S’il ne fallait retenir que deux mots de l’intervention de Rémy Rioux, lors d’une réunion interne à l’Agence française de développement (AFD) le 4 octobre, ce serait « autonomie » et « Afrique ». D’après un participant à cette assemblée à huis clos, organisée 100 jours après la prise en mains de l’institution par l’ancien secrétaire général adjoint du Quai d’Orsay, le directeur général de l’AFD veut « convertir la machine administrative en une organisation souple, avec des circuits courts, capable de lui donner une réelle autonomie ».
Le fait que Rémy Rioux ne veuille plus entendre parler du mot « tutelle », préférant le remplacer par « actionnaires », illustrerait sa volonté de transformer l’AFD en une sorte de « Jica », du nom de l’agence japonaise de coopération, indépendante de l’État. Le rapprochement avec la Caisse des dépôts (CDC) devrait lui en donner l’opportunité.
La convention de partenariat qui a déjà été annoncée avec la CDC pourrait être signée lors des manifestations liées au 75ème anniversaire de l’AFD début décembre. Le programme des festivités comporte plusieurs colloques et conférences, notamment sur les économies ultra-marines, et un évènement officiel au Musée du Quai Branly, en présence du président de la République.
Redéfinir les relations avec le pouvoir
Deuxième axe stratégique, l’Afrique. Contrairement à sa prédécesseure, Anne Paugam, jugée trop distante vis-à-vis des leaders du continent, Rémy Rioux, dès son entrée en fonction, a affiché sa proximité avec les chefs d’État et de gouvernement, prenant son bâton de pèlerin pour visiter principalement les pays francophones, accompagnant également le Premier ministre français, Manuel Valls, au Sénégal fin septembre. Il doit encore recevoir d’ici la fin de la semaine Azali Assoumani, le chef de l’État et du gouvernement de l’Union des Comores, et se rendre dans les prochaines semaines à Madagascar, qui accueillera le 16e Sommet de la francophonie fin novembre.
Le 4 octobre, Rémy Rioux a confirmé que l’Afrique était la priorité, y compris l’Afrique du Nord. L’interlocuteur de la Lettre confidentielle rapporte « l’ambition du directeur général de redéfinir les relations avec le pouvoir politique en Afrique ». De façon concrète, Rémy Rioux veut convaincre les chefs d’État du continent de s’engager « à la fois politiquement et budgétairement ». Ce serait indispensable pour « gagner la confiance d’autres bailleurs de fonds ».
Par ailleurs, l’objectif de 12 milliards d’euros d’engagements fixé en 2020 nécessitera de mobiliser les acteurs français : élus nationaux, collectivités locales, société civile et entreprises. L’Afrique est un continent « très sensible » pour la France, non seulement pour des raisons historiques, mais aussi parce qu’aux portes de l’Europe ce continent est victime de sa démographique galopante et que les flux migratoires y sont conséquents. Faute de planning familial et d’actions à long terme, un pays comme le Niger possèdera une population de 60 à 80 millions d’habitants en 2050, un chiffre qui s’élèvera à 180-200 millions à la fin du siècle.
Des points à développer : numérique et gouvernance
Selon le cadre de l’AFD rencontré par la LC, Rémy Rioux a clôturé rapidement le sujet de l’extension géographique de l’agence, indiquant, néanmoins, son déplacement prévu dans quelques semaines au Vietnam, et évoqué tout aussi rapidement certains points forts de l’agence – le climat, le non-souverain public et le secteur privé – insistant au contraire sur les points à développer, le numérique et la gouvernance.
Et s’il fallait alors une preuve de la volonté du directeur général d’impulser une nouvelle dynamique à l’AFD, on la trouverait notamment dans sa politique de ressources humaines. « Outre la nomination d’une nouvelle équipe de direction – dont Catherine Garetta à un poste nouvellement créé de médiation, dans un souci de dialogue et de cohésion – le plan global d’embauche va être supérieur à ce qui était attendu, avec 377 recrutements prévus cette année, ce qui équivaudra en net à 228 nouveaux postes. Parallèlement, l’agence a entamé la recherche de 4 000 m² de nouveaux bureaux à louer », a encore détaillé notre interlocuteur. Enfin, l’AFD, pour être plus agile, cherche à s’extraire de la supervision un peu pesante de la Banque centrale européenne (BCE). Et c’est pourquoi elle travaille à l’heure actuelle à la modification de son statut juridique. D’établissement de crédit, elle pourrait ainsi devenir une société de financement.
François Pargny
Pour prolonger :
– AFD / Développement : les trois chantiers sur la feuille de route de Rémy Rioux
– Rencontres Africa 2016 : quand la France retrouve l’Afrique sur le terrain du business
– AFD / Développement : la nouvelle garde rapprochée de R. Rioux
– AFD / Développement : les trois chantiers sur la feuille de route de Rémy Rioux
– AFD / Développement : Rémy Rioux officiellement nommé directeur général