Quelque 500 représentants d’une vingtaine de pays africains, dont 400 entrepreneurs, ont assisté aux Journées Afrique, développement et numérique, les 27 et 28 octobre au ministère de l’Économie et de finances, à Paris. Une manifestation qui, un mois après les Rencontres Africa France organisées par le Quai d’Orsay, s’inscrivait dans le cadre des préparatifs du prochain sommet Afrique France à Bamako, en janvier. Elle avait été précédée, le 26 octobre, par des rencontres B to B entre sociétés françaises et africaines, venues pour nouer des partenariats et trouver des financements. Mais si la Direction générale de l’économie (DGE) à Bercy invitait, ce grand rassemblement n’aurait pu être possible sans l’implication du groupe Export du Comité stratégique de la filière (CSF) numérique, instance de dialogue entre les pouvoirs publics et les entreprises présidée par Alexandre Zapolsky, P-dg de l’éditeur de logiciels libres Linagora et également pilote du groupe numérique de l’association AfricaFrance.
Très actif depuis 2015, le groupe Export s’était à l’époque engagé dans la préparation des premières Rencontres Afrique numérique, organisées à Abidjan les 9 et 10 avril. Le groupe de travail au sein du CSF, qui s’inscrit dans le cadre du plan d’actions national Développement et numérique 2015-2017, a « pour ambition de constituer l’Alliance de développement digital (ADD), un large rassemblement des initiatives privées au service du développement, avec pour base l’Afrique », a précisé au Moci Alexandre Zapolsky, avant l’ouverture des débats par la secrétaire d’Etat au numérique et à l’innovation, Axelle Lemaire.
En l’occurrence, ces journées ont aussi été une occasion de mieux connaître cet univers foisonnant, ou le réseautage se jouent des frontières, quelles soient géographiques ou sectorielles. Quelques échos en attestent.
Les French Tech Hub d’Abidjan et du Cap représentés
Ouvrant les débats, Axelle Lemaire a rappelé que le plan Développement numérique est « sous la responsabilité d’André Vallini, secrétaire d’Etat chargé du Développement et de la francophonie, et coconstruit avec la société civile ». Preuve en est, notamment, « les écosystèmes d’innovation avec le label ou la marque ouverte French Tech dans des hubs à l’étranger, à l’instar d’Abidjan et du Cap en Afrique, qui sont mobilisés ».
Lors des Journées Afrique à Paris, la délégation ivoirienne était composée d’une quinzaine d’entreprises, dont deux startups membres de la French Tech Abidjan. Trois autres startups étaient venues avec la French Tech du Cap, en Afrique du Sud.
« Pour ces Journées, la French Tech dans la capitale économique de Côte d’Ivoire, composée d’une dizaine de sociétés, a retenu, dans un premier temps, 35 candidats, puis sélectionné six d’entre eux pour, enfin, en choisir deux, Coliba (contenus numériques) et Lifi-Led (infrastructures) », a expliqué Fabrice Piofret, P-dg de Veilleur des médias, à Abidjan. Coliba est ainsi venue à Paris pour espérer lever 500 000 euros et Lifi-Led ambitionnant un million.
De son côté, installé au Cap, Sébastien Lacour, directeur général de PayGenius (paiement mobile), a, pour sa part, confié au Moci l’ambition de la French Tech en Afrique du Sud d’ouvrir dans cette ville un espace physique pour les entrepreneurs français et sud-africains, y compris les développeurs qui pourraient créer leurs sociétés en France en profitant des avantages du «French Ticket », un programme mis en place par Bercy pour attirer en France les startups étrangères.
Un salon en Tunisie, une agence pour l’investissement au Mali
Ces journées ont aussi été l’occasion de rencontrer des fonctionnaires africains ayant migré vers le secteur privé, ou le contraire, à l’instar de Ferid Tounsi. Cet ancien directeur général de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation Api-Tunisie (août 2010-novembre 2012), depuis avril 2015 P-dg de la société de conseil Tunisie Afrique Export implantée au parc d’expositions du Kram à Tunis, était venu promouvoir la deuxième édition du Salon international des technologies de l’information et de la communication dédié à l’Afrique, Sitic Africa 2017 (18-20 avril).
