Passées presque inaperçues tant les Européens sont focalisés sur les perspectives de la nouvelle présidence Trump, de nouvelles tensions commerciales entre Bruxelles et Washington ont émergé à la veille du Nouvel an. Répondant aux revendications de son puissant lobby de producteurs de viande bovine, l’administration Obama a en effet annoncé, fin décembre, qu’elle prendrait des mesures en réaction « aux pratiques déloyales » des Européens, qui « discriminent les importations américaines de bœuf », souligne un communiqué de la Représentation américaine au Commerce extérieur (USTR/ US Trade Representative). Accusant l’Union européenne (UE) de ne pas respecter les termes d’un accord scellé en 2009, ses responsables menacent de rétablir les droits de douane sur certains produits européens comme le Roquefort, la moutarde ou les truffes.
L’USTR a donc lancé de nouvelles consultations publiques qui pourraient déboucher sur le rétablissement de ces sanctions commerciales. Ses responsables estiment en effet que l’interdiction du bœuf aux hormones par l’UE n’est pas fondée sur des données scientifiques solides. « L’UE n’a pas répondu aux assurances nécessaires pour résoudre ce problème et il est temps de prendre des mesures », a estimé Michael Froman. Le représentant américain au Commerce espère ainsi inciter la Commission européenne à retourner à la table des négociations pour que « les consommateurs européens aient un meilleur accès au bœuf américain de haute qualité ».
Ce différend aurait dû être traité dans le cadre des négociations de libre-échange du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership). Mais compte tenu des retards pris dans les discussions, Washington veut « dès à présent » passer à l’action. A cet égard, l’investiture de Donald Trump, élu sur un programme aux accents protectionnistes, « risque encore de compliquer la donne », s’inquiètent les experts de la DG Commerce au sein de l’exécutif européen.
Un différend commercial de plus de 20 ans
A deux mois à peine du lancement des négociations sur le ‘Brexit’, personne à Bruxelles ne souhaite voir se raviver un différend commercial de plus de 25 ans.
La querelle débute en 1988 lorsque l’UE décide d’interdire les importations de viande bovine issue d’animaux auxquels ont été administrées des hormones de croissance. En rétorsion, les États-Unis, avec l’aval de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), imposent en 1999 des sanctions douanières sur de nombreux produits européens, pour un montant de 116,8 millions de dollars par an. Il faudra attendre 2009 pour qu’un compromis soit trouvé entre Bruxelles et Washington. Il prévoit la levée des sanctions américaines contre une augmentation de 25 000 tonnes du contingent de viande de bœuf sans hormone susceptible d’être importée en Europe.
Mais s’ils estiment avoir rempli leur part du contrat, les Américains accusent l’UE de ne pas avoir tenu ses engagements en important majoritairement de la viande issue d’autres pays. « Les politiques européennes restrictives continuent de refuser aux consommateurs européens l’accès au bœuf américain à des prix abordables », a déploré Tom Vilsack, le secrétaire d’État en charge de l’Agriculture, soulignant que la viande bovine produite aux États-Unis était « l’une des meilleures de la planète ». Même son de cloche dans le camp républicain. « La patience des éleveurs américains, tout comme la mienne est au bout », s’est enflammé le sénateur Pat Roberts dans un communiqué. Il exhorte le gouvernement à prendre rapidement les mesures qui s’imposent pour faire respecter ce qu’il considère comme les règles du commerce international.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles