Sept ans après avoir succédé à Patrice Hoppenot comme président du fonds Investisseurs et Partenaires (I&P), Jean-Michel Severino lance I&P Conseil, « un laboratoire de développement pour les PME africaines », dont la direction est confiée à Cécile Carlier, une spécialiste de l’appui aux PME en Afrique subsaharienne, dotée d’une solide expérience au sein des Nations Unies.
Pionnier en matière d’investissement d’impact, c’est-à-dire de soutien à des projets de développement mariant responsabilité sociale et environnementale et rendement financier, I&P franchit une nouvelle étape dans l’aide à la bonne gouvernance des entreprises. De façon concrète, expliquaient Jean-Michel Severino et Cécile Carlier, lors d’une conférence de presse à Paris, le 7 juillet, I&P Conseil va fournir des études d’impact, des formations et des services d’aide au développement de projet à des acteurs institutionnels et des investisseurs désireux de favoriser la création ou l’émergence de sociétés africaines.
Les + et les – de Bio Tropical au Cameroun
« Les études d’impact n’ont pas pour objectif de délivrer une belle histoire, mais de pouvoir dégager ce qui va et ne va pas pour orienter ensuite les décisions », soulignait Jean-Michel Severino, ancien vice-président de la Banque mondiale pour l’Extrême Orient (1997-2000) et directeur général de l’Agence française et développement (2001-2010). A ce jour, cinq études d’impact seraient déjà en cours ou finalisées selon Élodie Nocquet, collaboratrice d’I&P, spécialiste de la gestion d’impact au sein de l’équipe constituée autour de Cécile Carlier (*).
Élodie Nocquet citait, par exemple, le cas du projet de Bio Tropical, un transformateur bio de fruits tropicaux livrés par des petits producteurs au Cameroun. L’étude d’impact a montré que la démarche de l’entreprise avait des aspects positifs, comme l’accroissement des revenus des petits agriculteurs, mais que d’autres aspects devaient absolument être améliorés, comme la dépendance qui en découle pour ces petits producteurs. En particulier, quand le marché français n’est plus aussi porteur, la baisse des ventes de Bio Tropical a des répercussions négatives sur les revenus des producteurs.
Le traitement des déchets, un secteur pour la France
« Dans le cas de cette entreprise, on s’est aussi beaucoup intéressé à ses salariés. Et nous avons découvert, a relaté Jean-Michel Severino, que si ceux-ci gagnaient plus quand ils travaillaient dans l’informel, que s’ils n’étaient pas loin non plus de considérer le paiement de cotisations sociales comme de la prédation, en revanche, ils trouvaient un avantage considérable dans une entreprise que nous supportions comme Bio Tropical. De façon concrète, en entrant dans une entreprise formelle comme Bio Tropical, ces travailleurs s’ouvraient la possibilité de se rendre régulièrement à la banque et ainsi d’emprunter pour leur logement ». En d’autres termes, concluait-il, « ce que I&P ne pouvait pas leur apporter en termes de revenus en supportant Bio Tropical, ils l’avaient sous une autre forme qui était la possibilité que nous leur donnions d’épargner ».
Le cas de Bio Tropical n’est pas unique. Les expériences novatrices se multiplient. Certains secteurs sont particulièrement déficients « comme les déchets, qui devraient intéresser les PME africaines comme les sociétés françaises », indiquait Cécile Carlier, citant le cas de la société d’Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam), dont l’activité était freinée parce qu’elle ne pouvait assurer la collecte des déchets ménagers que dans certains quartiers de Douala et Yaoundé. Finalement, se réjouissait-elle, « Hysacam a reçu le renfort d’ONG pour assurer la formation de la population et le système de tri préalable dans les quartiers où elle ne pouvait assurer ce service spécifique ». Autre belle réussite, celle de la PME togolaise Africa Global Recycling (AGR), « qui a créé 15 emplois en organisant la collecte de déchets industriels et en livrant dans le monde des déchets qui sont recyclés », se félicitait Cécile Carlier.
Des partenariats et une première formation à Paris
I&P Conseil n’entend pas tout faire et opérer seul. « Nous travaillons avec l’Ademe qui a une expérience de l’énergie verte et de l’économie circulaire pour diffuser et trouver des relais », a ainsi dévoilé Cécile Carlier. Un partenariat a également été noué avec la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi). Du 9 au 11 octobre, dans les locaux d’I&P à Paris, une formation de haut niveau, montée avec le Ferdi, sera ainsi donnée sur l’investissement d’impact avec des experts francophones : Jean-Michel Severino, qui préside également le Conseil d’administration d’EBI, filiale internationale du groupe bancaire panafricain Ecobank (**), Patrick Guillaumont, président de la Ferdi, Laurence Méhaignerie, président et cofondatrice de Citizen Capital, Bernard Giraud, co-fondateur et président de Livelihoods Venture, etc. Cette action visera à faciliter le développement des projets, tant des opérateurs privés que publics, et à « enrichir les modes plus traditionnels de financement ».
« Je ne suis ni afro optimiste, ni afro pessimiste », assurait Jean-Michel Severino, selon lequel I&P est « un produit du moment de l’Afrique », se trouvant ainsi « à un moment intermédiaire d’une Afrique qui monte, sans, pour autant, que ce soit encore suffisant ». I&P compte à l’heure actuelle quelque 70 collaborateurs en France et en Afrique subsaharienne et est présent dans une cinquantaine de sociétés. Son président, qui a publié en mars dernier avec Jérémy Hadjenberg » Entreprenante Afrique » (Odile Jacob), s’est fixé un objectif ambitieux : accompagner 600 projets et créer 20 000 emplois directs en Afrique dans les dix ans à venir.
(*) S’agissant des membres d’I&P Conseil, lire la LC de la semaine dernière à la rubrique Mouvements / Nominations.
(**) S’agissant d’EBI, lire les déclarations sur l’Afrique de son directeur général, Ibrahim Diouf, dans la LC de cette semaine à la rubrique Ils ont dit
François Pargny
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