Comme nous l’annoncions la semaine dernière, le départ d’Anne Paugam de la direction de l’Agence française de développement (AFD), qu’elle occupe depuis juin 2013, semble se confirmer. « Dans la mesure où François Hollande en personne a annoncé son projet d’adossement de l’agence à la Caisse des dépôts (CDC), il était normal que le directeur général change », commente prudemment un familier de l’écosystème de la coopération française. D’autres motifs moins avouables pourraient, toutefois, expliquer ce mouvement, selon les informations obtenues de différentes sources par la Lettre confidentielle.
La directrice générale de l’AFD pourrait ainsi payer le fait d’avoir suivi la Direction générale du Trésor (DGT), opposée à un projet qui lui aurait fait perdre le contrôle effectif de l’AFD, au risque de contrer le ministère des Affaires étrangères et du développement international (Maedi) qui, pour sa part, y était favorable. D’autre part, Anne Paugam est accusée par certains d’immobilisme : contrairement à ses prédécesseurs, Antoine Pouilleute (1995-2001), Jean-Michel Severino (2001-2010) et Dov Zerah (2010-2013), elle n’aurait pas suffisamment développé l’activité de la maison selon ces détracteurs. Enfin, « son management est contesté par les syndicats de la maison », pointe un fin connaisseur de l’AFD.
Relancer le processus de rapprochement AFD-CDC ?
La fin du mandat actuel d’Anne Paugam s’achevant en juin, son successeur sera probablement nommé en conseil des ministres en mai, soit quelques semaines avant le prochain Comité interministériel de la coopération internationale et du développement devant se dérouler cet été, peut-être en juillet. La future directrice générale pourrait alors relancer un processus d’adossement de l’AFD à la CDC, qui a échoué, pense-t-on, pour avoir été trop précipité. « Il a été trop vite lancé, alors qu’il n’y avait ni agenda ni méthodologie », confirme à la LC un bon connaisseur de l’écosystème franco-africain.
Selon cet interlocuteur qui a ses entrées dans les deux administrations, enterrant finalement la hache de guerre, le Quai d’Orsay et Bercy viendraient ainsi de s’accorder sur le successeur d’Anne Paugam, un rapprochement qui aurait été facilité par le départ de Laurent Fabius au Conseil constitutionnel et son remplacement à la tête du Maedi par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault « qui, ne semble pas beaucoup s’intéresser – du moins jusqu’à présent – à l’Afrique ».
Odile Renaud-Basso probable successeur d’Anne Paugam
Selon des sources concordantes, c’est la directrice générale adjointe de la CDC, Odile Renaud-Basso, également directrice des Fonds d’épargne, qui prendra les rênes de l’AFD. Cet ancien auditeur à la Cour des Comptes (1990-1994) connaît à la fois bien le Trésor, Jean-Marc Ayrault – dont elle fut la directrice adjointe du cabinet en 2012-2013 quand il était Premier ministre -, les institutions européennes et, un peu, l’Afrique.
A Bercy, elle a commencé comme adjointe au chef du bureau Afrique-zone franc (1994-1996), avant d’y occuper tour à tour des postes importants : secrétaire générale du Club de Paris, chef du bureau en charge de la dette et de l’assurance-crédit (1996–1999), chef du bureau du financement des PME, secrétaire générale du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) (1999–2001), sous-directrice en charge des affaires européennes et multilatérales (2001–2003), chef du service du financement de l’économie (2003-2004) et chef du service international (2004-2005). Entre 2005 et 2012, elle a mené une carrière à Bruxelles, d’abord, comme directrice des Affaires économiques est financières à la Commission européenne (2005-2010), puis chef de cabinet adjoint du président du Conseil européen (2010-2012).
Fonder une KfW à la française
Si sa nomination est confirmée, la nouvelle directrice générale devra faire preuve d’habileté. Odile Renaud-Basso va devoir « avancer par petites touches en montrant ses qualités de manager en interne pour relancer le processus d’adossement », explique un des interlocuteurs de la LC. Ce dernier estime que François Hollande pourrait même reparler de son initiative en août, à l’occasion de la Conférence des ambassadeurs à Paris. L’objectif poursuivi par les partisans d’un adossement au sein de l’État – dont l’Élysée – serait d’éviter que l’AFD ne disparaisse comme banque de développement faute de moyens financiers et de créer un établissement financier puissant sur le modèle de la KfW allemande.
Le président de la République a annoncé l’allocation à l’agence de 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2020, ce qui se traduira par une hausse de l’activité de l’AFD de 50 % pour atteindre 12,5 milliards d’euros à cette date. « Reste à trouver l’argent. L’européanisation de l’aide publique au développement, comme l’avait imaginé en son temps Jean-Michel Severino pour faire grossir la maison, n’est plus possible compte tenu du mauvais état de l’Union européenne. La seule possibilité est la capitalisation par L’État ou la CDC », assure un de nos interlocuteurs. La Caisse des dépôts semble la voie la moins onéreuse pour L’État.
François Pargny
Pour prolonger :
– Rapprochement AFD / CDC : un dirigeant de la Caisse des dépôts pourrait piloter l’agence française
– Rapprochement AFD /CDC : les sénateurs F. Keller et Y. Collin rêvent (encore) d’une KfW à la française
– Aide au développement / International : l’AFD vers de nouveaux sommets d’engagements
– Financement / Développement international : Rémy Rioux bien placé pour diriger le nouvel attelage CDC-AFD
– Aide au développement : François Hollande confirme le rapprochement AFD-CDC