De son côté, ancien responsable chez Mazars en France pendant une dizaine d’années, le Malien Mady Diakité a été recruté par l’Agence pour la promotion des investissements (Api) à Bamako pour organiser l’Api, qui devrait être renforcée dans le futur avec l’intégration de nouvelles compétences, comme la gestion des zones industrielles et l’exportation. Ce projet serait soutenu par des organisations internationales, comme la Banque africaine de développement (Bad) et l’Agence française de développement (AFD). Selon Diaby Makité, « 80 % des process à l’Api seraient déjà dématérialisés. Et la professionnalisation et la numérisation, qui permettent d’apporter une totale transparence des systèmes, doivent aider à reconquérir les investisseurs ».
A. Lemaire : « il faut penser ensemble infrastructures, contenus, services »
Plusieurs représentants des États africains ont eu l’occasion à Paris de s’exprimer, avant que la secrétaire d’État reprenne la parole (de Madagascar, Tunisie, Centrafrique, Soudan, Burkina Faso, Sénégal, notamment). Axelle Lemaire a ainsi relevé que ceux-ci dans leur ensemble avaient affiché « leurs besoins d’infrastructures ». Et de convenir que « la fibre optique est essentielle », mais, pour autant, a-t-elle insisté, « il faut penser ensemble infrastructures, contenus, services, avec des applications aussi diverses que l’e-santé, l’e-éducation ou l’e-administration ».
Pour Axelle Lemaire, « promouvoir un agenda de programmes ne peut se faire sans les entreprises ». Évoquant son expérience de chef du gouvernement du Bénin, Lionel Zinsou, qui copréside l’association AfricaFrance, a « pu observer l’absence de dialogue et donc de lien entre secteurs public et privé », le premier étant concentré sur les infrastructures, pendant que le second, « qui regarde vers la Chine, a besoin d’accompagnement et de financement ».
D’après la Banque mondiale, 10 % de connexion haut débit supplémentaire équivaut à 1,4 % de croissance. Le bénéfice est donc réel. Toutefois, prévenait Laurent Gimaldi, en charge du programme BroadBand4Africa chez Eutelsat, « la fibre optique, c’est surtout bien pour l’urbain. Il y a bien sûr également la 4G et le satellite, et sa nouvelle génération pour apporter le haut débit au plus grand nombre ».
L. Zinsou : « l’equity crowfunding n’est pas une façon d’être plus à la mode »
« L’Afrique n’est pas financée, pas seulement dans le numérique, mais les PME en général », regrettait encore Lionel Zinsou. « Nous finançons, ajoutait-il, qu’à hauteur d’un sixième de ce qui est nécessaire et, en l’absence de financement, les PME formelles s’engagent dans le crowfunding ». Donc, assurait-il, « l’equity crowfunding n’est pas une façon d’être plus à la mode, c’est la seule façon de mettre du capital au profit des PME ».
Or, le financement n’est pas encore le seul problème. Reprenant sa casquette d’ancien Premier ministre, Lionel Zinsou a relaté qu’il n’avait jamais pu convaincre l’opérateur public de télécommunications au Bénin de lui installer la fibre optique, alors qu’il suffisait de creuser une tranchée de 500 mètres. Résultat : il devait « se brancher sur le réseau du café du coin, Le Pélican ». Et le président d’AfricaFrance de conclure : « si on veut que la croissance soit incluse, il faut non seulement qu’elle soit financée, mais elle doit être partagée ».
François Pargny
Pour prolonger :
Lire au sommaire de la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Afrique / France : Axelle Lemaire répond à l’Algérien Kaci Ait Yala sur la France qui « va mal »
Et aussi :
– Dossier spécial : Quand l’Afrique fait sa révolution technologique
– Guide business Côte d’Ivoire 2016
– Dossier spécial : Travailler avec l’Afrique
– Rapport Afrique CIAN 2016 – Les entreprises françaises & l’Afrique