Bretagne commerce international (BCI) a décidé de réformer son dispositif pour élargir les offres d’accompagnement proposées à ses adhérents dans les pays étrangers selon une orientation qui est bien dans l’air du temps. Dans un courrier adressé le 13 décembre à ses partenaires existants et dont Le Moci a eu connaissance, Vincent Chamaret, son directeur général, indique ainsi que face à « des demandes d’accompagnement de plus en plus variées, plus spécialisées et dans un plus grand nombre de pays de destination (…) il nous fallait élargir notre offre à l’étranger permettant ainsi aux entreprises bretonnes d’avoir un choix plus ouvert de prestataires basés sur place et, si elles le désirent, la capacité de contracter directement avec eux ».
Autrement dit, non seulement BCI ouvre son réseau à de nouveaux prestataires, mais il ne sera plus l’intermédiaire obligé entre les entreprises bénéficiaires de ses services et ceux-ci, intermédiaire qui, précisons-le, ne prenait aucune marge sur les contrats de prestation. La refonte du dispositif s’accompagne de la mise en place d’une procédure d’agrément.
Un « réseau d’accompagnement à l’étranger » avec des prestataires « agréés »
Concrètement, BCI va constituer au 1er janvier 2018 un « réseau d’accompagnement à l’étranger » constitué de professionnels, consultants individuels ou structures privées d’accompagnement, préalablement « agréés ». L’agrément de BCI sera délivré à des prestataires répondant à dix critères « objectifs et transparents », précise le courrier, destinés à s’assurer de leur capacité à « réaliser un accompagnement performant des PME » qui, rappelle le texte, représentent plus de 70 % des entreprises qui sollicitent l’agence.
La liste de ces critères, extrêmement précis, est annexée au courrier, et révèle une exigence forte de fiabilité et d’ancrage local. Citons, entre autres : avoir au moins cinq ans d’existence et disposer d’une équipe sur place parlant le français, être en mesure de proposer une domiciliation juridique et fiscale et être capable d’héberger physiquement et/ou juridiquement des salariés, facturer en euros et répondre sous sept jours aux demandes de devis, être transparent sur les secteurs de spécialisation et les risques de conflits d’intérêt…*
En contrepartie, les prestataires agréés seront intégrés à un réseau visible auprès des entreprises bretonnes sur la plateforme Internet de BCI, et ils apparaîtront dans les choix proposés aux entreprises s’ils sont dans le pays qu’elles ciblent. Pour ce qui concerne le mode opératoire de l’agence bretonne, celle-ci continuera à recueillir et rédiger les cahiers des charges des entreprises qui font appel à ses services et à leur fournir les contacts des prestataires compétents, mais les entreprises auront désormais le choix entre poursuivre avec l’interface BCI ou contracter directement avec le prestataire choisi.
« Nous avons 25 % de nouveaux clients, plus jeunes, beaucoup plus pressés et beaucoup plus pointus »
Est-ce une évolution liée à l’enquête lancée par la Commission européenne au titre du contrôle des aides d’Etat entamée en juin dernier et dont les conclusions sont attendues pour le début de l’année prochaine ?** Sans aucun doute celle-ci a stimulé une réflexion lancée au cours de l’été sur l’évolution du dispositif breton, mais le contexte national marqué par la volonté du gouvernement, et notamment l’ancien président de la Région Bretagne Jean-Yves Le Drian, patron du Quai d’Orsay, de simplifier et optimiser les dispositifs publics d’appui à l’export a aussi eu sa part.
Sollicité par Le Moci, Vincent Chamaret admet ainsi « qu’on écoute ce qu’on nous dit » et précise « qu’on regarde l’évolution des dispositifs ». Mais il préfère justifier cette réforme en premier lieu par l’évolution du contexte local : après cinq ans de fonctionnement, BCI, association issue de la fusion en 2012 entre une agence du Conseil régional et le dispositif CCI International de la Chambre de commerce et d’industrie de la Région Bretagne, « c’était le moment de faire un bilan », explique-t-il. Depuis 2015, plus de 10000 accompagnements ont été assurés par l’agence pour 2300 entreprises différentes. Son réseau actuel compte 110 partenaires couvrant 100 pays.
« On est devenu l’interlocuteur incontournable des exportateurs bretons, mais en même temps, les besoins évoluent : nous avons 25 % de nouveaux clients, plus jeunes, beaucoup plus pressés et beaucoup plus pointus. Certains de nos partenaires ne parvenaient plus à répondre à leurs besoins, étant obligés de sous-traiter certaines prestations ». Les conditions étaient donc réunies pour ouvrir le réseau. « Tous les critères d’agrément ont été validés par mon directoire et mon conseil d’administration en octobre » tient à préciser Vincent Chamaret.
