« Je ne suis pas mécontent du résultat ! ». À l’origine de l’enquête déclenchée en juin 2017 par la direction générale (DG) de la Concurrence de la Commission européenne sur le dispositif de Bretagne commerce international (BCI) au titre des aides d’État*, Serge Rosier, dirigeant de la société de conseil ITC (International Trade Connexion), ne cache pas sa satisfaction face aux résultats obtenus après être volontairement resté discret sur cette affaire « car la procédure était en cours ». Ils revêtent quoiqu’il en soit un intérêt certain alors que se prépare une nouvelle réforme du dispositif public de soutien à l’export dont l’un des socles sera un nouveau partenariat entre l’État, les Régions et les chambres de commerce dont les consultants privés ne veulent pas faire les frais.
Dans un courrier à Serge Rosier daté du 29 janvier 2018, que Le Moci a pu consulter, la DG Concurrence détaille en effet les engagements pris par l’organisme breton en charge de la mise en œuvre de la politique régionale d’accompagnement à l’international des PME bretonnes suite aux recommandations de Bruxelles dans le cadre de cette procédure. Selon elle, ces engagements sont « à même d’exclure une potentielle distorsion de concurrence dans le futur » et la fondent à proposer « de clôturer ce cas sur la base de ces engagements ». À la lecture de ce courrier, on comprend que BCI s’est engagée à procéder à un certain recadrage de son modèle.
Premier engagement : l’ouverture du réseau des partenaires
Premier engagement, l’ouverture du réseau de ses partenaires. « BCI s’est engagée à élargir son réseau de partenaires à l’étranger par le biais d’un avis d’appel public à candidatures, respectant les principes d’égalité, de non-discrimination et de transparence, et évitant ainsi toute distorsion sur le marché du conseil », écrit ainsi la DG Concurrence.
À cet égard, BCI n’a pas perdu de temps pour le mettre en œuvre en décidant dès octobre 2017 d’ouvrir le réseau de ses partenaires et de réformer sa méthode de recrutement, comme nous l’avions annoncé en décembre dernier**. Depuis le 1er janvier 2018, ces partenaires –consultants et sociétés de conseil, CCI françaises à l’étranger, Business France…- sont effectivement référencés sur son site bretagnecommerceinternational.com grâce à un nouveau système d’agrément dont les critères sont transparents. Pour chaque mission dans un pays, les partenaires référencés sont systématiquement sollicités pour proposer des offres et BCI n’est plus l’intermédiaire obligé pour la signature des contrats.
Se doter d’une comptabilité analytique d’ici décembre 2019
Deuxième engagement : « BCI s’est engagée à adapter sa comptabilité analytique, permettant de garantir l’absence de subventions croisées entre ces activités non économiques et ces activités économiques », selon la DG Concurrence. Autrement dit, BCI devra se doter des outils comptables nécessaires pour mieux tracer l’affectation des subventions publiques qu’elle perçoit chaque année, notamment du conseil régional, au titre de ses missions d’intérêt public pour qu’elle ne risque pas de fausser la concurrence avec l’offre d’accompagnement venue du privé.
Selon Serge Rosier, qui a reçu de la part de la DG Concurrence un certain nombre de pièces du dossier, BCI, qui ne disposait jusqu’à présent que d’une comptabilité analytique partielle, s’est engagée formellement à se doter d’une comptabilité analytique d’ici au 31 décembre 2019. Un engagement d’autant plus bienvenu, rappelle le consultant, que déjà en 2014, se doter d’une comptabilité analytique faisait partie des recommandations faites dans un avis de l’Autorité de la concurrence française, qui mentionnait juste BCI, mais visait surtout clairement Ubifrance –l’ancêtre de Business France- et Erai, l’ancienne agence rhônalpine de soutien à l’export disparue dans une faillite retentissante en juillet 2015****.
Prêt à réagir à nouveau
Le dirigeant d’ITC avait un mois, à compter de la réception de la lettre de la DG concurrence, pour contester ses conclusions, délai au-delà duquel sa « plainte sera réputée retirée ». Il ne devrait pas s’y opposer.
En revanche, « bluffé par la réactivité des services de la DG concurrence à Bruxelles » et « sidéré par la facilité avec lesquels ont peut les saisir », tout se faisant par Internet selon une procédure « très simple », Serge Rosier se dit déterminé à suivre la mise en œuvre effective des engagements de l’organisme breton, prêt à réagir à nouveau s’ils ne sont pas suivis d’effets. Gageons que ce dossier sera également suivi de près dans les autres Régions françaises.
Christine Gilguy
*Accompagnement / Export : la Commission européenne enquête sur le dispositif de la Bretagne
**Accompagnement / Export : Bretagne commerce international réforme son dispositif
***Aides à l’export : l’Autorité de la concurrence épingle Ubifrance, Bpifrance et Erai
****Erai/Rhône-Alpes : après la liquidation, reste à assurer la continuité de service
Pour prolonger :
Lire dans la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Aides à l’export : incertitude sur le sort qui sera réservé à l’Adepta dans la réforme
Et aussi :
– Aides à l’export : l’Adepta ne veut pas faire les frais de la réforme du dispositif
– Commerce extérieur : en attendant de nouvelles « cathédrales industrielles »
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