En annonçant, le 1er juin, le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, négocié dans le cadre de la 21e conférence des Nations-Unies sur le changement climatique (Cop 21), Donald Trump a dû essuyer une pluie de critiques de toute la planète. L’Amérique latine n’a pas fait exception, comme a pu le constater Le Moci, lors du IXe Forum économique international Amérique latine Caraïbes, organisé huit jours après la décision du président américain, le 9 juin à Bercy.
Ainsi, le président péruvien Pedro Pablo Kuczynski a-t-il rappelé que les voisins du sud des États-Unis n’avaient « pas d’autre choix que de suivre des politiques écologiques responsables ». En l’occurrence, « nous avons dans la région le plus grand nombre de glaciers tropicaux dans le monde. Ils ont reculé ces cinquante dernières années » et, a-t-il alerté, « si rien n’est fait, dans les vingt ans, nous risquons d’être confrontés à une crise hydrique ».
L’AFD a prévu de doubler ses engagements régionaux
En ouvrant le forum de Bercy, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, avait lui aussi mis en avant la nécessité « d’accélérer la lutte contre le changement climatique ». Evoquant « les terribles inondations » ayant récemment touché le Pérou, il a incité à « la mise en œuvre » de l’Accord de Paris et à la mobilisation collective « pour qu’il soit ratifié dans les plus brefs délais ».
En s’adressant plus particulièrement au président de la Banque inter-américaine de développement (Bid), Luis Alberto Moreno, qui se trouvait dans la salle, Bruno Le Maire a souhaité « réaffirmer l’engagement de la France et de l’Union européenne, principal contributeur à l’objectif des 100 milliards de dollars d’ici 2020 [objectif fixé lors de la Cop 21, NDLR] ». Il s’est aussi félicité que la Bid ait décidé de doubler ses financements en faveur de la lutte contre le changement climatique d’ici cette date. Enfin, il a indiqué que l’Agence française de développement (AFD) allait « doubler ses engagements en Amérique latine d’ici 2020 », le climat figurant parmi ses priorités.
Un milliard d’euros supplémentaire d’ici 2020
S’agissant de l’AFD, les propos du ministre ont été précisés par son directeur général, Rémy Rioux. Aujourd’hui, 20 % des engagements du groupe AFD concernent l’Amérique latine et les Caraïbes, et 70 % des projets soutenus contribuent à la lutte contre le changement climatique. Il a confirmé le doublement des engagements dans la région, lesquels devraient ainsi passer de 1 milliard d’euros en 2015 à 2 milliards en 2020.
L’AFD octroie « des prêts de politique publique », a expliqué Rémy Rioux, pour appuyer, par exemple, des programmes de gestion durable de l’eau en Bolivie, de croissance verte en Colombie ou de biodiversité et de transition énergétique au Mexique. Elle est aussi membre de The International Development Finance Club (IDFC), un réseau de 23 banques nationales, régionales et internationales engagées en faveur du développement durable, dont sept en Amérique latine et dans les Caraïbes (Development Bank of Latin America (Caf), Corporación Financiera de Desarrollo S.A. (Cofide) au Pérou, Bancoldex en Colombie…). La France intervient aussi pour des causes humanitaires et d’urgence (séisme en Équateur…).
Un quart des engagements de Proparco en Amérique latine
Proparco, filiale de l’AFD pour le secteur privé, est comme sa maison mère largement engagée dans la croissance verte et solidaire du continent, livre au Moci son directeur général, Grégory Clemente. Deux de ses onze bureaux au total sont en Amérique latine et couvrent le continent : São Paulo pour l’Amérique du Sud et Mexico pour l’Amérique centrale. Et leur activité, détaille Grégory Clémente, représente 25 % du portefeuille global de Proparco et 30 % de ses nouveaux engagements ».
« En Amérique du sud, explique le dirigeant de l’établissement financier, nous investissons principalement au Brésil qui représente près de la moitié de nos encours, devant le Pérou, le Chili puis l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay, la Bolivie et l’Argentine. Nous y intervenons à plus de 75 % dans les secteurs de l’agro-industrie et des infrastructures climat et, dans une moindre proportion, dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la micro finance.
Quant à l’Amérique centrale, Proparco, après y avoir investi 1 milliard de dollars depuis 2010, veut y doubler ses investissements d’ici 2020. Récemment, la filiale de l’AFD y a inauguré un projet majeur dans la région : la première centrale photovoltaïque au Salvador et la plus grande en Amérique centrale. « Proparco y a participé à hauteur de 30 millions de dollars, aux côtés notamment de la Société inter-américaine d’investissement (SII), membre du groupe Bid », nous a précisé Grégory Clémente.
Paris renforce sa relation politique
La croissance de l’aide publique française au développement au sud des États-Unis intervient dans un moment politique favorable pour la France. Oubliée l’affaire Florence Cassez, du nom de la Française détenue pendant sept ans (2005-2013) au Mexique. Depuis, les visites ministérielles des deux côtés se sont multipliées et le président mexicain Enrique Peña Nieto s’est rendu à deux reprises en France, en avril 2014 en visite d’État et en 2015 comme invité d’honneur du 14 juillet.
En 2016, François Hollande a été le premier président occidental à se rendre à Cuba et, l’an dernier également, l’AFD y a ouvert un bureau. En 2016, le prédécesseur d’Emmanuel Macron s’était aussi déplacé au Pérou, en Argentine et en Uruguay. Rémy Rioux, lors du forum de Bercy, a mentionné l’installation d’un nouveau bureau de l’agence en Argentine cette année. Par ailleurs, Paris n’avait pas développé d’année croisée avec un pays de la région depuis l’Année France-Brésil en 2009. Une lacune aujourd’hui comblée avec la saison française en Colombie, suivie depuis le début du mois de la saison colombienne en France jusqu’en décembre prochain.
François Pargny
Pour prolonger :
Lire
– en accès gratuit : Amérique latine : à Paris, les Latino-Américains affirment une volonté de libre-échange
– dans la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Amérique latine / Commerce : les politiques pour l’ouverture, mais avec prudence
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–UE / Mercosur : le bloc sud-américain espère signer un accord de libre-échange en 2017
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