Les instances de gouvernance de l’association BCI sont constituées d’un directoire où sont notamment représentés les tutelles, et d’un conseil d’administration qui associe les représentants des entreprises bretonnes. L’agence réserve ses prestations, subventionnées par la Région et la CCIR qui prennent notamment en charge les salaires de ses agents, aux entreprises bretonnes adhérentes.
Le président de l’OSCI se réjouit de cette évolution
Dans le courant du mois de décembre, toute une série de conférences téléphoniques avec les partenaires déjà en place à l’étranger ont été organisées par BCI pour expliquer les nouvelles modalités de fonctionnement, avant l’ouverture aux nouvelles demandes d’agréments, prévue au 1er janvier 2018. Reste à savoir si celles-ci seront nombreuses. Vincent Chamaret se montre plutôt confiant : « nous avons une centaine de nouvelles candidatures chaque année »…
Cette réforme du dispositif breton devrait être suivie avec attention dans l’écosystème du commerce extérieur car elle précède la réforme des dispositifs nationaux en cours de préparation pour simplifier et rationaliser l’offre d’accompagnement aux entreprises. Elle rappelle le concept de « fair broker » défendu par le président de l’OSCI, la fédération des sociétés privées de l’accompagnement à l’export, Etienne Vauchez. Commentant la réforme bretonne, celui-ci ne cache pas sa satisfaction : « c’est un service très précieux que de proposer à chaque entreprise bretonne, pour chaque pays, une variété de solutions qualifiées pour lui permettre d’entrer sur le marché, se réjouit-til. C’est clairement cette direction que devrait suivre l’ensemble du dispositif public ».
Christine Gilguy
* Les dix critères pour obtenir l’agrément BCI (Source BCI):
1/-La société d’accompagnement offre au moins 5 ans d’existence sur zone et dispose d’un bureau local employant un personnel d’accompagnement, basé sur place, parlant la langue française (ou disposant d’une ressource francophone) et la langue courante des affaires dans le pays de résidence.
2/-La société d’accompagnement doit indiquer ses secteurs d’activité de compétence, transmettre le cas échéant le CV des personnels assurant les prestations et illustrer cette compétence par la citation d’au moins trois entreprises françaises déjà clientes et les contacts référents.
3/-La société d’accompagnement doit pouvoir assurer la domiciliation juridique et fiscale dans le pays étranger, ou, le cas échéant, indiquer le sous-traitant local qu’elle utilise pour assurer ce service.
4/-La société d’accompagnement doit avoir la capacité d’héberger physiquement et/ou juridiquement des salariés des entreprises bretonnes ou, le cas échéant, indiquer le sous-traitant local qu’elle utilise pour assurer ce service.
5/-La société d’accompagnement doit pouvoir facturer les prestations en euros directement à l’entreprise bretonne ou via BCI qui, dans ce cas, refacturera l’entreprise sans marge commerciale.
6/-La société d’accompagnement s’engage à ce que l’entreprise bretonne, à sa demande, soit accompagnée de l’hôtel à l’hôtel.
7/-La société d’accompagnement doit avoir la capacité de répondre sous 7 jours calendaires aux demandes de devis émises directement par l’entreprise bretonne ou à travers BCI. Au delà de ce délai de réponse, les devis ne seront pas examinés par le client ou non pris en compte dans l’offre remise par BCI.
8/-La société d’accompagnement qui n’aurait pas répondu à 3 demandes de cotations émises par BCI perdra son agrément, étant entendu qu’une réponse indiquant qu’elle ne peut répondre faute de temps ou de compétence est considéré par BCI comme une réponse et n’entre donc pas dans ce décompte.
9/-La société d’accompagnement doit accepter de déclarer préalablement les secteurs d’activité exclus du fait de son activité commerciale d’agent ou de distributeur déjà établis avec des entreprises françaises ou étrangères ou de la détention d’un pourcentage du capital des filiales françaises du même secteur déjà implantées. En conséquence, refuser toute mission de conseil dans les secteurs d’activité concernés.
10/-La société d’accompagnement doit prévenir BCI en cas de cessation d’activité, retour en France, en s’engageant à terminer préalablement les missions en cours avec les entreprises présentées par BCI.
**Accompagnement / Export : la Commission européenne enquête sur le dispositif de la Bretagne
Pour prolonger :
Lire au sommaire de la LC aujourd’hui :
–Aides à l’export : le binôme Yung-Kayser remet ses propositions aux ministres
–Finance / PME : le Médiateur national du crédit aussi se penche sur l’export