Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée dès le 11 janvier auprès des abonnés de la Lettre confidentielle.
Nommé le 1er novembre dernier directeur général d’AfricaFrance, Jean-Michel Debrat détaille sa feuille de route dans un entretien exclusif à la Lettre confidentielle, le 7 janvier, à quelques semaines du premier anniversaire de cette association initialement créée par Lionel Zinsou, le 6 février 2015. L’occasion pour l’ancien numéro deux de l’AFD (Agence française de développement, 2002-2010) de préciser le rôle que doit jouer cette association, issue d’un projet présidentiel visant à refonder le partenariat entre l’Afrique et la France, et la méthode qu’il entend appliquer à un an du prochain Sommet Afrique-France, à Bamako.
« Nous devons déposer des propositions à la conférence entre les chefs d’États africains et français, en janvier 2017 au Mali, qui pourraient aboutir à une résolution », précise le nouveau dirigeant, nommé par Lionel Zinsou, le président fondateur d’AfricaFrance, actuel Premier ministre du Bénin. Un processus qui évolue d’un Sommet à l’autre, pourrait-on dire, puisque la création d’«AfricaFrance pour une croissance partagée » – le nom complet de cette association- avait été entérinée en décembre 2013, lors du Sommet Paix et Sécurité de l’Élysée en décembre 2013, sur la base du rapport « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France », rédigé par Hubert Védrine, Tidjane Thiam, Jean-Michel Severino, Hakim El Karoui et Lionel Zinsou.
Création d’une dizaine de cercles de réflexion
Le sujet d’AfricaFrance, c’est le développement durable, explique à la LC Jean-Michel Debrat. « Nous sommes un bureau d’étude, de conseil, de design, mais pas plus, tient-il à préciser. Nous ne jouerons pas les intermédiaires pour une entreprise et les entreprises françaises, en particulier, n’ont pas besoin de nous pour leurs intérêts commerciaux à court terme. En revanche, nous allons leur donner une vision prospective du développement durable de l’Afrique ».
C’est pourquoi selon lui il est important que l’association fonctionne comme « un club d’entreprises », réunissant des personnes morales : entreprises, petites et grandes, françaises et africaines, faisant remonter l’information, des associations, des établissements publics ou des collectivités territoriales, à l’instar des villes de Paris et Bordeaux ou du département des Yvelines. Le cœur du dispositif, ce sont les cercles de réflexion ou « clusters » en anglais. Le principe général est une composition mixte, parfaitement équilibrée entre Africains et Français, et la désignation d’au moins un pilote.
Une petite dizaine de ces structures est déjà formée ou en voie de constitution, à l’instar du groupe de travail sur les finances (qui fera sans doute découpé en sous-secteurs : accès des PME aux financements, droit boursier…), dont le pilote est l’organisme des marchés financiers Paris Europlace.
Les autres chefs de groupe sont le cabinet DLA Piper pour le cluster Droit, le géant CMA CGM pour Transport, la compagnie Avril et le consortium d’organismes de recherche et de formation supérieure Agreenium pour Agroalimentaire, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) pour Industries culturelles, Atos (plus particulièrement pour éducation, formation, e-learning) et Orange pour Économie numérique, l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Danone et la division RSE d’Orange pour Innovation sociétale (incubateur, start-up…). Quatre autres cercles de réflexion seront rapidement mis en place : Entrepreneuriat au féminin, Sport, Mode, Développement urbain.
Développer les partenariats privé-public
Dans tous les cercles de réflexion, un thème transversal et récurrent est la formation. C’est d’ailleurs dans ce domaine qu’AfricaFrance a réussi ses premières armes, avec, au tout départ, RH Excellence (REA), un programme de partenariat privé-public (PPP) entre entreprises privées et centres de formation professionnelle apporté par le Conseil des investisseurs français en Afrique (Cian), et, plus récemment, le programme de formation dédié aux décideurs africains Leaders pour l’Afrique de demain (LeAD Campus). « AfricaFrance agit comme une boîte à outils pour le montage de prototypes, mais nous ne serons jamais à la maîtrise d’ouvrage », expose Jean-Michel Debrat.
Dans le cas de LeAD Campus, le maître d’ouvrage est un consortium, composé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, l’International School of Management (ISM) de Dakar et l’Université du Cap (UCT). Quant au « financeur », il s’agit de l’État français, « mais, pour aller plus loin à l’avenir, a aussi indiqué le directeur général d’AfricaFrance, nous allons devoir convaincre d’autres établissements de participer au financement, comme la Banque africaine de développement (Bad), la Banque européenne d’investissement (BEI), l’AFD ou la Banque mondiale ».
Fort d’une expérience de 20 années à l’AFD, Jean-Michel Debrat croit au futur des PPP – dont il remarque que la moitié fonctionne en Afrique – à condition, toutefois, que les départs les règles soient bien précisées, notamment pour éviter « les dérives et les déviances ». Il faut aussi « un équilibre total entre les parties françaises et africaines pour aller dans la durée » et c’est pourquoi «la formation de juristes africains est importante », car, selon lui, ce n’est que parce que « chacune des parties », africaine et française, possède des outils similaires que le PPP fonctionnera. Donc, selon lui, « il faut des verrous, ne pas se tromper de finalités », ce qui prend « du temps, entre un à deux ans ».
Une rencontre le 5 janvier avec Muriel Pénicaud, Dg de Business France
Jean-Michel Debrat, qui a eu l’occasion, avant sa nomination, de partager quelques idées avec le comité de pilotage de l’association (composé notamment de représentants de Bercy et du Quai d’Orsay), a eu le temps de rencontrer les acteurs français en Afrique comme l’AFD et le Cian. Pour lui, il n’y a pas de concurrence, « il manque un maillon », les autres organismes, comme le Medef ou Business France, pouvant également « apporter une méthode ».
Le directeur général d’AfricaFrance a rencontré pendant une heure son homologue de l’agence publique dédiée au développement international des entreprises et aux investisseurs étrangers, Business France, Muriel Pénicaud, le 5 janvier. Quatre sujets seraient sur la table, mais il n’a pas voulu les citer. Toutefois, d’après nos informations, la coopération la plus aisée à développer entre les deux institutions porterait sur la circulation des travailleurs, tant en France qu’en Afrique, avec un volet particulièrement important pour les entreprises françaises, notamment les PME : les volontaires internationaux en entreprises (VIE), dispositif de l’État français géré par Business France.
D’une «fondation » à une «association »
Au départ, les auteurs du rapport « Un partenariat pour l’avenir » parlaient de la création d’une fondation. « Peu importe, c’est une association. Créer une fondation demanderait 1,5 million d’euros, ce qui est peu. Mais en tant qu’association nous pouvons aussi créer, si besoin est, un fond de dotation et c’est peut-être ce qui sera fait, nous verrons », a évoqué Jean-Michel Debrat, aujourd’hui à la tête d’une structure comptant cinq personnes (deux salariés, un apprenti, deux stagiaires), hébergée gracieusement rue de Penthièvre par la Fondation énergies pour l’Afrique de l’ancien ministre de l’Environnement Jean-Louis Borloo.
A la présidence d’AfricaFrance, officiellement depuis décembre 2015, le franco-béninois Lionel Zinsou n’est plus seul, puisque le P-dg d’Orange, Stéphane Richard, a été nommé coprésident. «Un homme qui connaît et aime personnellement l’Afrique et dont le groupe est très impliqué sur ce continent », se félicite Jean-Michel Debrat. Outre les deux coprésidents, la gouvernance est aussi assurée par la Kényane Jacqueline Mugo, secrétaire générale, et le Sénégalais Amadou Kane, trésorier. « Quatre personnalités qui toutes se connaissent et qui me connaissent », souligne le directeur général. Une cohésion sur laquelle il tient à insister, car elle est essentielle pour aboutir à un succès. Lancée avec dix adhérents, l’association pourrait en compter une centaine d’ici à quelques semaines.
François Pargny
Pour prolonger :
Lire en ligne les articles suivants :
–AfricaFrance/Orange : S. Richard, coprésident pour une vision moderne de l’Afrique et de l’entrepreneuriat
–France/Afrique : un ancien numéro 2 de l’AFD à la tête de l’association
–Association FranceAfrique : Jean-Michel Debrat remettra un rapport d’audit vers fin octobre