Chaque année, une taxe fiscale dite « taxe affectée » est collectée auprès des entreprises de la filière française du cuir et prélevée sur les importations hors UE de la filière pour être redistribuée aux plus petites entreprises. Cette taxe est collectée par le Centre technique du cuir (CTC) et sert à financer des programmes de recherche et d’innovation, des travaux de normalisation, de la formation professionnelle, la transmission du savoir-faire ou encore l’accompagnement à l’international des entreprises de cette filière fortement exportatrice… Or le plafonnement de la taxe affectée voté en 2011 par l’État ne permet plus de reverser aux PME et TPE la totalité du montant collecté, une mesure qui a déclenché l’ire de la profession.
Et pour cause. Le plafond a été fixé à 12,5 millions d’euros en 2011, puis abaissé à 12,25 millions d’euros en 2016. Mais l’an dernier, le secteur a collecté 14 millions d’euros de sorte que « toute la collecte qui se situe au dessus du plafond, ce qu’on appelle l’écrêtement, tombe dans le budget de l’État », déplorait Frank Boehly, le président du Conseil national du cuir (CNC), lors de la présentation à Paris le 24 janvier d’un livre blanc pour répondre aux enjeux de compétitivité des entreprises du cuir. « Depuis 4 ans, l’État nous a collecté, je pourrais même dire ‘détourné’ 4,6 millions d’euros qui auraient dû aller dans les caisses de la profession », s’est-il indigné.
À l’approche de l’échéance électorale, le CNC, confédération interprofessionnelle qui regroupe 20 fédérations et syndicats professionnels des métiers du cuir, depuis l’élevage jusqu’à la distribution de produits finis, est monté au créneau pour demander le « déplafonnement » de la taxe affectée. Cette revendication est la première des 10 propositions rédigées dans son livre blanc pour optimiser les performances des industries du cuir.
Le plafonnement de la taxe restreint les aides à l’export
Le CNC rassemble 9 400 entreprises qui sont pour l’essentiel des PME et TPE sous-traitantes de grands groupes comme LVMH. Positionnées sur le haut de gamme, celles-ci ont généré un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros en 2016 dont 9,3 milliards à l’export. « Ce chiffre réalisé à l’export montre la capacité de nos entreprises à conquérir des marchés », a glissé Frank Boehly. Mais le plafonnement de la taxe pénalise les PME en limitant leurs aides à l’export.
Car la taxe affectée est redistribuée par la Commission de développement économique au sein de laquelle siègent les 20 fédérations du CNC. « Cette taxe a deux grandes affectations », précise au Moci Yves Morin, directeur général du CTC. Une première partie (60 % du montant de la taxe) est affectée à « des travaux mutualisés pour la profession » tels que des travaux de recherche et d’innovation, des travaux de normalisation, des travaux concernant la formation continue ou encore des travaux d’intelligence économique (veille, diffusion de publications, édition d’ouvrages). « Les 40 % restant du montant de la taxe sont attribués sous la forme de subventions aux entreprises et aux fédérations ».
Les entreprises perçoivent directement des aides pour l’accompagnement à l’international qui s’élèvent en moyenne à 4 millions d’euros par an. Ces aides ont pour objectif le financement de leur participation à des salons à l’étranger ou des salons français d’envergure internationale. L’intervention représente 50 % des frais éligibles (transport, hébergement, location du stand). « La subvention finance également des missions de prospection commerciale et de sourcing à l’international », détaille Yves Morin. Les exportations de produits de maroquinerie (sac à main, petite maroquinerie, bracelets de montre) ont progressé de 5 % entre janvier 2016 et novembre 2016 à 5,4 milliards d’euros.
À l’inverse « dans la chaussure, on importe beaucoup », renseigne Yves Morin, d’où l’organisation de missions de sourcing à l’étranger. Sur cette période, les importations de chaussures ont augmenté de 5 % à 5,96 milliards d’euros. « L’international c’est l’ADN de la profession, s’il n’ y a pas d’international, il n’y a plus de métier », conclut-il.
Un premier gain de cause
Au cours des cinq dernières années, la filière a vu son chiffre d’affaires progresser de 38 %. Du fait de ces performances, le montant de la taxe affectée progresse mécaniquement mais le plafonnement voté en 2011 ne permet plus à la profession de bénéficier de cette augmentation. « C’est un manque à gagner considérable car il y a des entreprises qui n’ont pas les moyens de financer en totalité leur présence sur un salon », confiait encore au Moci Frank Boehly. « Et donc ce développement à l’export qui est absolument indispensable est limité », a-t-il encore dénoncé.
La profession a obtenu un premier gain de cause. L’amendement soutenu par la filière et visant à relever le plafond de 12,25 millions à 13,25 millions d’euros a été adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 16 décembre dernier lors du débat sur le Projet de loi de finances (PLF) 2017. « Nous sommes très satisfaits de ce succès », a déclaré Frank Boehly. « Mais de toute façon en 2017 nous verserons encore 700 000 euros à l’État ce qui est absolument inacceptable, anti-économique ! » a martelé le président du CNC, qui ne décolère pas et souhaite « la suppression de ce plafond ». Le CNC entend bien poursuivre ses efforts pour disposer de la totalité du montant collecté par la taxe affectée afin de favoriser le dynamisme de la filière cuir et la compétitivité de ses entreprises en France et à l’international.
Venice Affre
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