivi le dirigeant. « Nous estimons à environ 300 millions d’euros le marché »
Autre instrument qui semble avoir trouvé son marché : le prêt export, un crédit sans garantie sur une durée allant jusqu’à 7 ans pour un montant de 30000 à 5 millions d’euros, octroyé dans le cadre de co-financements avec les banques. Le montant global des engagements de la banque publique a atteint 500 millions d’euros en 2015 –soit l’objectif que s’était fixée la banque pour 2017-, et Nicolas Dufourcq a prédit une « forte croissance en 2016 ».
Un partenariat renforcé avec Business France
Pour accompagner ces ambitieux objectifs, la banque publique compte renforcer son maillage tout autant en France qu’à l’étranger pour accompagner PME et ETI dans leurs projets internationaux.
Selon les annonces de son directeur général, le partenariat avec Business France va être renforcé : un contrat de 5 millions d’euros a été signé le 12 février entre la banque publique et l’agence nationale que dirige Muriel Pénicaud pour, notamment, qu’elle porte le nombre de ses chargés d’affaires internationaux (CAI) dans les directions régionales de Bpifrance de 48 à 50. Rappelons que les deux opérateurs doivent, avec ce dispositif, parvenir à développer l’internationalisation de quelque 1000 PME et ETI de croissance d’ici 2017.
A l’étranger, Bpifrance a commencé à positionner des « chargés d’affaires bancaires » : les quatre premiers ont été nommés à Mexico, Johannesburg, Varsovie et Dubaï. Cinq volontaires internationaux en entreprise (VIE) ont par ailleurs été recrutés pour renforcer ce dispositif. « Ailleurs, nous nous appuierons sur nos cousins de Proparco et de l’AFD », a encore précisé Nicolas Dufourcq.
En centrale, Pedro Novo, ex. directeur de Bpifrance Île-de-France, s’est vu confié la semaine dernière la direction des financements export (voir notre rubrique « Nominations« ).
La feuille de route est donc tracée. A suivre pour les résultats concrets en termes de regain d’exportations et… d’exportateurs.
Christine Gilguy
*Lire : Coface/Bpifrance : le transfert n’entraînerait ni perte de “compétences”, ni perte “d’emplois” selon Arnaud Caudoux
**Lire : Financements export : Bpifrance signe son premier crédit export pour un contrat au Mozambique
Pour prolonger :
Au sommaire de la Lettre confidentielle :
– Financements export : Bercy muscle encore son arsenal de soutien aux exportateurs
–Iran / Financements export : tant qu’il n’y aura pas de banques françaises…
–Bercy / Financements export : le système de stabilisation des taux toujours gelé