C’était en 2014. Pour la première fois en quinze ans, la consommation d’acier de la Chine y baissait, et ce de 3,3 %. Une réduction, qui plus est, confirmée l’année suivante, de 5 %. Cette contraction demeurait, certes, limitée, après une expansion en flèche depuis 2000. Mais aujourd’hui, alors que la planète croule sous les excédents de production (un tiers des capacités est inutilisé), les observateurs sont bien en peine de déterminer l’évolution et la sortie de crise du secteur.
Fort logiquement puisque la Chine semble avoir atteint un pic de consommation, les analystes de Coface se sont demandés si un autre grand pays émergent, aussi membre du club restreint des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), certainement le seul en forme olympique, l’Inde, pouvait prendre le relais de l’ex-Empire du Milieu. Et la réponse, pour décevante qu’elle soit, est aussi logique. Non. Certes, l’Inde s’industrialise, mais le niveau d’industrialisation de ce géant demeure insuffisant pour qu’il devienne à court terme le moteur de la reprise dans l’acier.
L’Inde, encore un pays de services et d’agriculture, malgré le Make in India
« L’Inde reste un pays de services, d’agriculture, et même si, avec les réformes pour l’industrialisation du Premier ministre Modi, la tendance est clairement positive », a délivré Guillaume Baqué, économiste de Coface. En l’occurrence, Narendra Damodardas Modi encourage les investisseurs étrangers à fabriquer en Inde, une stratégie de Make in India concernant une vingtaine de secteurs : aéronautique, automobile, textile, chimie, énergies renouvelables, industrie ferroviaire, technologie de l’information et la communication, etc.
Du coup, les experts de Coface, outre Guillaume Baqué, également Paul Chollet, responsable des études sectorielles et défaillances, ne voient pas un rebond de l’acier avant 2018. Et ce, grâce à trois secteurs qui accélèrent à nouveau : la construction (qui utilise 50 % de l’acier disponible dans un pays), la mécanique (14 %) et l’automobile (12 %). L’Inde, la Chine et l’Afrique subsaharienne ont des taux d’urbanisation encore faibles, ce qui est favorable à la construction. En 2025, quelque 300 millions de personnes supplémentaires habiteront dans les villes des grands émergents (Bric, Indonésie, Philippines…).
Dans un pays comme l’Inde, la démographie est très favorable. Pour autant, jugent les deux spécialistes de Coface, la Chine demeurera le leader de l’acier, tant pour la consommation que la production, « dans la prochaine décennie ». La Chine ne semble pas très inquiète des mesures anti-dumping décidées ou à l’étude des États-Unis à l’Union européenne pour freiner la marée de ses ventes d’acier dans le monde (+ 50 % en 2014, + 20 % en 2015). Surtout que l’export n’est pour elle qu’une « échappatoire, avec 11 % de sa production exportée en 2011 », soulignait Guillaume Bacqué.
La Chine, représentant 50 % de la production mondiale, a sorti près de 804 millions de tonnes d’acier l’an dernier, en baisse de 2,3 % sur 2014. Pékin est donc beaucoup plus soucieux de trouver des solutions à sa surproduction. Les sidérurgistes sont endettés et le pouvoir central, qui avait appelé à la concentration des 1 200 acteurs, semble n’avoir eu d’impact, qu’elle l’ait pu ou voulu, que sur les 70 plus grosses entreprises d’État. Au niveau local, où rien ne semble avoir bougé, « il y a souvent une collusion entre les acteurs politiques et économiques pour préserver l’emploi », a précisé Guillaume Baqué.
En février, le pouvoir central a annoncé une première réduction des capacités de 40 millions de tonnes. L’objectif à l’horizon 2020 est une réduction de 150 millions de tonnes, alors que la capacité de production globale s’élevait à 1,2 milliard de tonnes en 2015.
François Pargny
Pour prolonger :
– Sidérurgie / Antidumping : la règle dite du « droit moindre » divise l’Union européenne
– UE-Chine : enquête sur les importations de barres d’armature en acier chinois
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