Alors que les forums, conférences et autres événements business sur l’Afrique se multiplient depuis deux ans en France à la suite d’une mobilisation déclenchée par les nouvelles perspectives de croissance du continent, aucun pays d’Afrique subsaharienne ne fait partie du top 10 des pays visés en 2016 par les 938 PME et ETI françaises interrogées dans le cadre du dernier baromètre export d’Euler Hermes présenté le 31 mai à Paris, où le seul pays du continent cité est l’Algérie*. Un paradoxe ou le résultat d’une offre commerciale inadaptée ?
Pour Ludovic Subran, cette réalité a plusieurs explications. D’abord, un « gros effet prix » qui pénalise les produits français. Avec l’effondrement des prix des matières premières, les monnaies de plusieurs grands marchés africains comme le naira nigérian ou le rand sud-africain, qui représentent à eux seuls 50 % du PIB subsaharien, se sont fortement dépréciées, rendant l’offre française inabordable par rapport à la concurrence venue d’Asie ou d’Afrique même (Maroc), notamment. De fait, l’Afrique subsaharienne est aussi absente du top 10 des pays d’exportation des entreprises françaises en 2016, seuls l’Algérie, encore, et le Maroc, en faisant partie.
« Dans plus de 60 % des cas, les clients payent comptant »
Mais au-delà des prix, les conditions commerciales proposées par les entreprises françaises « ne sont pas bonnes », selon Ludovic Subran. En s’appuyant sur l’étude des conditions de paiement telles qu’elles sont détaillées par l’Atlas des risques pays du Moci dans 31 pays africains (prochaine édition le 30 juin 2016), l’équipe d’économistes d’Euler Hermes a découvert que « dans plus de 60 % des cas, les clients payent comptant ». Les informations du Moci sont issues des pratiques des credit manager internationaux.
Il s’agit d’une conséquence du manque de transparence financière des entreprises en Afrique, qui rend difficile l’obtention d’informations sur la solvabilité des sociétés et rend frileuses les sociétés françaises et européennes en général, alors que les assureurs-crédits eux-mêmes commencent à peine à investir dans ce domaine. Mais en attendant, ces pratiques réduisent les capacités de financement des entreprises africaines, en particulier les PME, d’autant plus que les banques les financent peu. « Si vous accordiez des délais de paiements de 30 jours, vous libéreriez 40 à 45 milliards de pouvoir d’achat », a calculé le chef économiste d’Euler Hermes.
Le résultat est là : « Peu de monde leur propose des conditions de crédit », constate le chef économiste d’Euler Hermes… De sorte que même en Afrique de l’Ouest, zone où les Français sont perçus comme des partenaires privilégiés, la France ne profite pas autant qu’on pourrait l’espérer, du point de vue de son commerce extérieur, du regain de croissance que connaissent certains pays. A part les Chinois, les Coréens (sur la construction) ou encore les Marocains, qui eux, proposent des facilités de paiement…
Christine Gilguy
*Lire sur notre site : Export / Conjoncture : les pays émergents ont moins la cote auprès des entreprises françaises, selon Euler Hermes