Le constructeur aéronautique américain n’est décidément pas à la fête. Après les déboires de son appareil phare le 737 Max, dont tous les modèles sont immobilisés suite au crash d’Ethiopian Airlines, Boeing doit encaisser un revers dans l’interminable feuilleton de la bataille juridique qui l’oppose à son rival Airbus à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) autour des aides d’Etat. Une nouvelle étape dans cette bataille engagée depuis 2004 vient en effet d’être franchie. Le 27 mars, l’organe d’appel de l’OMC a en effet confirmé que les États-Unis avaient continué à subventionner illégalement son avionneur, en dépit de décisions antérieures qui avaient déjà condamné ces pratiques. Mais les Américains revendiquent eux aussi une victoire. Un point s’impose.
Un avantage fiscal dans le collimateur de l’OMC
Dans le collimateur de la plus haute juridiction de l’OMC : un avantage fiscal accordé à Boeing dans l’Etat de Washington. Cette réduction du taux d’imposition de la taxe professionnelle accordée dans le fief de l’avionneur aurait permis à Boeing de vendre ses avions moins cher et ce, au détriment d’Airbus. « L’Union se félicite de la décision rendue aujourd’hui (…) qui confirme la position défendue de longue date par l’Union selon laquelle les États-Unis n’ont pris aucune mesure pour se conformer aux règles de l’OMC en ce qui concerne les aides accordées à Boeing », indique un communiqué de la Commission européenne.
Le document souligne également que le gendarme mondial du Commerce « a rejeté toutes les allégations avancées en appel par les États-Unis ». En outre, l’OMC a visé d’autres programmes, qualifiés de « subventions illégales », voire « prohibées », notamment le régime FSC (Foreign Sales Corporation), un mécanisme d’exonération fiscal en faveur des entreprises exportatrices américaines, mis en place en 1984 par les États-Unis.
Dans un rapport publié le 28 mars, l’organe d’appel de l’OMC demande donc aux Etats-Unis et à Boeing de se mettre rapidement en conformité avec les règles du commerce mondial. Faute de quoi, l’UE pourra demander l’adoption de contre-mesures à l’encontre des importations de produits américains.
Satisfecit européen
Qualifiant la décision d’une « nette victoire », John Harrison, le directeur général d’Airbus, a aussi averti son concurrent direct qu’en « l’absence de règlement, les États- Unis seront tenus de payer – à perpétuité – plusieurs milliards du fait de l’application de sanctions annuelles pour chaque programme Boeing en exploitation, alors que l’UE ne serait confrontée, dans le pire des cas, qu’à des problèmes mineurs ».
Même satisfecit à Bruxelles ou Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce, s’est engagée à poursuivre la bataille « pour garantir à nos industries des conditions de concurrence équitables. Les entreprises européennes doivent pouvoir affronter la concurrence sur un pied d’égalité et la décision prise aujourd’hui est importante à cet égard ».
Les États-Unis revendiquent eux aussi la victoire
Mais tout dépend du point de vue où l’on se place. Coté américain, le Bureau du représentant au commerce (USTR) Robert Lighthizer a lui aussi salué « une victoire majeure pour les Etats-Unis ». Selon la partie américaine, l’organe d’appel de l’OMC n’aurait en effet constaté la persistance que d’une seule subvention illégale, soit le dispositif mis en place par l’Etat de Washington qui équivaut à une exonération fiscale d’environ 100 millions de dollars par an.
Une fois encore les deux avionneurs se présentent donc comme les grands vainqueurs, à l’issue de cette nouvelle procédure. Un jeu qui dure d’ailleurs depuis des années et au cours duquel chaque protagoniste n’a cessé d’accuser son concurrent de recevoir des aides publiques illégales.
Rappelons qu’en juin 2017, un groupe spécial au sein de l’OMC avait rejeté 28 des 29 critiques formulées par Bruxelles et estimé que la quasi-totalité des aides américaines à Boeing étaient désormais conformes aux règles de l’OMC. Seules les exemptions fiscales accordées par l’Etat de Washington avaient été jugées illégales par l’organisation basée à Genève. Un verdict contesté, tant par l’UE que par les États-Unis, qui avaient alors décidé de faire appel.
Dernière étape dans cette longue procédure, le rapport publié le 28 mars confirme bien la décision rendu en 2017 par le groupe spécial de l’OMC. Celle-ci devrait donc clore définitivement le dossier à condition, bien sûr, que Washington accepte de rectifier le seul dispositif encore jugé non conforme par la plus haute juridiction de l’institution internationale…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles