Il y a presque trois ans jour pour jour, Alain Bentéjac cosignait, avec Jacques Desponts, un rapport sur « l’évaluation des dispositifs de soutien à l’internationalisation de l’économie » destiné à faire des recommandations au ministre du Commerce extérieur de l’époque, Nicole Bricq, sur les réformes à mener pour réduire le millefeuille des organismes et supprimer les doublons*. « L’idée maîtresse du rapport était la simplification et la rationalisation du système », rappelle celui qui fut élu, un an plus tard, président du comité national des Conseillers du commerce extérieur (CNCCEF). Quel bilan fait-il de ces deux ans de changement ? Alain Bentéjac le livre en exclusivité dans l’édition 2016 de notre Guide des aides à l’export, à paraître le 19 mai prochain**, avec le sens de la nuance mais le regard critique qu’on lui connaît. De fait, tout en saluant les réformes qui, dit-il, « vont dans le bon sens », il pointe aussi celles qui ont un goût d’inachevé. Voici lesquelles, en avant-première pour les lecteurs de la Lettre confidentielle.
Transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance, fusion Ubifrance / Afii pour créer Business France, accords-cadres de partenariat Business France / CCI International et CCI France International du 11 mars 2015, transfert d’activités BtoB de Sopexa à Business France dans l’agroalimentaire… Si en toute modestie, Alain Bentéjac indique ne pas être sûr que le « rapport de cause à effet » soit certain entre son rapport de 2013 et ce train de réformes engagé depuis deux ans, il ne boude pas son plaisir : « toutes ces mesures vont dans le bon sens, car l’idée maîtresse du rapport était la simplification et la rationalisation du système », explique-t-il notamment.
Tout en précisant que cette réforme particulière « n’était pas dans notre rapport, car on n’avait pas mandat pour aborder les questions de financement », il rappelle être aussi « très favorable au transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance » car, estime-t-il, « cela permettra d’avoir un interlocuteur à la fois financeur et pourvoyeur de garanties pour les opérations export et je pense que c’est une très bonne chose ».
Ses deux bémols : la question de l’AFD et le nouveau parcours de l’export
Mais, car il y a un mais, le président des CCEF tient à mettre un bémol car « il y a deux sujets sur lesquels on pourrait certainement encore s’améliorer ». Lesquels ? celui du rapprochement avorté AFD / CDC (Caisse des dépôts et consignations), et celui du nouveau parcours de l’export pour les PME né des partenariats entre Business France et les réseaux consulaires qui se veut unifié.
Et de poursuivre : « Il y en a un (sujet) que je pensais réglé et qui ne l’était pas finalement – ce que je regrette personnellement – c’est le rattachement de l’AFD à la Caisse des dépôts, qui a été annoncé puis visiblement arrêté. Je le regrette, car il me semblait que c’était une mesure de nature à donner à l’AFD une capacité financière et une ouverture plus importantes aux préoccupations des entreprises, et c’est cela que celles-ci attendent. J’espère que le dossier n’est pas complètement fermé sur ce thème-là. »
Le deuxième sujet concerne plus directement le dispositif public de soutien à l’export : « l’articulation entre Business France et les chambres de commerce », domaine dans lequel, considère-t-il, « il y a des progrès mais où nous ne sommes pas au bout du chemin ». En effet, « une convention globale a été signée l’an dernier, entre les CCI et Business France, qui maintenant se décline petit à petit pays par pays entre les entités locales, rappelle Alain Bentéjac. Tout cela est à saluer et encourager, c’est bien, mais c’est encore un point sur lequel, un jour, il faudra certainement se reposer la question, du point de vue de l’entreprise, du parcours de l’export ».
Et d’enfoncer le clou : « Toutes ces conventions permettent de clarifier ce parcours mais je pense qu’il faut aussi le simplifier ». Alain Bentéjac, qui sait les difficultés de ce rapprochement, précise : « Je vois le système et je ne peux pas dire qu’il est simple ! Même quand je lis les conventions d’un peu plus près, cela reste quand même un peu complexe pour les entreprises et les attributions respectives des uns et des autres restent un peu, parfois, parallèles ». Bref, si pour de grandes entreprises, rompues à l’export comme le groupe d’ingénierie qu’il copréside, Artelia, cela pose peu de problèmes, « je pense que pour des PME plus petites, le système reste complexe ».
L’écosystème du commerce extérieur n’en a donc pas fini avec les réformes, d’autant plus que pour Alain Bentéjac, c’est un « un sujet important, clé même, pour les PME en particulier, car ce sont les principaux organismes qui mènent concrètement le soutien à l’export »…
Christine Gilguy
* Les mesures choc de la Mission Desponts / Bentéjac pour réformer le millefeuille
** L’intégralité de cet entretien, qui porte également sur le nouveau rôle des CCEF et leurs relations avec l’État, est dans France/Europe, Guide 2016 des aides à l’export pour les PME & ETI, à paraître le 19 mai. Pour en savoir plus, cliquez ICI
Pour prolonger :
–AFD / Développement : les milieux d’affaires regrettent la suspension du projet de rapprochement avec la CDC
–Partenariat CCI – Business France : 39 conventions signées à l’étranger, 638 entreprises aidées
–Aides à l’export/Pays de la Loire : ce que dit la convention de partenariat signée entre la CCIR et Business France